« Mon entreprise se meurt, que faire ? »

  • Il s’agit d’un arrêt total de mon activité, mais pas d’un simple ralentissement !
  • Mon entreprise était saine, patiemment développée et construite, elle est maintenant dévastée !
  • J’aimerais pouvoir tenir la tête hors de l’eau grâce à l’aide gouvernementale.
  • J’essaie de survivre tout simplement, je trie les factures pour payer celles qui sont prioritaires. Je navigue en eaux troubles, je n’ai plus de revenus et aucune indemnité.
  • Je suis passé à côté de tellement de choses ces dernières années, je me disais que je n’avais pas le temps, j’étais toujours pressé d’aller de l’avant. Maintenant je ne peux plus rien prévoir, je n’ai plus aucune visibilité.

Le choc est terrible pour les petites et moyennes entreprises ainsi que pour les indépendants; certains (-es) entrepreneurs (-ses) ont perdu des mandats si chèrement acquis ou ont été obligés d’annuler des évènements professionnels importants… D’autres n’ont plus aucune rentrée de cash depuis plusieurs semaines ou n’ont, au mieux, que quelques mois de réserves devant eux. Cela provoque inquiétudes, déception, découragement, sentiment d’injustice (cette crise ruine des années d’efforts sans avoir commis d’erreur), de la tristesse, une désillusion, une chute de motivation professionnelle ou même l’incapacité à sentir toute envie personnelle. Des chantiers émotionnels intérieurs s’ouvrent…

La crise sanitaire du Covid19 a donné un coup de frein massif à l’économie. Avant de se préparer à redémarrer (ce qui sera un gros effort), de nombreux professionnels vivent un processus de deuil : accepter de délier et défaire le passé afin de pouvoir se réinventer, se créer un nouvel avenir, différent. Tout changement irréversible implique de quitter ce qui a été et de s’adapter à ce qui vient.

C’est définitivement fini, terminé !  Revenir à soi pour digérer le choc.

L’entrepreneur(-se) a besoin d’intégrer ce qu’il (-elle) perd et de soigner ses blessures intérieures : accepter de sentir l’impuissance, ce goût d’inachevé, se délier des projets avortés, de ses espoirs mis entre parenthèse, des constructions passées, de tous les efforts et sacrifices inaboutis. Il y a une différence importante à faire entre accepter et se résigner (ou se soumettre). L’acceptation n’est pas un concept ni une méthode à s’imposer par la volonté. « Bon maintenant j’ai compris, c’est fait, je me suis assez morfondu, je décide d’aller mieux !». Il s’agit plutôt d’une expérience à pratiquer avec les ressources du jour, d’être en chemin. Le corps avance à son rythme et prendra le temps qui lui est nécessaire pour intégrer la perte. Elle réveille tous les moments de deuil passés de notre parcours de vie. Oui, il y a une crise majeure et ce moment de vie est particulièrement douloureux. Cela veut dire qu’il faut s’accorder du temps et de l’énergie pour le traverser. Se traiter soi-même avec bienveillance, avec patience, ne pas s’infliger l’obligation de faire « comme si de rien n’était », de tout poursuivre comme avant, voire de redoubler d’exigence vis-à-vis de soi-même pour éviter de sentir toute vulnérabilité de peur de ne pas pouvoir assumer.

Quelque chose de nouveau se met en place dans cette catastrophe. Qu’est-ce qui se révèle ?

Peut-être que cela sera moins bien après qu’avant, il est difficile et douloureux de constater ce qui est impacté à l’intérieur de soi mais le résultat du processus de perte en vaut la peine : « Je vais apprendre des choses sur moi, j’ai déjà vécu cela. Ce que j’y gagne c’est d’enrichir mon humanitude, ma capacité de m’attacher et d’évoluer ».

La période terrible que nous traversons a obligé une majorité d’entrepreneurs à appuyer sur « pause » et à regarder leur vie en face. Cette crise interroge sur ce qui devra être réinventé, sur ce qu’il faudra avoir le courage de remettre en question, il est nécessaire de renouveler l’attitude intérieure. Il en résultera un enrichissement humain, probablement de nouvelles priorités de vie.

 

Avancer dans le sens de la vague.

Il n’y aura probablement pas de retour « à la normale » de l’activité économique. Chaque professionnel est amené à observer de l’intérieur le nouveau paysage même s’il est dévasté, le nouvel horizon qui se dévoile. Faire face au réel afin de pouvoir créer un nouvel avenir ou un nouvel équilibre de vie. Le piège serait de croire que tout va reprendre comme avant. Il s’agit plutôt d’être à l’écoute des émergences et des nouvelles tendances de la population qui a été secouée elle aussi, d’anticiper le changement de société qui se révèlera dans les prochains mois.

Catherine Vasey

Catherine Vasey, psychologue et gestalt-thérapeute, auteur, spécialiste du burn-out depuis 2000. Elle anime des séminaires de prévention du burn-out en entreprise, donne des conférences, traite les patients en burn-out et accompagne aussi les professionnels de la santé en supervision dans son cabinet à Lausanne, en Suisse. Références : Le site de Catherine Vasey : www.noburnout.ch Publications : « Comment rester vivant au travail ? Guide pour sortir du burn-out », C.Vasey, éd. Dunod 2017 « Burn-out le détecter et le prévenir », C. Vasey, éd. Jouvence 2015 « Vivant au travail », jeu de cartes, C. Vasey, éd. Noburnout 2012

3 réponses à “« Mon entreprise se meurt, que faire ? »

  1. J’ai le problème inverse.
    Mon employeur m’offre une promotion et me garantit la sécurité de mon emploi…

    Pourquoi moi? Suis-je un imposteur?
    J’ai tellement de connaissances qui sont au chômage technique… et, moi, je profite de cette période car je suis ‘indispensable’…

  2. Une des forces dans lesquelles il est possible de puiser face à une telle réalité, c’est la spiritualité. Quelle que soit sa conviction religieuse, s’en remettre à plus grand que soi, à une dimension qui nous dépasse aide à accepter sa propre vulnérabilité, à percevoir que l’on n’est pas seul.
    Nourrir son intériorité permet de cultiver cette dimension. C’est un chemin… parfois sinueux…

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