Manucure à haut risque pour Cléa, lionne de 22 ans

Aujourd’hui, j’ai participé à ma première consultation pour une lionne au zoo de Servion. Une expérience fascinante que je tenais à vous partager.

Notre patiente du jour se prénomme Cléa. Une magnifique lionne de bientôt 22 ans, née au zoo en 1996 sous le regard du directeur M. Roland Bulliard. Soucieux du bien-être de sa lionne, celui-ci a contacté notre cabinet afin d’examiner son animal. Il semble que Cléa présente une ou plusieurs griffes incarnées, un phénomène fréquent chez les félins âgés. En effet, Cléa présente une longévité exceptionnelle même pour un lion né en captivité.

Une intervention risquée

Notre équipe est composée ce jour de deux vétérinaires : Dr. med. vet. Alexandra Durrer et moi-même, accompagnées de notre assistant vétérinaire M. Anthony Forcina. Arrivés au zoo, nous sommes accueillis par l’équipe de soigneurs en charge du bien-être de Cléa. L’ambiance est plutôt détendue. Ce n’est pas la première fois que l’équipe dirigée par la Dresse Alexandra Durrer intervient ici, Cléa a déjà subit le même type d’intervention en 2016. Une expérience sans encombres, qui nous l’espérons sera reproduite aujourd’hui.

L’intervention du jour peut être qualifiée : « à hauts risques ». Evidemment, nous pensons au risque pris par la vétérinaire qui entrera d’ici quelques minutes dans le box d’un fauve en liberté. Pourtant, Alexandra me confie : « J’espère que l’anesthésie se passera bien ». Nous sommes en effet inquiètes du risque anesthésique encouru par Cléa. Comme pour tout animal âgé nous devons prendre des précautions supplémentaires au cas où un accident survient.

Un animal de 180kg, à jeun…

Je prends les renseignements usuels : Cléa est à jeun, pèse 180kg, et ne manifeste aucun problème autre que les griffes qui nous motivent aujourd’hui.

Alexandra engrange alors une mécanique bien rodée : mesure des doses anesthésiques, préparation des seringues hypodermiques, montage des fléchettes, charge du fusil de télé-injection, vérification du set d’urgence anesthésique et antisédant. Nous sommes prêts.

Alexandra se poste devant la cage du félin, le silence fût.

Cléa ne l’entend pourtant pas de cette oreille. La vielle lionne regarde fixement la vétérinaire munie de son fusil. La mamie agite même quelques gros coups de pattes contre la grille. L’intervention de ce jour nécessitera 4 tirs dans l’épaule et le fessier, agrémentés d’un petit supplément d’anesthésique.

« Clac, Clac, Clac »

Une trentaine de minutes plus tard, Cléa dort d’un sommeil léger. Un supplément en oxygène lui est apporté de notre compresseur jusqu’à sa gueule via un long tube. « Encore deux petites minutes » nous dit Alexandra testant une énième fois le réflexe palpébral à l’aide d’une tige télescopique. Puis, après réflexion, deux réflexes vomitifs, et encore quelques minutes supplémentaires : Cléa semble bien endormie.  Il est temps de rentrer dans la cage…

Tout le personnel s’active autour des vétérinaires, Anthony maintient la tête en cas de sursaut de Cléa. Deux soigneurs rentrent dans la cage pour maintenir les pattes de la lionne et assister la vétérinaire. « Clac, Clac, Clac » entend-on. L’immense pince à griffe, à l’échelle de notre patiente, nécessite une certaine force d’activation, mais vient à bout des griffes dures et acérées de la vieille lionne. Plusieurs griffes incarnées ôtées en un éclair, puis un nettoyage et une désinfection des immenses coussinets est effectué. Il nous faut faire vite.

     

Un réveil en douceur

« Alzane! » nous appelle Alexandra. Je lui tend l’antisédant, cela sonne la fin de cette consultation atypique. Tout le monde sort du box. La lionne est recouverte de paille pour maintenir sa température, et les soigneurs installent un chauffage portatif devant son grand museau.

Nous contrôlons le réveil, tout semble bien se passer. Cléa se réveille doucement, « I believe I can fly » me chuchote Anthony en souriant: cela résume bien la tête de notre lionne au réveil. Celle-ci n’a pourtant que peu perdu de sa superbe. Elle semble également peu reconnaissante de la belle manucure dispensée par Alexandra. Dès que la vielle lionne entend la voix de la vétérinaire, celle-ci se retourne et la grogne d’un air réprobateur. « Aurevoir Cléa, à la prochaine » lui dit Alexandra accompagné d’un petit signe de la main. « Je ne pense pas qu’elle oubliera ta visite» lui soufflais-je… et moi non plus d’ailleurs.

Les griffes des félins doivent être contrôlées

Au quotidien, je vois souvent lors de mes consultations de vieux chats qui n’ont plus la force ni le courage d’entretenir leurs griffes, et qui, comme Cléa, présentent des griffes incarnées.

Celles-ci sont très douloureuses et peuvent s’infecter, jusqu’à provoquer des problèmes plus graves comme un abcès.

En tant que propriétaires, tout comme les soigneurs du zoo de Servion : contrôlez les griffes de votre félin!

En cas de doute, demandez conseil à votre vétérinaire. Comme pour Cléa, il pourra effectuer une coupe de griffes si nécessaire, et normalement sans anesthésie générale cette fois!

 

Dr Diane Grosjean

Diane Grosjean

Résidente du Collège Européen de médecine sportive vétérinaire et rééducation fonctionnelle (ECVSMR), Diane Grosjean est la première vétérinaire en Europe à entamer un cursus de spécialisation académique dans ce domaine. Elle vous partage cette expérience unique à travers son blog abordant ostéopathie, physiothérapie, médecine vétérinaire, enseignement et actualité scientifique.

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