Pourquoi votre plan d’entraînement n’est pas fait pour vous

Le printemps est là, les jours s’allongent et l’heure a changé. Les coureurs et coureuses bourgeonnent sur les chemins de nos campagnes, dans les rues des villes, et sur les sites d’inscriptions des courses populaires, 20 Km de Lausanne et Marathon de Genève en tête. Les plus motivé(e)s se sont trouvé un planning d’entrainement après une recherche fouillée sur le net : quel est le meilleur plan et comment arriver à ce nouvel objectif de descendre sous les [entrez minutes] pour [entrez distance au choix] ? La toile est remplie de bons conseils (comme sur ce blog 😉 ) et peut-être avez-vous déniché ce merveilleux site, lemeilleurplanpourmoi.com. Jusqu’ici tout va bien.

Comment ça marche, l’entrainement ?

Très simple. On répète un effort de course à pied suffisamment de fois pour que le corps, pas ses muscles, le cœur et les poumons, s’y adapte, l’adopte et cela devient facile. Autrement dit, on a progressé ! L’effort devient moindre pour le même parcours, alors on augmente les distances, cela redevient un peu inconfortable, puis on s’y adapte à nouveau, et un nouveau cap est passé. Finalement, la machine humaine est fantastique et on se met à croire que l’humain a toujours été fait pour la course, né pour courir, comme l’a magnifiquement écrit Christopher McDougall. Et ça marche, on se sent pousser des ailes, ou plutôt des « runnings » aux pieds. Jusqu’ici tout va bien.

Un plan d’entrainement, à quoi ça sert ?

Les sciences du sport et l’art du coaching se rejoignent dans le plan d’entrainement, pour vous apporter les éléments clés de votre voyage vers la terre promise, votre objectif printanier. Le plan, ce doux mélange des distances, durées, vitesses de courses et intervalles sur la piste ou en côte à respecter religieusement, à la seconde près. Le tableau structuré qui rythme les semaines des coureurs, pousse un peu plus loin tout en oblitérant les doutes. Ce savant dosage des séances va permettre de périodiser votre entrainement, de jouer avec la surcompensation, et de préparer la phase d’affûtage pour être fin prêt le jour J. Jusqu’ici tout va bien.

Les erreurs que vous ferez (et que j’ai faites)

L’humain jouit de ressources extraordinaires, et cela lui permet de se dépasser régulièrement. Ce qui fait sa force peut le mener à sa perte, soit à ne pas passer la ligne d’arrivée. Voilà pourquoi :

  1. Si le plan dit 5, je ferai 5 et demi. S’il dit 12 km/h, je ferai 12.5 km/h. S’il dit 6x400m en 90 secondes, je ferai les 2 derniers tours en 85 secondes.
  2. Pour me motiver, je vais y aller avec un copain, et il va un peu plus vite que mon plan. Alors je le suis, ça me fera une « super séance ».
  3. Quand j’ai loupé ma séance parce que j’ai été retenu au boulot / été grippé / eu une migraine / fêté l’anniversaire de…, je culpabilise et j’essaie de rattraper dès que possible, quitte à faire 3 jours de suite un entrainement.
  4. Si j’ai dû terminer une séance plus tôt que prévu pour cause de douleur ou fatigue, je compense et redouble d’effort lors de la suivante.
  5. Si j’ai mal, je continue, on sait jamais, ça passera peut-être…

Vous l’avez compris, la capacité du corps à s’adapter doit souvent s’incliner face à la puissance de la motivation qui l’entraîne, ou face au manque d’écoute corporelle de l’individu. Le plan d’entrainement devient dès lors une forme de bourreau, que nous nous sommes imposé. La blessure ou la fatigue apparaissent alors fréquemment et les cases du plan deviennent floues. Vous êtes perdus, et l’objectif devient cette oasis aux contours incertains à l’horizon. C’est ici que rien ne va plus.

Quand le plan parfait perd de sa clarté.

Le plan est un outil, il faut savoir s’en servir

La course à pied s’apprend, or tout le monde sait courir. C’est l’équation compliquée du départ. Apprendre veut dire comprendre les signaux de son corps, les signes avant-coureurs de blessure ou de fatigue excessive, identifier les bons moments pour pousser la machine en avant et ceux où l’on se doit de privilégier le repos, voire mettre en place des stratégies de récupération et rééducation concrètes.

La seule façon de faire ceci correctement, c’est de comprendre que derrière chaque plan doit se cacher le coach. Ce coach qui est à votre écoute, saura adapter, modifier les séances, voire les objectifs, vers le haut ou vers le bas. Il comprend que ce qui est sur le papier est appelé à changer au fil des semaines, que ce soit en raison des stress physiques du corps, de la charge professionnelle ou familiale et privée, autant d’éléments de nos vies qui modulent notre capacité d’adaptation. Ce coach, c’est peut être vous-même, si vous arrivez à garder le recul nécessaire et comprenez les signaux multiples du corps et de la tête. Parfois, il sera utile d’en trouver un qui vous accompagnera et surtout, vous enseignera l’art de percevoir votre corps de coureur ou coureuse, afin de vous rendre plus autonome pour manier cet outil qu’est le plan d’entrainement.

Bon entrainement !

Boris Gojanovic

Boris Gojanovic est médecin du sport à l'Hôpital de La Tour à Meyrin (GE). Son credo: la santé pour et par le mouvement. Sa bête noire: l'immobilisme. Il s'occupe de tous ceux, jeunes ou moins jeunes, sportifs ou non, qui pensent que bouger mieux les mènera plus loin. Il espère être un facilitateur, tout en contribuant au transfert et à l'échange de connaissances, tant dans la communauté que dans les auditoires.

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