Coronavirus: les «remèdes» pour soutenir l’économie existent

L’épidémie de Covid-19 commence d’impacter durement certains secteurs économiques. Le préjudice aux entreprises dépendra de la durée de la crise sanitaire. Les solutions pour en atténuer les effets ne manquent pas. Tour d’horizon des pistes à explorer.

C’est le magazine «Bilan» qui avance le chiffre dans son édition de cette semaine: le coût financier de l’épidémie de coronavirus aurait déjà atteint le milliard de francs pour l’industrie suisse de l’événementiel. L’interdiction fédérale de tout rassemblement de plus de 1000 personnes jusqu’au 15 mars a provoqué de nombreuses annulations et, par cascade, des dégâts financiers majeurs. Des licenciements ont été prononcés, alors que des faillites sont redoutées. Si ce secteur est durement touché, c’est bien l’ensemble de l’économie suisse qui tourne aujourd’hui au ralenti.

L’ampleur de l’impact sur les entreprises reste encore difficile à estimer. Elle dépendra de la durée de la crise sanitaire. Si celle-ci n’excède pas deux mois, la plupart des sociétés pourront se relever. Au-delà, les dommages risquent d’être considérables. De nombreux pays et autres organisations ont déjà annoncé des mesures de soutien se chiffrant en milliards. La Commission européenne a décidé mardi de créer un fonds de 25 milliards d’euros pour aider les membres de l’Union européenne, alors que la Grande-Bretagne a annoncé hier un plan de 30 milliards de livres pour soutenir l’économie face à l’impact de l’épidémie.

Options envisageables

Et en Suisse, où en est-on? L’idée d’allouer une partie des milliards de francs que la Banque nationale suisse (BNS) va verser aux cantons afin de soulager les entreprises en difficulté fait son chemin un peu partout dans le pays, et dans tous les milieux. Nous n’en sommes pas encore là. Dans l’immédiat, d’autres options sont envisageables, comme le recours au chômage partiel. A cet égard, la Confédération a réduit hier de dix à trois jours le délai pour déposer des demandes de réduction de l’horaire de travail. Cette mesure permettra à nombre de sociétés déjà impactées de laisser passer un «orage» que l’on espère le moins dommageable possible. On peut aussi imaginer de demander aux collectivités publiques d’accélérer les paiements dus aux sociétés privées, ou encore d’envisager de différer de quelques mois, sans pénalité, le paiement des impôts qui leur sont dus par les entreprises. Enfin, les autorités compétentes seraient également bien inspirées de faire preuve de souplesse dans la prise en considération des cas de quarantaine.

Pour le reste, les entreprises et les citoyens peuvent contribuer à enrayer la propagation de l’épidémie, et par là même, son funeste impact en respectant les prescriptions émises par la Confédération. Toutes les informations utiles sont disponibles sur le site de la CVCI à l’adresse www.cvci.ch/coronavirus.

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La globalisation, oui, mais avec pondération

L’épidémie de coronavirus met en lumière une réalité préoccupante: la Chine regroupe une grande partie de la production mondiale de principes actifs médicamenteux. Si la mondialisation est profitable, il est peut-être temps d’adapter ce modèle aux réalités du XXIe siècle.

Le journal «Le Temps» annonçait la semaine dernière l’imminence d’une «grave pénurie de médicaments». En cause: la concentration des fournisseurs de matières premières en Asie, où la pharma occidentale a délocalisé une grande partie de sa production dans les années 2000 afin d’optimiser ses coûts. De nombreux antidouleurs et antibiotiques commencent déjà à manquer dans les pharmacies de notre pays.

L’épidémie de coronavirus qui sévit actuellement en Chine accentue le phénomène, car elle paralyse les chaînes de production et, donc, d’approvisionnement. Elle met surtout en évidence la vulnérabilité que fait peser cette délocalisation sur le système sanitaire. Dans ce contexte, le groupe pharmaceutique Sanofi a communiqué lundi qu’il allait «regrouper en une nouvelle entreprise autonome certaines de ses activités européennes dans les principes actifs pharmaceutiques, des molécules essentielles entrant dans la composition de tout médicament, dans un contexte de dépendance croissante des laboratoires mondiaux vis-à-vis de la production asiatique». La nouvelle filiale doit réunir six des onze sites de fabrication de principes actifs que compte l’entreprise en Europe. La nouvelle entité, forte de 3100 employés, aura son siège en région parisienne.

