La Suisse et les Humanités

En Suisse et ailleurs, nombreuses sont les voix qui remettent en question les formations en Sciences humaines qui ne mèneraient à rien d’autre qu’au chômage.

Que nenni ! Les Humanités se défendent et démontrent leur utilité au travers d’études et de statistiques. Ainsi, la Faculté de philosophie, arts et lettres de l’Université catholique de Louvain a réalisé il y a peu une enquête de nature scientifique qui corrobore les résultats que l’université d’Oxford a recueillis sur le devenir professionnel de ses diplômés. Première observation, 90 % des diplômés ont un emploi. Seconde observation, la diversité des emplois occupés par les diplômés ès Lettres. Si 40% d’entre eux ont versé dans l’enseignement, 60% sont actifs dans le secteur socioculturel, la publicité et les médias, les institutions internationales, la traduction et l’interprétation, la recherche scientifique, le management et la finance, les nouvelles technologies, le secteur de l’édition et les librairies, les musées, les différentes formes d’administration, les banques et les assurances, le tourisme, la gestion du personnel, le secteur associatif, etc.

S’il est une formation en phase avec les réalités du XXIe siècle, c’est donc bien les Lettres. Mais pourquoi ?

L’étude belge démontre la forte capacité d’adaptation des personnes formées au sein de cette filière, un paramètre devenu essentiel. Jugées également stratégiques et particulièrement spécifiques aux Humanités, la capacité de gérer de manière autonome son travail, l’analyse critique, la compétence rédactionnelle et l’ouverture sur le monde acquise, notamment, au travers de la maîtrise de langues étrangères. Enfin, selon les auteurs de cette étude belge mais également de l’avis de différents chercheurs anglais et américains, la puissance créatrice, génératrice d’innovations, que génère la filière des Lettres constitue un atout capital non seulement pour les diplômés eux-mêmes, mais surtout pour l’ensemble de la société.

L’American Association of Colleges and Universities va encore plus loin en signalant dans son rapport 2015 que 74 % des employeurs conseillent aux jeunes gens une formation universitaire en philosophie, arts et lettres comme étant le meilleur moyen de se préparer à l’économie globale actuelle.

Ce constat est largement corroboré en Suisse par l’Office Fédéral des Statistiques dont les chiffres indiquent qu’en 2015, le taux de chômage des anciens étudiants des Sciences humaines et sociales (Humanités), cinq ans après l’obtention de leur diplôme, est plus bas (2,8%) que celui des diplômés en sciences exactes et naturelles (3,8%). Le président de la Conférence suisse des recteurs, Adriano Loprieno, rappelait également, il y a quelques mois, que le profil des étudiants en Humanités leur permet une grande flexibilité et est une source d’innovations importantes.

Pourtant, malgré ces conclusions auxquelles parviennent de multiples et différentes analyses, la part de l’enveloppe budgétaire du Fonds National Suisse de la recherche réservée aux Sciences humaines et sociales reste bien faible, une délicatesse concédée difficilement. Quel regrettable manque de clairvoyance ! 

Dieu et mon droit

Que de compliments, que de critiques pouvons-nous lire et entendre à propos du fameux vote sur le Brexit !

Le choix des Anglais est historique, c’est évident, puisqu’il remet en question l’existence même du grand projet Europe. Quelles seront les incidences réelles sur le devenir du continent ? Bien malin celui qui pourra répondre à cette question… Pour l’heure, la place est aux fantasmes et aux politiques fictions, chacun se sentant habilité à envisager le « jour d’après ».

Quoi qu’il en soit, les Anglais ont choisi, et les termes que l’on peut lire à propos de cette décision souveraine résonnent arbitrairement. Entre liberté et dissidence, la différence sémantique implique des positionnements idéologiques diamétralement opposés. L’Angleterre s’est retirée d’une association librement constituée. Et si l’Europe peut la considérer sécessionniste, peut-être devrait-elle réfléchir sur ce divorce en évitant de le considérer comme un nouveau Fort Sumter.

L’Union Européenne a-t-elle véritablement résolu la question allemande, comme le rappelle Guy Sorman dans son blog ? De facto, l’EU reste dominée par la voix d’Angela Merkel, l’Allemagne étant devenu l’un des moteurs économiques du continent. Les interventions de la chancelière dans les difficultés diplomatiques avec la Russie démontrent par ailleurs que l’Ostpolitik demeure problématique, Union Européenne ou pas.

