L’UBS appelle à manifester ?

« Ils [les jeunes] devraient être en train de manifester violemment » : voilà bien une phrase que je ne m’attendais pas à lire dans une brochure d’UBS (News Prévoyance, no 2, juin 2017). La plus grande banque suisse aurait-elle engagé M. Mélenchon comme porte-parole ?

En fait non. Cette phrase est tirée de la chronique de M. Martin Spieler sur la réforme de la prévoyance vieillesse. Il y argumente que les jeunes sont les grands perdants de la réforme, et que la solution est – oh surprise – pour leur parents de leur ouvrir un compte épargne 3ème pilier.

L’épouvantail du conflit de génération

Marketing mis à part, la jeune génération n’est pas sacrifiée. Evidemment que les jeunes auront un système de retraite moins généreux avec la réforme qu’actuellement : s’il avait été possible de maintenir le système actuel, nous ne serions pas en train de parler de réforme après tout. Et rejeter la réforme empirerait encore plus les choses.

Certes, les personnes actives et relativement proches de la retraite seront moins prétéritées que les jeunes (encore que la situation soit contrastée par niveaux de revenu). Ceci résulte simplement du fait que la planification de la retraite est un exercice de longue haleine, et qu’il convient de ne pas abruptement changer les règles pour les personnes n’ayant plus assez d’années de cotisations pour se rattraper.

Regardons au-delà de la prévoyance

Si on veut vraiment contraster les générations, alors prenons d’autres aspects que les retraites en compte. Les jeunes bénéficient – à juste titre – d’un excellent système de formation offrant bien plus de possibilités que par le passé. Ils ne souffrent pas plus du chômage que les générations précédentes, comme le montre le graphique ci-dessous. Le chômage de longue durée est en fait plutôt un problème pour les ainés.

Je comprends pleinement que des jeunes aient des motifs de grief dans des pays émergents, ou dans certains pays européens où ils ont récemment souffert d’un chômage massif qui les pénalise pour le reste de leurs vies. Mais en Suisse ? Si tout n’est bien sûr pas rose, y compris les changements dans la prévoyance, les jeunes suisses ne sont de loin pas une génération perdue.

Il faut cesser de faire de la réforme de la prévoyance un conflit de générations. Ce d’autant plus que les opposants ne se distinguent d’habitude pas par un souci marqué envers la jeunesse sur d’autres sujets, comme les bourses d’études ou l’assurance chômage par exemple.

Cédric Tille

Cédric Tille est professeur d'économie à l'Institut des IHEID de Genève depuis 2007. Il a auparavant travaillé pendant neuf ans comme économiste chercheur à la Federal Reserve Bank of New York. Il est spécialiste des questions macroéconomiques, en particulier des politiques monétaires et budgétaires et des dimensions internationales comme les flux financiers.