Voilà un signal intéressant. L’idée, bien sûr, ne consiste pas à remettre en question la mondialisation. Les échanges internationaux demeurent indispensables à la prospérité générale et ont permis de réduire les inégalités dans le monde. Le cas soudain et extrême de l’épidémie vient simplement nous rappeler que les concentrations industrielles ne sont pas toujours souhaitables, a fortiori lorsqu’elles se trouvent à l’autre bout de la planète. A une époque où le changement climatique devient un enjeu central pour nous tous, produire plus près ne peut qu’améliorer notre bilan carbone.

Tendance en hausse

Rapatrier sa production est une tendance que l’on observe depuis quelques années en Occident, même en Suisse. La raison principale? Le coût du travail, qui a souvent été à la base d’une décision de délocalisation, augmente également dans les pays lointains. De fait, les économies obtenues sur la main-d’œuvre ne compensent plus les coûts logistiques et douaniers. Relocaliser est aussi en phase avec l’exigence de proximité que revendiquent toujours plus de consommateurs. Les entreprises y trouvent leur compte en termes d’image et de notoriété. D’un point de vue logistique, à l’heure de l’industrie 4.0, la relocalisation s’avère aussi payante, car elle permet de réduire les coûts, d’améliorer les délais de livraison et, point non négligeable, le service à la clientèle.

Il est peut-être temps de reconsidérer la globalisation à la lumière des nouveaux paradigmes de ce siècle. Elle a du bon, mais avec modération.

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Des airs de conquête de l’Ouest pour les PME

Les pourparlers entre la Suisse et les États-Unis autour d’un accord de libre-échange se sont poursuivis lors du récent World Economic Forum de Davos. Il s’agit d’un signal réjouissant pour les entreprises, qui sont nombreuses à souhaiter une amélioration de ces relations commerciales.

Même si le réchauffement climatique est un enjeu primordial aujourd’hui, on n’a pas parlé que de ce thème lors du récent World Economic Forum de Davos. La présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga, s’est ainsi entretenue avec son homologue américain, Donald Trump, pour évoquer un accord de libre-échange (ALE) entre les deux pays, dont les Chambres ont approuvé le principe l’an dernier. Pour notre économie, un tel traité offrirait de nouvelles opportunités, permettrait de garantir la sécurité juridique et, surtout, de créer un cadre institutionnalisé pour renforcer ces relations économiques bilatérales.

La majorité des sociétés exportatrices et importatrices suisses sont des PME, qui ont conquis les marchés mondiaux grâce à leur potentiel innovant. Dans une enquête publiée l’an dernier par Credit Suisse, 60% des entreprises sondées se disaient favorables à un accord de libre-échange avec les États-Unis. Le marché américain est le deuxième par ordre d’importance pour la Suisse après celui d’Allemagne. On ne saurait donc le dédaigner.

Renforcer la sécurité juridique

Si un tel traité était signé, estime Avenir Suisse, les échanges de marchandises croîtraient en cinq ans de plus de 14 milliards de francs et plus de 40’000 nouveaux emplois pourraient être créés, dont 13’500 en Suisse. Selon le think tank indépendant, Berne pourrait ainsi se protéger des «politiques commerciales arbitraires et renforcer la sécurité juridique de son économie en des temps toujours plus incertains sur le plan géopolitique […] en plus de réaliser des économies sur les droits de douane». Le pays accéderait «sans entrave au plus grand marché du monde».

Avenir Suisse a établi l’an dernier dix recommandations stratégiques en vue de la conclusion d’un tel accord, mettant un accent particulier sur le secteur agricole, dont on se souvient qu’il était monté au front contre un tel traité en 2006. Le laboratoire d’idées estime qu’un ALE pourrait constituer une chance pour de nombreux agriculteurs innovants. «Prix spécial du jury» lors du dernier PVEI, la Fromagerie Maréchal constitue un bon exemple à suivre. L’impact écologique de son produit vedette a été réduit en complétant l’alimentation des vaches avec des graines de lin. Celles-ci produisent ainsi moins de méthane, donc moins de CO2. Sur les 360 tonnes de cette pâte dure produites annuellement, plus de 90 sont exportées, dont une partie aux États-Unis. L’avenir appartient à ceux qui innovent tôt.

