La Suisse ne doit pas se murer dans une tour d’ivoire

À quatre mois de la votation, l’initiative populaire «pour une immigration modérée» semble avoir du plomb dans l’aile selon une première enquête d’opinion. C’est l’occasion de rappeler combien ce texte marqué du sceau du repli menacerait la prospérité de notre pays.

Les esprits chagrins auront beau jeu de rappeler qu’en 2014, la néfaste initiative «contre l’immigration de masse» partait battue dès les premiers sondages, alors qu’elle avait fini par triompher au grand dam des tenants de l’ouverture. Il reste que les temps ont changé. La récente enquête de Tamedia pronostiquant le rejet de l’initiative qui vise à supprimer la libre circulation des personnes avec l’Union européenne (UE) nous paraît être de bon augure. Elle montre que 58% des sondés y seraient opposés, alors que seuls 35% l’accepteraient. Depuis qu’elle a refusé l’initiative pour l’autodétermination, en novembre dernier, la population suisse semble avoir pris la mesure des dangers que le repli fait courir à notre prospérité.

Gardons-nous toutefois de tout triomphalisme prématuré! Il reste encore quatre mois avant le verdict des urnes et qui sait ce que l’actualité va nous réserver d’ici là. C’est pourquoi l’économie doit entrer en scène rapidement pour réexpliquer combien la suppression de la libre circulation des personnes aurait des conséquences funestes pour chacun d’entre nous. L’Union européenne est de loin notre premier partenaire commercial. Et neuf entreprises exportatrices sur dix sont des PME. C’est dire tout le bénéfice que notre tissu industriel tire des échanges commerciaux avec nos voisins européens. Une Suisse compétitive et ouverte, ce sont des emplois pour vous et moi. En 2017, un rapport fédéral révélait que l’adoption de l’initiative «contre l’immigration de masse», en 2014, avait coûté 1,4 milliard à la recherche suisse! Entre 2014 à 2016, notre pays n’avait eu, de fait, que partiellement accès au 8e programme-cadre européen de recherche, intitulé Horizon 2020. C’était là un bien lourd tribut à payer pour emprunter une voie aussi solitaire que périlleuse.

La voie bilatérale, gage de prospérité

Notre pays ne peut pas se murer dans une tour d’ivoire en prônant la fermeture et le protectionnisme. La prospérité que nous connaissons depuis de nombreuses années est, dans une large mesure, liée aux accords bilatéraux qui ont été négociés pas à pas avec l’UE depuis le rejet de l’Espace économique européen, en décembre 1992. Abandonner la voie bilatérale porterait un coup très dur à notre économie, surtout à un moment où les tensions internationales et les guerres commerciales fragilisent l’économie mondiale.

Pour toutes ces raisons, il est impératif de rejeter l’initiative inepte «pour une immigration modérée». Dans la foulée, la Suisse pourra s’atteler à la signature du fameux accord-cadre que Bruxelles attend depuis… 2008. Ce traité permettra de stabiliser et de pérenniser les accords sectoriels. Les entreprises ont besoin de bilatérales solides, mais aussi d’améliorer leurs conditions d’accès au marché européen. Le développement de notre économie en dépend largement. Ouvrons donc la voie à une régularisation de nos relations avec un partenaire incontournable par un vote clair le 17 mai prochain.

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Claudine Amstein

Claudine Amstein est la directrice de la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie, depuis 2005. Après avoir été juriste et secrétaire générale de la Chambre vaudoise immobilière, elle en reprend la direction en 1993. Elle a été constituante au Grand Conseil vaudois, avant d’en être députée pendant dix ans. Elle est très engagée dans les associations faîtières de l'économie suisse.

10 réponses à “La Suisse ne doit pas se murer dans une tour d’ivoire

  1. “La Suisse ne doit pas se murer dans une tour d’ivoire” je reste estomaqué en lisant cette phrase.

    Un pays qui compte 25% d’étrangers dans sa population, le plus grand taux de pourcentages d’étrangers de tout l’occident après le luxembourg, un pays ou règne la criminalité et délinquance notamment hors suisse, Genève, une ville qui ne ressemble plus à rien, à part certains drapeaux suisses qui sont là pour le rappeller, on a plus l’impression d’être en Suisse à Genève.