L’on peut tout autant s’interroger sur la réalité de la prospérité économique de l’Europe lorsque l’on compare les taux de chômage et les difficultés de certains pays empêtrés dans des marasmes économico-politique nationaux. Les agriculteurs français dont la plupart tournent à perte depuis des années ne viendront certainement pas contredire ce constat, malgré la rétrocession financière en provenance de Bruxelles.

L’UE va devoir fournir un effort considérable pour remanier ce qui doit l’être et regagner une crédibilité qui s’émousse au fur et à mesure des années, plombée plus encore depuis son positionnement à l’égard de Moscou dans l’affaire ukrainienne, et maintenant avec le vote britannique. Et si ses créateurs ont pensé l’Union comme un garant de la paix du continent, si souvent violée au cours des siècles, il faudra certainement que la Maison Europe sorte de sa période d’adolescence en assumant ses choix, mais également en rassurant les sensibilités identitaires, de plus en plus exacerbées, et qui, pourtant, en font sa richesse. 

Écrivain de propagande

Au printemps 1917, le Journal de Genève envoie l’un de ses correspondants, l’écrivain franco-suisse Robert de Traz, en reportage sur le front français. Cette expérience, de Traz la rapportera dans un texte, scindé en six chapitres, et republié cette année aux éditions Slatkine grâce à l’historien Landry Charrier.

Que faut-il en retenir ? Au-delà de la vision idéologique de la grandeur française, de l’héroïsme des poilus, de la valeur des officiers, et de la traitrise des Allemands que de Traz se plait à dépeindre dans une vision dénuée de toute objectivité, c’est l’atmosphère des tranchées de premières lignes qui marque et que le reporter de guerre décrit avec une horreur grandissante. Après la laideur de la guerre et de ses cicatrices sur le terrain, il évoque, tout en suivant l’officier encadrant le visiteur dans le dédale des tranchées de l’Argonne, l’ingéniosité humaine déployée pour tuer, admirant la conception mathématique, balistiquement calculée, des tranchées de seconde et de troisième ligne autant que la dimension industrielle de ce conflit. L’écrivain en mal de sensations en aura pour son argent, rampant sous les balles sifflantes et se prenant pour un vétéran en utilisant dans son texte un lexique de combattant emprunté pour l’occasion.

Un texte qui tranche avec celui de Romain Rolland qui publiait en septembre 1914 dans le même journal son manifeste pacifiste « Au-dessus de la mêlée », dénonçant l’absurdité de la guerre et le sacrifice de la jeunesse, française, allemande, belge ou anglaise. C’est qu’entre l’automne 1914 et le printemps 1917, les sillons sanglants de Verdun avaient choqué, des tranchées s’étaient creusées dans les esprits soumis à l’étau de la polémique scindant la Suisse entre germanophiles et francophiles.

Un livre qui incite donc le lecteur à se poser la question de la propagande en temps de guerre autant que de la subjectivité dont les journalistes peuvent faire preuve ou dont ils peuvent être victimes. Démonstration spectaculaire de cette rhétorique partiale autant que martiale, la remarque que de Traz écrit à la fin de son reportage « Je me rappelle avoir lu dans la citadelle de Verdun, signé du général Nivelle, un ordre admirable de psychologie dans les motifs, comme de clarté dans les termes, et qui traitait de la discipline ». Les fusillés de l’armée française n’auront certainement pas saisi toutes les finesses de cette psychologie, et de Traz, quant à lui, guidé par des officiers disciplinés et zélés dans l’application de la censure, n’aura vraisemblablement pas aperçu les pelotons d’exécution.

Un ouvrage, dont l’écriture résonne parfois d’échos poétiques délicieusement désuets, qui vient donc nous rappeler d’essayer d’éviter d’être des lecteurs ou des spectateurs trop crédules et qui devrait nous encourager à aiguiser notre sens critique.

 

 

 

Robert de Traz, Sur le front français. Verdun et l’Argonne, préface de Landry Charrier, Slatkine, Genève, 2016.