Les esprits chagrins ne manqueront pas de relever combien il peut être problématique de conclure un accord avec un pays dont le président brille surtout par sa versatilité. C’est pourquoi il est important de conclure cet accord pour se prémunir d’une volte-face. On l’a vu avec la Chine. Il reste que les dirigeants passent, les accords restent. Dans le contexte mondial incertain que nous connaissons, une ouverture diversifiée aux marchés étrangers représente plus que jamais un gage de prospérité et de pérennité.

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On ne bâtit rien de bon avec le dirigisme

L’initiative populaire «Davantage de logements abordables», qui enjoint les autorités à encourager l’offre d’habitations à loyer modéré, s’annonce rigide et inefficace. Le 9 février prochain, il s’agira de dire non à un texte qui fleure la bureaucratie à plein nez.

 L’apparence d’une bonne idée: c’est la première impression que le citoyen pourrait avoir en découvrant l’initiative «Davantage de logements abordables», sur laquelle nous nous exprimerons le 9 février prochain. Ce texte demande que 10% au moins des nouvelles habitations soient construites par des coopératives. Dame! Augmenter le nombre de logements à loyer abordable serait bienvenu pour de nombreux ménages qui peinent à boucler leur fin de mois. Ce projet, lancé à une époque où la pénurie était réelle dans bien des centres urbains, s’avère pourtant dépassé, inefficace et rigide.

Le marché de la location, dans son ensemble, a retrouvé en 2016 un équilibre entre offre et demande. Depuis lors, l’offre est légèrement excédentaire et le nombre de logements vacants continue de croître. Dans de nombreuses régions où l’on a beaucoup construit, il n’est pas rare de voir les premiers loyers offerts, signe évident que le marché s’est largement détendu. Depuis quatre ans, les prix moyens des nouveaux logements sont en baisse. Il est donc possible de trouver son bonheur sans renforcer l’interventionnisme de l’État. Dans les cantons qui appliquent une politique dirigiste dans le secteur immobilier, les logements disponibles ne sont pas nécessairement plus élevés qu’ailleurs. Au contraire. Genève en constitue l’illustration: des instruments comme les quotas ou les droits de préemption n’ont pas empêché le taux de vacance de se situer à un peu plus 0,50%, au 1er juin 2019, soit l’un des plus bas en Suisse.

Car c’est aussi là que le bât blesse. Introduire dans la Constitution un quota permanent et contraignant induirait une bureaucratie pesante. Il faudrait ainsi définir uniformément à l’échelle du pays la notion de logements d’utilité publique, qui varie d’un canton et d’une commune à l’autre. Les collectivités devraient en outre vérifier périodiquement que le quota de 10% est respecté. A défaut, des mesures correctrices devraient être prises. Le processus d’octroi des permis de construire deviendrait ainsi encore plus lent et complexe. La construction des logements dont la population a besoin en serait, funeste paradoxe, ralentie. Nous ne sommes pas très éloignés d’une usine à gaz.

Constructions déjà soutenues

Il faut aussi rappeler que la Confédération soutient déjà la construction d’appartements d’utilité publique. Elle cautionne les emprunts de la Centrale d’émission pour la construction de ce type de logements, ce qui permet un financement avantageux et assure des loyers modérés. Elle exploite par ailleurs un fonds de roulement qui octroie aux maîtres d’ouvrage d’utilité publique des prêts remboursables rapportant des intérêts. Le Parlement a d’ailleurs décidé de réalimenter ce fonds de 250 millions de francs pour une période de dix ans.

Hérésie ultime de cette initiative, les collectivités publiques ne pourraient soutenir les rénovations énergétiques des immeubles que si le nombre total de logements à loyer abordable en Suisse restait inchangé. De quoi dissuader de nombreux propriétaires d’entreprendre des travaux contribuant à réduire la consommation d’énergie.