    Lausanne, un autre lieu de la criminalité venant de personnes hors suisse, et j’en passe, et j’en passe.

    Et vous écrivez le plus simplement du monde que la Suisse est refermée sur elle même ?

    Vous vous moquez de qui ?

    Je rappelle que le conseil fédéral disait lui dans les années 90 que si la Suisse n’adhérait pas à l’ue le chômage en suisse serait de 20%.

    Vous étiez dans quel camp alors dans les années 90, du côté du conseil fédéral ?

    Si la suisse exporte principalement vers ses voisins européens c’est peut être aussi du aux incompétents qui l’habitent et qui ne cherchent pas des partenaires commerciaux hors ue.

    Après la décision du brexit, certains politiques suisses sont allés devant les médias pour dire que la suisse ne pourrait pas avoir une telle audace car le royaume uni est une grande nation.

    A quel point tout ce petit monde en Suisse croit que la Suisse est si insignifiante en europe et dans le monde pour être le toutou partner de l’europe, tout ce que l’europe fait on doit l’approuver, la Suisse serait morte sans l’ue, et même l’air que nous respirons on le doit à l’ue.

    Peut être que si tous les incompétents qui l’habitent avaient une haute opinion de ce pays alors ce pays n’aurait pas besoin d’être l’animal domestique de l’ue.

    Vous qui écrivez sans la moindre vergogne que la Suisse doit rester ouverte avec 25% d”étrangers dans sa population, peut être que vous diriez la même chose s’il y avait plus d’étrangers que de suisses en Suisse.

    Le monde à l’envers.

    1. Je ne tiens pas à entrer dans la discussion sur la délinquance, qui est ici hors de propos, voire nauséabonde.
      La «tour d’ivoire» est une image qui illustre le fait que notre pays ne peut pas vivre en vase clos et doit continuer à échanger avec l’extérieur pour prospérer et attirer des talents que l’on ne trouve pas forcément ici. Si l’UE est notre partenaire commercial principal, cela n’empêche nullement les entreprises de diversifier leurs marchés.
      La Suisse n’est pas «l’animal domestique de l’UE»: la conclusion d’accords bilatéraux démontre que nos partenaires européens ont besoin de nous tout comme nous avons besoin d’eux.

  2. Pour la prospérité de notre pays, espérons en effet que les Suisses(ses) ne se laisseront pas berné(e)s par les sirènes “udcistes” comme en 2014 et en 1992 (vote sur l’EEE). Car le refus de l’adhésion à l’EEE (alors que tous les pays qui y ont adhéré n’ont jamais eu à le regretter, bien au contraire) a aussi coûté cher à la Suisse qui a dû attendre la conclusion des bilatérales pour retrouver ce qu’elle aurait obtenu “automatiquement” en étant membre de l’EEE, mais avec un statut plus précaire et sans cesse susceptible d’être remis en question comme on le voit ces temps (le Brexit ne va rien arranger!). Que de temps et d’argent perdus!

  3. Chère Claudine, on ne peut pas vous en vouloir de défendre les thèses de la CVCI, après tout, c’est votre tâche.
    En revanche, ne serait-il pas temps de ne pas baisser ses pantalons face à l’UE, qui ne réalise rien?
    On pourrait aussi de parler de couper le Ghottard, de faire rouler les trains de la CEVA jusqu’à la frontière, de taxer beaucoup plus les frontaliers, etc.?

    1. Il n’est nullement question de baisser ses pantalons devant l’UE, dont le grand mérite est d’avoir perpétué des échanges continentaux constructifs et fructueux depuis plus de septante ans, au sortir d’un conflit qui avait laissé l’Europe à genoux.
      Pour le reste, le bilatéralisme est un savant mélange d’avantages et d’inconvénients également répartis, qui concrétise surtout le besoin d’ouverture qui est le nôtre. L’accord-cadre permettra de stabiliser et de pérenniser les accords sectoriels.

  4. Merci pour votre opinion. J’ai dû mal à me forger la mienne. Car en fait malgré les votations de 1992 et 2014, la Suisse me semble un pays plus fort et plus prospère, plus efficace et plus juste aussi que ses voisins européens en 2020. Est ce que la singularité suisse n’est pas justement de rester indépendante mais libérale et ouverte ? En un sens, les positions parfois sans nuance de l’UDC ne sont-elles pas une bonne stratégie de négociation face à l’Union européenne. Je pose la question n’étant pas diplomate de métier. Il y a tellement de contre-vérités et surtout de manque de recul pour juger. Qui aurait dit en 2000 qu’un jour l’EUR vaudrait 1,08 contre le CHF ?