Les Suisses et leur mémoire

Le photographe afghan Zalmaï le rappelait lors du Forum des 100 du 19 mai dernier, le flux migratoire sur lequel l’Europe ne cesse d’ergoter, et qui n’est autre qu’une crise humanitaire se déroulant sur le paillasson de notre porte, est sans doute l’un des exodes parmi les plus barbares auquel nous assistons de notre vivant. Fanatisme religieux se répandant telle une peste, intérêts croisés des gouvernements occidentaux dans le Proche-Orient, déliquescence de l’Europe, inconstance de la politique américaine en Afghanistan du temps de l’occupation soviétique, les raisons sont nombreuses pour expliquer la situation actuelle. Que dirons nos arrière-petits-enfants, qu’écrirons les historiens du siècle prochain sur ces années de grand chambardement, et sur nous autres Suisses, dont les réactions se révèlent tellement contrastées ?

Car si le temps passe, la mémoire demeure. Serons-nous commémorés, honnis, voire niés ?

Genève autorise un monument «Les réverbères de la mémoire», en rappel du génocide arménien perpétré par les Turcs au début du XXe siècle. L’argument mis en avant en 2014 par Berne qui évoquait le respect de la neutralité de la Genève internationale pour refuser ce projet ne tient plus. Le génocide a été reconnu officiellement en avril 2015 par vingt-quatre pays ! Hors-jeu le politiquement correct, place au véritable Esprit de Genève ! À se demander si Berne se souvient seulement de la Broken Chair sur la Place des Nations qui symbolise le rejet des mines antipersonnel !

Commémorés, honnis, voire niés ? Voilà une question que le Conseiller national UDC Yves Nidegger ne se pose sans doute pas, lui qui entend déposer un recours contre cette autorisation pour une question de zone de verdure…. On croit rêver, et c’est un euphémisme ! Le projet, pourtant, n’est pas laid. Arthur Rimbaud y aurait sans doute vu « …un trou de verdure où chante une rivière accrochant follement aux herbes des haillons d'argent où le soleil, de la montagne fière, luit : c'est un petit val qui mousse de rayons ».

Et s’il nous faut parler d’humanitaire, parlons d’humanisme avec cet événement organisé par deux grands amis du genre humain, Eric Monnier et Brigitte Exchaquet-Monnier. Le 15 juin prochain, à Château-d’Oex, sera dévoilée une plaque rappelant l’accueil de centaines de femmes en Suisse, déportées survivantes des camps de concentration nazis. Ces revenantes de Ravensbrück ou d’Auschwitz n’ont guère laissé de trace dans notre pays. Il aura fallu un livre publié en 2013 aux éditions Alphil, Retour à la vie : l’accueil en Suisse romande d’anciennes déportées françaises de la Résistance 1945-1947, ainsi que divers articles, notamment dans la revue Passé Simple, (n° 6, juin 2015) et la revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation En jeu (n° 4, décembre 2014) pour que cet épisode nous revienne en mémoire.

 

 

Dévoilement d’une plaque commémorative en hommage aux déportées françaises de la Résistance accueillies en Suisse et aux personnes qui les ont accueillies.
Château-d’Oex, chalet La Gumfluh, 159 Grand Rue,
15 juin 2016, 11 heures.

En présence et avec les interventions de Madame Odile Soupison, Consule générale de France à Genève, de Monsieur Charles-André Ramseier, Syndic de Château-d'Oex et de Madame Noëlla Rouget, 96 ans, qui passa 3 mois dans ce chalet, après sa déportation à Ravensbrück.

 

 

 

http://www.alphil.com/index.php/catalogue/retour-a-la-vie.html

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1765/

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1766/

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1767/

https://fondationmemoiredeportation.com/revue-en-jeu-histoire-et-memoires-vivantes-n4/

https://fr-fr.facebook.com/143228045731034/photos/a.179941525393019.54186.143228045731034/972828189437678/?type=3&theater

Les Suisses et leur mémoire

Le photographe afghan Zalmaï le rappelait lors du Forum des 100 du 19 mai dernier, le flux migratoire sur lequel l’Europe ne cesse d’ergoter, et qui n’est autre qu’une crise humanitaire se déroulant sur le paillasson de notre porte, est sans doute l’un des exodes parmi les plus barbares auquel nous assistons de notre vivant. Fanatisme religieux se répandant telle une peste, intérêts croisés des gouvernements occidentaux dans le Proche-Orient, déliquescence de l’Europe, inconstance de la politique américaine en Afghanistan du temps de l’occupation soviétique, les raisons sont nombreuses pour expliquer la situation actuelle. Que dirons nos arrière-petits-enfants, qu’écrirons les historiens du siècle prochain sur ces années de grand chambardement, et sur nous autres Suisses, dont les réactions se révèlent tellement contrastées ?