Comme le proposent le Conseil fédéral et la grande majorité du Parlement, rejetons ce texte dans les urnes le 9 février prochain.

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La Suisse ne doit pas se murer dans une tour d’ivoire

À quatre mois de la votation, l’initiative populaire «pour une immigration modérée» semble avoir du plomb dans l’aile selon une première enquête d’opinion. C’est l’occasion de rappeler combien ce texte marqué du sceau du repli menacerait la prospérité de notre pays.

Les esprits chagrins auront beau jeu de rappeler qu’en 2014, la néfaste initiative «contre l’immigration de masse» partait battue dès les premiers sondages, alors qu’elle avait fini par triompher au grand dam des tenants de l’ouverture. Il reste que les temps ont changé. La récente enquête de Tamedia pronostiquant le rejet de l’initiative qui vise à supprimer la libre circulation des personnes avec l’Union européenne (UE) nous paraît être de bon augure. Elle montre que 58% des sondés y seraient opposés, alors que seuls 35% l’accepteraient. Depuis qu’elle a refusé l’initiative pour l’autodétermination, en novembre dernier, la population suisse semble avoir pris la mesure des dangers que le repli fait courir à notre prospérité.

Gardons-nous toutefois de tout triomphalisme prématuré! Il reste encore quatre mois avant le verdict des urnes et qui sait ce que l’actualité va nous réserver d’ici là. C’est pourquoi l’économie doit entrer en scène rapidement pour réexpliquer combien la suppression de la libre circulation des personnes aurait des conséquences funestes pour chacun d’entre nous. L’Union européenne est de loin notre premier partenaire commercial. Et neuf entreprises exportatrices sur dix sont des PME. C’est dire tout le bénéfice que notre tissu industriel tire des échanges commerciaux avec nos voisins européens. Une Suisse compétitive et ouverte, ce sont des emplois pour vous et moi. En 2017, un rapport fédéral révélait que l’adoption de l’initiative «contre l’immigration de masse», en 2014, avait coûté 1,4 milliard à la recherche suisse! Entre 2014 à 2016, notre pays n’avait eu, de fait, que partiellement accès au 8e programme-cadre européen de recherche, intitulé Horizon 2020. C’était là un bien lourd tribut à payer pour emprunter une voie aussi solitaire que périlleuse.

La voie bilatérale, gage de prospérité

Notre pays ne peut pas se murer dans une tour d’ivoire en prônant la fermeture et le protectionnisme. La prospérité que nous connaissons depuis de nombreuses années est, dans une large mesure, liée aux accords bilatéraux qui ont été négociés pas à pas avec l’UE depuis le rejet de l’Espace économique européen, en décembre 1992. Abandonner la voie bilatérale porterait un coup très dur à notre économie, surtout à un moment où les tensions internationales et les guerres commerciales fragilisent l’économie mondiale.

Pour toutes ces raisons, il est impératif de rejeter l’initiative inepte «pour une immigration modérée». Dans la foulée, la Suisse pourra s’atteler à la signature du fameux accord-cadre que Bruxelles attend depuis… 2008. Ce traité permettra de stabiliser et de pérenniser les accords sectoriels. Les entreprises ont besoin de bilatérales solides, mais aussi d’améliorer leurs conditions d’accès au marché européen. Le développement de notre économie en dépend largement. Ouvrons donc la voie à une régularisation de nos relations avec un partenaire incontournable par un vote clair le 17 mai prochain.

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La 5G mérite mieux qu’un moratoire

Le canton de Vaud a décidé de ne pas autoriser la construction de nouvelles antennes dans le sillage du rapport fédéral portant sur le déploiement de cette technologie sur le territoire suisse. Et pendant ce temps, l’économie doit ronger son frein.

