Dieu et mon droit

Que de compliments, que de critiques pouvons-nous lire et entendre à propos du fameux vote sur le Brexit !

Le choix des Anglais est historique, c’est évident, puisqu’il remet en question l’existence même du grand projet Europe. Quelles seront les incidences réelles sur le devenir du continent ? Bien malin celui qui pourra répondre à cette question… Pour l’heure, la place est aux fantasmes et aux politiques fictions, chacun se sentant habilité à envisager le « jour d’après ».

Quoi qu’il en soit, les Anglais ont choisi, et les termes que l’on peut lire à propos de cette décision souveraine résonnent arbitrairement. Entre liberté et dissidence, la différence sémantique implique des positionnements idéologiques diamétralement opposés. L’Angleterre s’est retirée d’une association librement constituée. Et si l’Europe peut la considérer sécessionniste, peut-être devrait-elle réfléchir sur ce divorce en évitant de le considérer comme un nouveau Fort Sumter.

L’Union Européenne a-t-elle véritablement résolu la question allemande, comme le rappelle Guy Sorman dans son blog ? De facto, l’EU reste dominée par la voix d’Angela Merkel, l’Allemagne étant devenu l’un des moteurs économiques du continent. Les interventions de la chancelière dans les difficultés diplomatiques avec la Russie démontrent par ailleurs que l’Ostpolitik demeure problématique, Union Européenne ou pas.

L’on peut tout autant s’interroger sur la réalité de la prospérité économique de l’Europe lorsque l’on compare les taux de chômage et les difficultés de certains pays empêtrés dans des marasmes économico-politique nationaux. Les agriculteurs français dont la plupart tournent à perte depuis des années ne viendront certainement pas contredire ce constat, malgré la rétrocession financière en provenance de Bruxelles.

L’UE va devoir fournir un effort considérable pour remanier ce qui doit l’être et regagner une crédibilité qui s’émousse au fur et à mesure des années, plombée plus encore depuis son positionnement à l’égard de Moscou dans l’affaire ukrainienne, et maintenant avec le vote britannique. Et si ses créateurs ont pensé l’Union comme un garant de la paix du continent, si souvent violée au cours des siècles, il faudra certainement que la Maison Europe sorte de sa période d’adolescence en assumant ses choix, mais également en rassurant les sensibilités identitaires, de plus en plus exacerbées, et qui, pourtant, en font sa richesse. 

Christophe Vuilleumier

Christophe Vuilleumier est un historien suisse, actif dans le domaine éditorial, et membre de plusieurs comités de sociétés savantes, notamment de la Société suisse d'histoire. On lui doit plusieurs contributions sur l’histoire helvétique du XVIIème siècle et du XXème siècle, dont certaines sont devenues des références.