Car si le temps passe, la mémoire demeure. Serons-nous commémorés, honnis, voire niés ?

Genève autorise un monument «Les réverbères de la mémoire», en rappel du génocide arménien perpétré par les Turcs au début du XXe siècle. L’argument mis en avant en 2014 par Berne qui évoquait le respect de la neutralité de la Genève internationale pour refuser ce projet ne tient plus. Le génocide a été reconnu officiellement en avril 2015 par vingt-quatre pays ! Hors-jeu le politiquement correct, place au véritable Esprit de Genève ! À se demander si Berne se souvient seulement de la Broken Chair sur la Place des Nations qui symbolise le rejet des mines antipersonnel !

Commémorés, honnis, voire niés ? Voilà une question que le Conseiller national UDC Yves Nidegger ne se pose sans doute pas, lui qui entend déposer un recours contre cette autorisation pour une question de zone de verdure…. On croit rêver, et c’est un euphémisme ! Le projet, pourtant, n’est pas laid. Arthur Rimbaud y aurait sans doute vu « …un trou de verdure où chante une rivière accrochant follement aux herbes des haillons d'argent où le soleil, de la montagne fière, luit : c'est un petit val qui mousse de rayons ».

Et s’il nous faut parler d’humanitaire, parlons d’humanisme avec cet événement organisé par deux grands amis du genre humain, Eric Monnier et Brigitte Exchaquet-Monnier. Le 15 juin prochain, à Château-d’Oex, sera dévoilée une plaque rappelant l’accueil de centaines de femmes en Suisse, déportées survivantes des camps de concentration nazis. Ces revenantes de Ravensbrück ou d’Auschwitz n’ont guère laissé de trace dans notre pays. Il aura fallu un livre publié en 2013 aux éditions Alphil, Retour à la vie : l’accueil en Suisse romande d’anciennes déportées françaises de la Résistance 1945-1947, ainsi que divers articles, notamment dans la revue Passé Simple, (n° 6, juin 2015) et la revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation En jeu (n° 4, décembre 2014) pour que cet épisode nous revienne en mémoire.

 

 

Dévoilement d’une plaque commémorative en hommage aux déportées françaises de la Résistance accueillies en Suisse et aux personnes qui les ont accueillies.
Château-d’Oex, chalet La Gumfluh, 159 Grand Rue,
15 juin 2016, 11 heures.

En présence et avec les interventions de Madame Odile Soupison, Consule générale de France à Genève, de Monsieur Charles-André Ramseier, Syndic de Château-d'Oex et de Madame Noëlla Rouget, 96 ans, qui passa 3 mois dans ce chalet, après sa déportation à Ravensbrück.

 

 

 

http://www.alphil.com/index.php/catalogue/retour-a-la-vie.html

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1765/

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1766/

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1767/

https://fondationmemoiredeportation.com/revue-en-jeu-histoire-et-memoires-vivantes-n4/

https://fr-fr.facebook.com/143228045731034/photos/a.179941525393019.54186.143228045731034/972828189437678/?type=3&theater

Les Suisses et leur mémoire

Le photographe afghan Zalmaï le rappelait lors du Forum des 100 du 19 mai dernier, le flux migratoire sur lequel l’Europe ne cesse d’ergoter, et qui n’est autre qu’une crise humanitaire se déroulant sur le paillasson de notre porte, est sans doute l’un des exodes parmi les plus barbares auquel nous assistons de notre vivant. Fanatisme religieux se répandant telle une peste, intérêts croisés des gouvernements occidentaux dans le Proche-Orient, déliquescence de l’Europe, inconstance de la politique américaine en Afghanistan du temps de l’occupation soviétique, les raisons sont nombreuses pour expliquer la situation actuelle. Que dirons nos arrière-petits-enfants, qu’écrirons les historiens du siècle prochain sur ces années de grand chambardement, et sur nous autres Suisses, dont les réactions se révèlent tellement contrastées ?

Car si le temps passe, la mémoire demeure. Serons-nous commémorés, honnis, voire niés ?