On appelle cela familièrement «refiler une patate chaude». La semaine dernière, le Conseil d’Etat vaudois a annoncé qu’il interdisait la construction de nouvelles antennes 5G sur son sol jusqu’à ce que la Confédération mette «à disposition des cantons certains outils permettant, notamment, de vérifier que ces installations respectent les valeurs limites en matière de rayonnement». Il s’abrite derrière le principe de précaution. Il a beau jeu de le faire, d’ailleurs, car le rapport publié fin novembre sur mandat du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) portant sur le déploiement de la 5G sur le territoire suisse ne livre guère de conclusions claires… Devant ce flou fédéral, le gouvernement vaudois consent toutefois à accepter les modifications d’antennes dites mineures qui n’impliquent pas d’augmentation de leur puissance.

Il est louable de vouloir préserver la santé de la population face à une technologie que certaines études accusent d’induire un risque sanitaire. Or, et c’est bien là son seul mérite, le groupe de travail mandaté par le DETEC «constate que, jusqu’à présent, aucun effet sanitaire n’a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites fixées dans l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement». Or, avec ou sans moratoire, les opérateurs respecteraient ces limites, tant pour la 3G, la 4G ou la 5G. Des valeurs qui, soit dit en passant, sont dix fois moins élevées que dans d’autres pays! Les experts estiment en outre que 90% du rayonnement auquel nous sommes exposés ne dépend que de nous: il s’agit du smartphone que nous gardons longuement à l’oreille au lieu d’utiliser une oreillette avec micro intégré, du wifi que nous laissons activé en permanence, du téléphone conservé près de soi la nuit sans l’éteindre ou encore du PC portable posé sur les genoux. Il est donc aisé de limiter les risques d’exposition aux ondes.

Technologie indispensable

Disons-le clairement: dans ces conditions, les moratoires décrétés par les cantons n’ont pas lieu d’être, et ils doivent conséquemment être levés. Des voix s’élèvent même pour dénoncer leur caractère illégal au regard de la législation fédérale en la matière. Les réseaux sont presque saturés dans les grandes villes. Si la 5G paraît surfaite pour l’utilisateur lambda, l’économie, elle, attend avec impatience le déploiement d’une technologie indispensable pour le développement prometteur de l’internet des objets connectés. Songeons aussi aux diverses applications médicales possibles et aux drones. Le canton de Vaud, où le moratoire dure depuis le mois d’avril, a déjà pris beaucoup de retard dans la couverture de la 5G. Pendant ce temps, les opérateurs de téléphonie mobile investissent dans des cantons moins réfractaires au progrès.

Il est possible de développer un réseau performant dans le respect de normes sévères en matière de santé publique. S’agissant de la 5G, un peu de discernement ne ferait pas de mal à nos autorités, qu’elles soient fédérales ou cantonales.

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Les personnes physiques, parents pauvres de la fiscalité vaudoise

L’imposition cantonale des individus est la plus élevée du pays pour presque tous les niveaux de revenus! Une publication de la CVCI pointe du doigt ce problème. Une baisse est indispensable pour assurer le développement de notre tissu économique, mais aussi pour attirer davantage de talents.  

On loue à juste titre la position enviable qu’occupe l’innovation vaudoise dans les classements internationaux. Il est hélas un domaine où notre canton ferait bien d’innover: celui de l’imposition des personnes physiques! La Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), dans la 5e édition de sa publication «Pour une fiscalité vaudoise compétitive – Étude comparative et priorités 2020», met en perspective la situation du canton au niveau suisse et international. Le constat est sans appel: les Vaudois occupent le haut du tableau des contribuables les plus ponctionnés de la Confédération. Même les familles à revenu moyen sont impactées, en dépit du quotient familial. Selon notre étude, l’augmentation du revenu n’améliore en rien la situation, en raison du blocage prévu pour ce même quotient.

Il y a vingt ans, la fiscalité des personnes physique avait été réformée pour permettre au Canton d’éponger sa dette colossale. Depuis lors, les finances ont été redressées au point que l’Etat ne cesse d’aligner les exercices positifs. La dette, quant à elle, a été presque réduite à néant. Les particuliers ont donné: il est grand temps de revoir cette imposition à la baisse, de façon à s’aligner sur celle des autres cantons. Améliorer la fiscalité cantonale pour les familles et les personnes seules permettrait de pérenniser le développement de notre tissu économique, mais aussi d’attirer davantage de talents. Et n’oublions pas les entrepreneurs innovants, prêts à lancer leur société.

