Stop à l’immigration massive, entre perception et réalité

On le lit et l’entend de manière ininterrompue depuis hier après-midi: si on donnait la possibilité à nos voisins européens de voter sur le même sujet, ils auraient clairement plébiscité l’initiative de l’UDC. Ça nous fait une belle jambe, non? La réalité est que bon nombre de nos voisins nous présentent comme un peuple de racistes et d’égoïstes. Si comme moi vous avez de la famille ou des amis à l’extérieur de nos frontières, vous vous demandez probablement comment affronter leurs critiques, qu’elles soient intelligentes ou superficielles, condescendantes ou agressives, étonnées ou dégoutées. Pour donner le ton, El Pais online, hier, présentait l’UDC comme un parti d’extrême-droite. Sous-entendant ainsi que les Suisses – puisqu’ils ont soutenu la proposition de l’UDC – sont globalement favorables aux idées d’extrême-droite et qu’ils «s’enferment dans leurs peurs» (sic).

Dire à nos amis qu’ils sont encore pires que nous ne servirait à rien, vous en conviendrez. Leur répéter que la Suisse accueille aujourd’hui près de 25% d’étrangers sur son territoire – environ 12% en France et en Espagne, par exemple – peut éventuellement faire réfléchir les plus ouverts d’entre eux. Un peu. Mais au final, ils retiendront que nous avons voté pour freiner l’immigration, afin de conserver notre richesse et notre confort. Et comment leur en vouloir, alors que la crise les ronge et qu’ils peinent à imaginer un avenir serein pour leurs propres enfants?

On pourra gloser à l’infini sur l’argent dépensé par les opposants à l’initiative de l’UDC et sur la qualité de leur campagne, respectivement de leurs messages. Et soyons honnêtes : le faible écart du scrutin et la complexité de son analyse devraient nous inspirer une certaine réserve avant de tirer à boulets rouges contre les stratèges des partis perdants. D’ailleurs, notre regard ne serait-il pas différent si 20'000 opposants de plus avaient remis leur bulletin de vote, inversant ainsi le résultat?

En communication, il est primordial de se préoccuper de la perception potentielle de nos messages par les cibles de nos campagnes. Par exemple: le peuple suisses était-il prêt à admettre que l’initiative de l’UDC risquait de faire s’écrouler notre économie? En d’autres termes, était-il opportun de brandir la peur d’une perte de compétitivité de la Suisse, alors que notre pays surfe sur le succès depuis de nombreuses années? Et pourquoi n’a-t-on pas davantage entendu les chefs d’entreprise, à priori très concernés par les enjeux de la votation? L’engagement déterminé des plus respectés d’entre eux aurait peut-être convaincu les indécis.

Plus que jamais, la Suisse aura besoin de talents hors normes pour faire accepter sa différence et sauvegarder ainsi ses intérêts, à l’échelle internationale. Je pense particulièrement à Présence Suisse, la super-agence de communication de la Suisse, pilotée par Nicolas Bideau. Entre la réputation de notre place financière et le haut-le-coeur médiatique provoqué par la votation d’hier, le défi est de taille.

Pour finir sur une note positive, rappelons que notre pays jouit d’une excellente réputation dans un domaine hautement médiatisé et considéré comme emblématique des valeurs nationales: le sport. La Suisse y brille grâce à des champions exceptionnels, sobres dans la victoire, abordables et sympathiques. Lara, Dario, Simon, Stan, Fabian ou Roger contribuent ainsi activement à contrebalancer les thématiques lourdes qui plombent notre image: à travers eux, la Suisse peut se montrer conquérante tout en demeurant souriante et ouverte. Une question d’attitude, peut-être, qui pourrait inspirer nos négociateurs de tous bords lorsqu’il s’agira de faire évoluer les perceptions à notre égard.

Daniel Herrera

Daniel Herrera a été responsable des relations publiques de Nestlé Suisse, puis DirCom de la BCV, de l’America’s Cup, de Romande Energie et de Kudelski. Il a fondé et dirigé YJOO Communications Lausanne de fin 2011 jusqu’à mai 2014 et il est responsable de la communication institutionnelle du Groupe Assura depuis juin 2015. Ses dadas: accompagnement du changement, relations médias, événementiel et communication de crise.