Genève autorise un monument «Les réverbères de la mémoire», en rappel du génocide arménien perpétré par les Turcs au début du XXe siècle. L’argument mis en avant en 2014 par Berne qui évoquait le respect de la neutralité de la Genève internationale pour refuser ce projet ne tient plus. Le génocide a été reconnu officiellement en avril 2015 par vingt-quatre pays ! Hors-jeu le politiquement correct, place au véritable Esprit de Genève ! À se demander si Berne se souvient seulement de la Broken Chair sur la Place des Nations qui symbolise le rejet des mines antipersonnel !

Commémorés, honnis, voire niés ? Voilà une question que le Conseiller national UDC Yves Nidegger ne se pose sans doute pas, lui qui entend déposer un recours contre cette autorisation pour une question de zone de verdure…. On croit rêver, et c’est un euphémisme ! Le projet, pourtant, n’est pas laid. Arthur Rimbaud y aurait sans doute vu « …un trou de verdure où chante une rivière accrochant follement aux herbes des haillons d'argent où le soleil, de la montagne fière, luit : c'est un petit val qui mousse de rayons ».

Et s’il nous faut parler d’humanitaire, parlons d’humanisme avec cet événement organisé par deux grands amis du genre humain, Eric Monnier et Brigitte Exchaquet-Monnier. Le 15 juin prochain, à Château-d’Oex, sera dévoilée une plaque rappelant l’accueil de centaines de femmes en Suisse, déportées survivantes des camps de concentration nazis. Ces revenantes de Ravensbrück ou d’Auschwitz n’ont guère laissé de trace dans notre pays. Il aura fallu un livre publié en 2013 aux éditions Alphil, Retour à la vie : l’accueil en Suisse romande d’anciennes déportées françaises de la Résistance 1945-1947, ainsi que divers articles, notamment dans la revue Passé Simple, (n° 6, juin 2015) et la revue de la Fondation pour la mémoire de la déportation En jeu (n° 4, décembre 2014) pour que cet épisode nous revienne en mémoire.

 

 

Dévoilement d’une plaque commémorative en hommage aux déportées françaises de la Résistance accueillies en Suisse et aux personnes qui les ont accueillies.
Château-d’Oex, chalet La Gumfluh, 159 Grand Rue,
15 juin 2016, 11 heures.

En présence et avec les interventions de Madame Odile Soupison, Consule générale de France à Genève, de Monsieur Charles-André Ramseier, Syndic de Château-d'Oex et de Madame Noëlla Rouget, 96 ans, qui passa 3 mois dans ce chalet, après sa déportation à Ravensbrück.

 

 

 

http://www.alphil.com/index.php/catalogue/retour-a-la-vie.html

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1765/

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1766/

http://www.notrehistoire.ch/article/view/1767/

https://fondationmemoiredeportation.com/revue-en-jeu-histoire-et-memoires-vivantes-n4/

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Les défis d’un patrimoine confidentiel

La Société d’Histoire de la Suisse Romande, fondée en 1837 et fonctionnant principalement comme éditeur savant, a créé au cours du temps plusieurs collections d’ouvrages, publiant notamment un certain nombre de sources. Si la SHSR dispose d’une situation saine, elle est en bute aux problèmes que toutes les sociétés savantes, ou presque, rencontrent, soit une érosion du nombre de membres, une diffusion restreinte de ses ouvrages, ainsi que des obstacles logistiques.

Les évolutions sociales ayant été importantes au cours du XXe siècle, il est évident que les acteurs des sociétés savantes, s’ils relèvent toujours des élites intellectuelles locales, n’appartiennent plus forcément aux élites politiques ou financières qui caractérisaient ces sociétés au cours du XIXe siècle. Les sociétés savantes sont ainsi devenues des niches, en marge des universités, collaborant avec ces dernières. Les défis auxquels elles sont maintenant confrontées se déclinent notamment en termes d’audience – et donc de visibilité – de moyens financiers, de préservation des collections, et de publications.