Impact négatif sur l’économie

Si l’herbe n’est pas toujours plus verte ailleurs, notre étude montre toutefois que le canton de Zurich est fiscalement plus attractif que le nôtre, malgré des investissements comparables en matière culturelle, universitaire et urbanistique. Il pratique des taux analogues à ceux du canton de Vaud, mais toujours à un niveau inférieur. Le degré élevé de l’impôt vaudois sur la fortune achève d’assombrir ce tableau. Il fait grimper l’imposition totale des personnes physique à plus de 70% du revenu de certains contribuables. Ce taux frappe d’ailleurs souvent les détenteurs d’entreprise, dont les actions font partie de la fortune personnelle. L’impact sur l’économie est hélas patent, car certains contribuables fuient vers des horizons fiscaux plus cléments.

Il est grand temps que nos édiles prennent conscience de l’impact de l’imposition afin de mettre en place des réformes adaptées. Il faut aller au-delà des «mesurettes» accordant des déductions à telle ou telle catégorie de contribuables. Pour répondre aux défis qui se profilent, la mise en place d’une fiscalité des personnes physiques plus équilibrée est indispensable. Sans cela, il sera impossible d’assurer la substance fiscale nécessaire, notamment, au financement d’une politique sociale qui a pris une ampleur déraisonnable.

Prendre ce chantier à bras-le-corps demande de l’engagement et du courage. La prospérité du canton et le dynamisme de son tissu économique sont à ce prix.

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Thomas Jordan n’est pas le père Noël

«Qui veut les milliards de la BNS?…» Ce n’est pas un nouveau jeu télévisé, mais telle est la question qui taraude certains politiciens suisses. Il est vrai que sur le papier, plus de 50 milliards de bénéfice, voilà de quoi faire rêver tout responsable politique: financement de l’AVS, du deuxième pilier ou d’autres assurances sociales dont les coûts ne cessent d’augmenter… La réponse semble si simple.

Il est naturellement tentant de voir dans le bénéfice de la BNS un «bien» qui appartiendrait à la population suisse, et dont on devrait pouvoir disposer au gré des nécessités. Après tout, l’article 5 de la loi sur la Banque nationale stipule noir sur blanc que l’établissement «conduit la politique monétaire dans l’intérêt général du pays». Et cet intérêt général ne justifie-t-il pas précisément que l’avenir des retraites soit garanti? Que les investissements nécessaires au bon développement de notre société soient possibles? Que les sommes faramineuses qui s’accumulent au bilan de la BNS ne servent pas, très concrètement, à alléger les charges qui pèsent sur les finances publiques et, par ricochet, sur la fiscalité et le pouvoir d’achat des citoyennes et citoyens?

Le bénéfice 2019 de la BNS va certainement franchir un nouveau record. Et nombreux, à gauche mais aussi tout à droite de l’échiquier politique, sont ceux qui estiment que la banque centrale ne sait plus que faire de ces milliards. Elle encaisse des intérêts (négatifs) de la part des banques commerciales qui lui confient des avoirs, n’a-t-elle pas un devoir – patriotique ou moral – de réinjecter cet argent dans le premier et le deuxième pilier (par exemple) de notre système de retraites, sous forme de redistribution (AVS) ou d’exonération de taux négatifs (caisses de pensions)?

Un principe cardinal

Pour répondre sereinement à ces questions d’opportunités, il faut lire l’article 6 de la loi, intitulé «Indépendance»: «Dans l’accomplissement des tâches de politique monétaire visées à l’art. 5, al. 1 et 2, la Banque nationale et les membres de ses organes ne peuvent ni solliciter ni accepter d’instructions du Conseil fédéral, de l’Assemblée fédérale ou d’autres organismes.» Déroger à ce principe cardinal, c’est prendre le risque d’une lecture à court terme, c’est ouvrir la boîte de Pandore. A double titre: d’abord, parce que la limite de ce qui est opportun fluctuera selon les modes et les élans du moment, ensuite, parce que tout cet argent que l’on croit disponible n’est en fait que virtuel.