    1. La Suisse est plus prospère que les pays de l’UE précisément parce qu’elle bénéficie d’accords bilatéraux sans appartenir à une institution lourde et composée de membres aux intérêts parfois divergents. C’est en cela qu’elle est indépendante, mais libérale et ouverte. Le canton de Vaud a vu sa prospérité croître de manière substantielle ces dernières années grâce à la libre circulation des personnes. L’accord-cadre permettrait de faire encore évoluer ce système.

  5. « Une Suisse compétitive et ouverte, ce sont des emplois pour vous et moi. »

    Surtout pour vous si l’on en croit les statistiques comparatives sur la pauvreté entre les pays européens (https://atlasocio.com/classements/economie/pauvrete/classement-etats-par-taux-de-pauvrete-europe.php). La Suisse est en milieu de classement.

    La Suisse est prospère pour une tranche très ciblée de la population : des personnes de 25 à 50 ans, diplômées, salariées avec de bon revenus et travaillant dans les branches dominantes de l’industrie et des services. Pour les autres c’est un peu plus compliqué …

    Il ne suffit pas de réciter des mantras comme vous le faites pour faire de la Suisse un pays libéral qu’elle n’a jamais vraiment été, avec ses cartels, ses lobbys et ses chasses gardées économiques … sauf, bien sûr, en ce qui concerne la libre circulation des personnes. Car pour les biens et les services on repassera.

    Il y a quelques années, Dick Marti évoquait un processus de « montecarlisation » de la Suisse. Notre époque est en train de lui donner raison.

  6. L UE est un mastodonte ingérable et dépassé.
    Sa politique n’a jamais fonctionné et ne fonctionnera jamais car trop de pays à la fois, il fallait rester à 5 ou 10 pays le temps de faire des règles qui fonctionnent avant d’intégrer tous les autres. Ces pays sans aucun liens communs sont dirigéspar des élitistes complétement hors des préoccupations des petites gens.
    Vous verrez je prédis un avenir prolifique à l’Angleterre après 2 années de passage à vide.
    Quand à ceux qui aiment tellement l’union européenne rien ne les empêche d’aller y vivre.
    La libre circulation profite majoritairement aux entreprises qui engagent des frontaliers à moindres coûts que ce soit au Tessin, Jura, Genève, Neuchâtel. Les cantons du centre ne s en rendent pas encore compte mais ils finiront également pas être envahis. Il y a de nombreuses entreprises avec 90 à 95% de travailleurs frontaliers, est-ce normal ? Est-ce cela que vous vendez comme du rêve ?
    Personnellement je voterai contre la libre circulation et j’espère sincèrement que les travailleurs vont finir par comprendre que ce n’est ni la droite des entreprises ni la gauche des syndicats qui vont leur assurer un emploi à l’avenir même avec toutes leurs belles promesses ! L’Europe était un joli rêve dommage qu’il ne se réalisera pas mais svp ne nous faite pas payer les mauvais choix des autres. Et ce n’est pas se fermer aux autres que de réfléchir et choisir intelligemment son destin. Plus jeune on me disait souvent et si les autres se jettent au lac tu vas le faire aussi ? A méditer…

    1. La situation de la Suisse n’est en rien comparable à celle du Royaume-Uni, à de nombreux égards. Ce dernier quitte l’UE, alors que notre pays n’en est pas membre, tout en bénéficiant d’accords bilatéraux profitables aux deux parties. L’avenir dira si le Brexit est une bonne issue, mais il est permis d’avoir des doutes. Tout comme il est permis de douter de vos chiffres relatifs aux frontaliers.
      L’économie vaudoise, en particulier, ne peut que se féliciter des effets des bilatérales, qui ont permis d’accroître sa prospérité. La Suisse a choisi intelligemment son destin en ouvrant ses frontières à l’UE, premier partenaire commercial, mais aussi au reste du monde comme en témoignent quantités d’accords de libre-échange.

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