Si la question de la visibilité peut être résolue, comme le démontre le récent site Web de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève et la mise en œuvre de projets de sites Internet décidés cette année par trois sociétés, la Société d’Histoire de la Suisse Romande, l’Association pour l’Étude de l’Histoire Régionale et l’Association Suisse d’Histoire et de Sciences Militaires, la question des publications est tout autre. La nouvelle politique menée par le Fonds National de la Recherche Scientifique implique en effet une suppression de l’aide à l’édition, entraînant de nombreux chercheurs à se tourner vers les sociétés dont les moyens limités ne peuvent bien évidemment pas servir l’ensemble des sollicitations. Nous assistons par ailleurs à un retrait progressif des sciences humaines au niveau des formations. Les heures d’enseignement de l’histoire à l’école, par exemple, sont en diminution, et certaines disciplines considérées comme mineures mises en danger au sein des universités dont les budgets se sont resserrés.

Des tendances qui ne font qu’accentuer plus encore la confidentialité de nombreuses sociétés savantes qui, à terme, risquent de s’étioler et d’entraîner la disparition d’un patrimoine. Patrimoine constitué non seulement de collections mais également des sociétés elles-mêmes, tant il est vrai que celles-ci sont les héritières d’une tradition séculaire et les inventeurs de collections multiples et originales.

N’y a-t-il pas une réflexion à mener sur ces différentes problématiques afin de préserver le futur de ce patrimoine ? Ce d’autant plus que les acteurs au sein des disciplines qui sont les nôtres, personnel universitaire, scientifiques rattachés à des instituts, chercheurs indépendants et comités des sociétés savantes, peinent à s’unir autour d’une communauté d’intérêts qui ne parvient pas à s’organiser. Un enjeu qui pourtant n’a pas échappé à de nombreux domaines ! Ainsi, le monde agricole, l’industrie, le bâtiment, les fonctionnaires – il serait possible de multiplier les exemples – ont tous constitué des dynamiques proactives, et parfois agressives, influant sur notre société à divers degrés et fonctionnant comme lobby au niveau politique. Les rangs des sciences humaines, dont les sociétés savantes sont l’un des relais, paraissent ainsi bien éclatés et leurs champs d’études de plus en plus mal compris faute d’être défendus. La voie du numérique, un renforcement des collaborations entre sociétés savantes ainsi qu’avec les universités et les éditeurs, voire la presse, représentent des réponses potentielles devant être envisagées. 

 

 

La Société des Arts de Genève organisera un colloque sur cette thématique, "PENSER / CLASSER LES COLLECTIONS DES SOCIETES SAVANTES" le 25 novembre 2016 au Palais de l’Athénée

Les déportés juifs allemands en France

En octobre 1940, sept trains spéciaux, des Sonderzüge, emportaient quelques 6’500 Juifs du Baden Würtenberg vers la France, à Gurs, dans les Pyrénées-Atlantiques. Des femmes pour la plupart, ainsi que des enfants et des personnes âgées qui allaient connaître dans ce camp, placé sous l’administration française, des conditions de vie difficiles entraînant la mort de plus d’un millier d’entre eux, victimes de maladies, notamment du typhus et de dysenterie. Certains s’évadèrent en direction de l’Espagne, d’autres obtinrent avec de grandes difficultés des visas pour partir dans des pays où régnaient la paix. Les derniers, enfin, les plus valides des hommes présents, allaient être incorporés dans des bataillons de travail français.

Cette déportation de Juifs allemands, une opération appelée « opération Burckel », conçue et organisée par le Gauleiter nazi de la région de Bade, est un cas quasiment unique d’Allemands déportés en France !

D’autres ressortissants du Reich étaient par ailleurs déjà enfermés à Gurs en compagnie de Républicains espagnols, des Allemands qui se trouvaient en France lorsque la guerre avait éclaté et qui y avaient été internés jusqu’à l’armistice du 22 juin 1940 puisqu’appartenant à une nation ennemie. Et parmi eux, des Juifs allemands qui avaient précédemment quitté leur pays livré au régime nazi, des malheureux dont Hannah Arendt, la philosophe qui allait définir le principe de la banalité du mal lors du procès d’Adolf Eichmann en 1961. Réfugiée en France en 1933 et enfermée dans le camp des Pyrénées-Atlantiques en mai 1940, elle allait parvenir à fuir un mois après son internement, à la faveur de la confusion qui suivit l’armistice.

Des sept Sonderzüge, l’un provenait de la ville d’Heidelberg. Au matin du 22 octobre 1940, entre 4h et 7h, un grand nombre de Juifs de la ville avaient été rassemblés sur la Marktplatz par la Gestapo avant d’être embarqués dans des camions et conduits à la gare. À 18h15, le train emportait 282 personnes dans des wagons plombés pour Gurs.