En effet, les gains de la BNS découlent d’achats d’actifs étrangers dont la valeur a augmenté, mais qui n’ont, par définition, pas été vendus… car si la banque centrale suisse achète des euros, c’est pour lutter contre l’appréciation du franc. Les «vrais» bénéfices ne pourront être comptabilisés que lorsque ces devises étrangères auront été revendues contre des francs, qui disparaîtront du bilan de la BNS. Et cette inversion n’est pas à l’ordre du jour actuellement: elle péjorerait l’économie suisse en accentuant la hausse du franc.

La loi fixe la redistribution de la part du bénéfice qui dépasse le dividende annuel de 6% maximum: un tiers à la Confédération, deux tiers aux cantons, pour un milliard de francs par an – voire deux si la situation est «exceptionnelle». Cette appréciation constitue la marge de manœuvre de la discussion politique. Thomas Jordan, le président de la BNS, n’est pas le père Noël. Il n’est pas un ermite non plus: avec son directoire, il doit aussi écouter les milieux politiques et économiques pour guider sa politique monétaire pour le bien du pays. Et déterminer jusqu’où, dans les chiffres et dans le temps, les intérêts négatifs serviront positivement l’intérêt de la Suisse. Au contraire de l’illusion d’une fontaine de cash où l’on pourrait s’abreuver à satiété, cette dialectique est utile.

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Des avions de combat pour l’emploi

En revoyant à la baisse les compensations pour l’industrie liées à l’achat d’un nouveau chasseur aérien, le Conseil fédéral provoque l’incompréhension de tout un pan de notre économie. Ces dernières sont pourtant vitales pour les entreprises et l’innovation.

En fonction depuis le début de l’année, Viola Amherd, cheffe du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), n’aura pas mis longtemps à fâcher l’institution et l’économie. La semaine dernière, devant des cadres militaires et des patrons de l’industrie de l’armement, elle s’est exprimée sur les compensations pour l’industrie de l’armement. Traditionnellement, lors de l’achat d’un tel matériel à l’étranger, la Suisse demande à l’entreprise qui obtient le contrat de compenser 100% du prix d’acquisition en achetant des biens ou des prestations auprès de l’industrie suisse et, par cascade, à de nombreux sous-traitants.

Problème: l’achat de notre futur avion de combat ne devrait être compensé qu’à 60% selon le Conseil fédéral. Il estime qu’un tel taux suffit en l’espèce, alors même qu’il avait déclaré en décembre dernier qu’une norme de compensation de 100% s’appliquerait aux achats d’armes. La raison de cette volte-face? Viola Amherd, relate «24 heures» samedi, a expliqué que les sept Sages ne remettaient pas en question la règle des 100%. «Mais, là, a-t-elle averti, il s’agit d’un cas exceptionnel. Avec 8 milliards pour la défense aérienne, nous avons affaire à un volume d’investissements record.» Pour la cheffe du DDPS, 60% de compensations amèneront donc suffisamment d’investissements à l’industrie suisse. Pour autant, bien sûr, que l’achat d’un avion de combat soit accepté par le peuple, probablement à l’automne 2020. La campagne sera difficile, mais le jeu en vaut la chandelle pour les entreprises actives dans la sécurité et de défense, car cela leur permettrait d’acquérir de précieuses connaissances technologiques et de continuer à investir dans l’innovation, facteur indispensable à la prospérité. Tous les pays essaient de maintenir leur secteur industriel, et la Suisse n’échappe pas à cette nécessité.

Le plaidoyer de Viola Amherd, on s’en doute, a mal passé auprès des militaires et des industriels. Mais la partie est loin d’être jouée: en septembre dernier, le Conseil des États a accepté l’arrêté de planification relatif à l’achat de nouveaux avions de combat, en demandant que les acquisitions faites à l’étranger soient compensées à 100% par des commandes passées à des entreprises en Suisse. Le dossier passera devant le National en décembre. Va-t-on vers une confirmation de ce vote, ou alors la Chambre basse transigera-t-elle à 80%? L’avenir le dira.