Heidelberg a érigé en 2014 une plaque en mémoire de ces déportés, un témoignage de plus qui vient s’ajouter aux inscriptions commémoratives de la synagogue, voisine de l’université, et incendiée lors de la nuit de Cristal, du 9 au 10 novembre 1938. Inscription également à la mémoire de ces 150 Juifs de la petite cité du Neckar, déportés à Dachau, placés à quelques centaines de mètres des stèles commémoratives installées à l’entrée du gymnase classique de la ville – le Kurfürst-Friedrich-Gymnasium – énumérant les anciens élèves tombés sous les drapeaux, au cours des deux guerres mondiales. Aucune précision des affectations militaires n’est donnée pour ces derniers et l’observateur ignore s’il lit le nom de simples soldats de l’armée régulière allemande, ou de SS Totenkopf.

Les mémoires d’un passé éclaté cohabitent afin de se souvenir que l’indicible a été possible créant au sein de la même population bourreaux et victimes. Des rôles déterminés par un concept de races et d’origines forgé sur l’enclume d’une propagande hurlée par des extrémistes, lesquels distillaient leur poison au sein de la société allemande il y a septante ans, et qui aujourd’hui réapparaissent à la faveur de campagnes présidentielles qu’il n’est nul besoin de préciser, ou en réaction aux réfugiés de territoires où règnent déjà la haine et l’intolérance.

 

 

 

 

À lire : Hanna Schramm et Barbara Vormeier, Vivre à Gurs – Un camp de concentration français 1940-1941, Maspero, 1979.

Guerre de l’ombre en Suisse

Le Service de renseignement helvétique (SRC) identifie, selon son directeur, Markus Seiler, différentes menaces pesant sur le pays, à commencer par le terrorisme. Les drames qui se sont déroulés en Europe au cours des quinze derniers mois ne contrediront pas ce constat. Ce d’autant plus que des menaces ont été proférées à l’encontre de la Suisse par des sicaires du pseudo-calife de l’EI. « Schatten des Terrorismus im Tessin » titre la NZZ dans un article secondaire de cette semaine, à croire que rien ne change entre hier et aujourd’hui, entre l’époque des colonels Redl et Nicolaï, durant la guerre de 14, lorsque le Tessin était parcouru d’agents des empires centraux pressés de faire sauter quelque dépôt de munition en Italie du Nord, et notre présent mondialisé.

Le rapport annuel du SRC, outre parler de 400 djihadistes potentiels se trouvant sur le sol helvétique (500 selon la NZZ dans son édition du 4 mai), évoque les espions, et plus particulièrement les espions chinois qui seraient intéressés par les résultats de sociétés suisses à la pointe de la technologie.

Terroristes et espions, deux visages de la guerre de l’ombre, intimement liés selon les contextes. Le Nachrichtendienst allemand de la Première Guerre mondiale comportait ainsi un service terroriste en charge des opérations de sabotage ! Gageons qu’il n’en va pas de même de nos jours et que les agents de renseignement se contentent de renseigner. Quoi qu’il en soit, terroristes et espions représentent un danger se mouvant derrière des paravents, pourvus de moyens, de hiérarchies et de cibles, entraînant des pertes, en vies humaines, en informations, en argent ou en pouvoir.

Les moyens semblent manquer au SRC, selon les autorités, pour assurer sa mission, malgré l’engagement en 2016 d’analystes en conflits armés, en terrorisme et en extrémismes (http://www.infoclio.ch/fr/search/node/SRC). Une carence qui elle aussi n’est pas nouvelle.

Quel doit être l’effort consenti pour adapter le SRC aux besoins, sachant que ces derniers ne peuvent guère être estimés en raison de la nature des activités devant être contrecarrées ? On peut évidemment imaginer que la technologie joue un rôle primordial dans cette guerre de l’ombre et que des moyens informatiques seraient éminemment utiles. Mais tout ne passe pas forcément par Internet et les réseaux sociaux, quand bien même ces biais semblent être des portes d’entrée évidentes des arcanes de l’espionnage et du terrorisme.

Sans parler des libertés individuelles potentiellement remises en question par un renforcement de la surveillance étatique, ne faut-il pas craindre, quelques soient les mesures prises, qu’il ne s’agisse pour les services de Markus Seiler de Mission impossible ? Comment surveiller constamment 400 à 500 suspects, tout en sachant que d’autres menaces non identifiées peuvent surgir ? Ne faudrait-il pas surtout renforcer la police fédérale ? Cette dernière – ou plutôt les polices cantonales – furent prioritairement sollicitées entre 1914 et 1918 pour lutter contre les réseaux d’espionnage qui se développaient en Suisse, parvenant en quatre ans à déjouer près de 120 affaires de renseignement. Il est vrai qu’en ce temps-là, la police était fréquemment informée de l’existence d’un réseau d’espions par des agents rivaux cherchant à supprimer leurs ennemis. Mais enfin, la police qui servait de contre-espionnage dans une Suisse dépourvue de services de renseignement allait réussir tout de même à déjouer des opérations d’envergure. Des résultats d’autant plus efficaces que le Conseil fédéral avait modifié en 1916 des pans de l’architecture administrative de la Confédération, permettant au Parquet fédéral, à l’armée et à la police de travailler en étroite collaboration.

Si les moyens manquent au SRC, il semblerait qu’il en aille de même pour certaines polices, notamment la police genevoise de plus en plus sollicitée par la sécurisation des conférences internationales qui se multiplient. (http://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/accaparee-syrie-police-lche-enquetes/story/23454319)

Espérons qu’en lieu et place d’adopter des lois liberticides, nos autorités fédérales parviennent à déterminer l’efficacité des mesures envisagées, facilitent les liens entre les différents services et soutiennent les polices cantonales dans leurs efforts.

 

Voir :

–         Christian Rossé, Guerre secrète en Suisse 1939-1945, Nouveau Monde éditions, Paris, 2015.

–         Christophe Vuilleumier, La Suisse face à l'espionnage, 1914 – 1918, Slatkine éd., Genève, 2015.

Entre shrapnels et edelweiss

Les 29 et 30 mai prochain se déroulera dans le Pays-d'Enhaut une manifestation commémorant l’internement des soldats étrangers blessés sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale et accueillis en Suisse. L’église anglaise St. Peter’s qui organise cet événement marque cet anniversaire en l’organisant à une date spécifique, soit cent ans, jour pour jour, après l’arrivée du premier contingent de 700 soldats britanniques à Château d’Oex.

À cette occasion, plusieurs conférences seront proposées par des historiens. Susan Barton de l’université de Leicester et Cédric Cotter, collaborateur scientifique de l’université de Genève, notamment, prendront la parole devant des représentants du CICR et l’ambassadeur de Grande-Bretagne en Suisse, David Moran.

http://stpeters.ch/centenaire-premiere-guerre-mondiale

De 1916 à fin 1918, la Suisse allait accueillir près de 75’000 hommes, civils et militaires, dont 35'515 soldats français, 4’326 Belges et 4’081 Anglais. 833 d’entre eux allaient mourir des suites de leurs blessures (490 Français, 74 Belges et 62 Anglais) en Suisse et y être inhumés.

L’administration sanitaire helvétique avait réservé certains établissements pour des populations spécifiques comme les alcooliques. Gimel allait ainsi abriter des inconditionnels de la bouteille du premier novembre 1916 à juin 1917, tout comme Henniez, Lucens, le Signal-de-Bougy, ou Kienthal et Weissenburg-Bad, dans le canton de Berne. Des établissements hospitaliers allaient en outre se spécialiser dans la chirurgie maxillo-faciale comme l’hôpital bernois de Salem ou le service de chirurgie maxillo-faciale du docteur Julliard, ouvert le 8 septembre 1916 au sein de l’hôpital cantonal genevois. Leurs patients ? Les fameuses « gueules cassées » !

Château d’Oex ou s’étaient développés de nombreux sanatoriums et qui ne manquait pas d’hôtels pour sa clientèle d’avant-guerre venant chercher les bienfaits du grand air, allait voir se succéder 1’642 soldats. L’une des plus grandes concentrations de miliaires étrangers dans le pays au cours de cette opération humanitaire qui allait permettre à la Suisse d’affirmer une neutralité ébranlée au cours des mois précédents par une histoire d’espionnage au plus haut niveau de son état-major, l’affaires des colonels.