L’industrie donne de la voix

L’industrie n’est, en tout état de cause, pas près de rendre les armes: Swissmem, l’association faîtière des PME et des grandes entreprises de l’industrie suisse des machines, des équipements électriques et des métaux, ainsi que des branches technologiques apparentées, et le Groupe romand pour le matériel de défense et de sécurité (GRPM) ont rejeté l’idée de limiter les collaborations industrielles à 60% du volume effectivement facturable. «Cela exclurait un grand nombre d’opérations de contrepartie indirectes», estiment ces derniers. Ils rappellent que, selon les principes d’acquisition du Conseil fédéral, 30% du volume doit provenir d’entreprises de Suisse romande et 5% d’entreprises tessinoises: «Le projet de renouvellement des avions n’a une chance politique de se réaliser que si cette distribution est garantie.»

A nos yeux, il est capital de maintenir les règles usuelles en ce qui concerne les collaborations industrielles, à savoir des compensations à 100%, avec 30% pour la Suisse romande. Cela permettrait à nos entreprises de planifier leurs activités sans heurts et de continuer à innover, a fortiori dans l’environnement géopolitique mondial incertain qui est le nôtre.

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Donner la préférence au compromis plutôt qu’au repli

Le mécanisme d’application de l’initiative «Non à l’immigration de masse» donne de bons résultats: il a abouti à près de 5000 recrutements. Notre aptitude à trouver des solutions aux velléités d’isolement de certains a une fois de plus fait ses preuves.

Le premier rapport sur le monitorage de l’exécution de l’obligation d’annoncer les postes vacants, qui découle de la mise en œuvre «light» de l’initiative contre l’immigration de masse, était attendu avec impatience. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a indiqué il y a quelques jours que cette obligation, qui privilégie les résidents suisses, est respectée par les employeurs et qu’elle est mise en œuvre conformément à la loi. La préférence indigène a permis à près de 5000 demandeurs d’emploi de se réintégrer sur le marché du travail, ce qui n’est pas négligeable. Pour le SECO, qui publiera un décompte plus détaillé l’an prochain, ce chiffre est probablement inférieur à la réalité.

Le bilan chiffré est réjouissant: pendant la première année de mise en application du mécanisme, les Offices régionaux de placement (ORP) ont reçu environ 120’000 annonces des employeurs pour un total de 200’000 postes concernés par l’obligation. Ces chiffres sont presque trois fois supérieurs aux résultats attendus avant l’introduction de l’obligation, note le SECO.

La règle de la préférence indigène précise que si une entreprise cherche une personne dans un métier où le taux de chômage dépasse les 8%, elle doit d’abord l’annoncer à un ORP. Plus de 80% des postes annoncés concernent les secteurs de l’hôtellerie/restauration, de la construction et de l’industrie. Le 1er janvier prochain, la valeur seuil déclenchant l’obligation d’annoncer les postes vacants sera abaissée à un taux de chômage moyen de 5%, comme cela a été prévu par la loi.

Mise en œuvre saluée

Bien sûr, le système n’est pas parfait, et il nécessitera encore quelques ajustements. Un certain nombre d’entreprises ont constaté que cette procédure conduit à une surcharge administrative. Il n’empêche, la solution mise en place par les Chambres fédérales pour appliquer la néfaste initiative du 9 février 2014 a fait ses preuves. Sa mise en œuvre n’a fait l’objet que de critiques rares et plutôt mesurées. Curieusement, les auteurs de cette initiative ne se sont pas manifestés à l’heure du bilan dressé par le SECO. Il est vrai qu’ils ont d’autres chats à fouetter après leurs médiocres résultats lors des élections fédérales du mois dernier.

Cela dit, il faut le rappeler: cette obligation d’annoncer les postes vacants illustre à merveille la capacité de la démocratie suisse à trouver des solutions lorsque sa prospérité est mise en péril par des initiatives prônant le repli. Notre pays n’est pas une île au milieu de l’Europe: il a besoin autant de ses propres forces vives que de celles provenant de l’extérieur pour se développer. Il faudra s’en souvenir le 17 mai prochain lorsque peuple et cantons se prononceront sur l’initiative populaire «Pour une immigration modérée», qui menace d’abolir la libre circulation des personnes.

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