Un sommet sur le climat à Genève ?

La Suisse devrait-elle se porter candidate pour organiser la COP26 sur le climat en 2020 ? C’est ce que propose le think-tank foraus dans un article récent [1]. Voilà pourquoi c’est une bonne idée.

 

Lima, Paris, Marrakech, Bonn. Longtemps réservées aux technocrates, les négociations sur le climat sont aujourd’hui devenues un rendez-vous familier. Chaque année, en novembre ou décembre, les pays du monde entier se réunissent pour discuter de l’avenir de la planète. Ces « conférences des parties » (COP) sont organisées de manière alternée entre pays développés et pays en développement. La vingt-quatrième réunion du genre, la COP24, aura lieu cette année à Katowice en Pologne, la COP25 probablement en Amérique du sud et la COP26 … n’a pas encore trouvé preneur.

Cette conférence est pourtant d’une importance cruciale car elle marquera les cinq ans de l’Accord de Paris, date à laquelle les pays vont devoir renouveler leurs promesses et leur objectifs climatiques. La Genève internationale, avec ses réseaux d’agences onusiennes, d’ONG et d’associations de protection de l’environnement est une candidate idéale pour accueillir ce sommet.

La diplomatie Suisse au service du climat

Premièrement, la Suisse est un acteur reconnu et estimé dans les cercles de la diplomatie internationale, en particulier sur les questions difficiles d’environnement et de maintien de la paix. En plus de sa tradition des bons offices, elle possède un savoir-faire confirmé en matière de médiation et de facilitation, ainsi qu’un réservoir important de négociateurs aguerris aux dossiers les plus difficiles. Or, comme la COP21 de Paris en 2015 la montré, la réussite de négociations aussi épineuses que celles sur le climat dépend en partie du savoir-faire du pays hôte. Non seulement durant le sommet, mais également lors des nombreuses réunions préparatoires.

D’autre part, ces grandes conférences ne sont pas simplement un rassemblement de diplomates. Elles sont aussi une caisse de résonnance du débat publique et l’occasion de donner une voix renforcée à la société civile. La Genève internationale est à cet égard un écosystème unique. Siège européen des Nations Unies, elle est après New York le centre le plus important de la diplomatie multilatérale. La ville accueille plus de 2700 conférences et réunions internationales par an et héberge un nombre inégalé d’agences onusiennes et d’ONG. Bon nombre d’entre-elles, dont l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), sont directement liées aux questions environnementales.

Organiser la COP26 à Genève permettrait à n’en pas douter un nombre important de synergies et d’échanges, mais aussi la création d’une atmosphère volontariste propice aux grandes décisions.

Renforcer la position de la Suisse

La Genève internationale est aussi pour la Suisse un atout, qui lui permet d’avoir une influence considérable pour sa taille, de faire entendre sa voix et d’accéder à des informations importantes pour l’élaboration de ses politiques.

Mais Genève fait actuellement face à un morcellement croissant de la gouvernance mondiale et à une concurrence accrue entre États hôtes qui tendent à limiter peu à peu son influence. Pour contrer cette tendance, le Conseil Fédéral a adopté en 2014 une stratégie visant à consolider le rôle de la Genève internationale, notamment en stimulant les échanges d’idées, d’expérience et d’information sur les thématiques globales et en multipliant les contacts et les partenariats.

L’organisation de la COP26 irait exactement dans la direction de cet objectif et enverrait un signal fort quant à l’ambition de la Suisse sur la scène internationale. En se positionnant comme un État ambitieux en matière de négociations climatiques, la Suisse renforcerait son image de nation engagée. Ce serait aussi l’occasion, le temps d’une conférence, de peser un peu plus lourd sur les négociations.

Élever le niveau d’ambition

L’Accord de Paris est un cadre non contraignant dont les résultats concrets dépendront presque exclusivement de la volonté et de la motivation des États membres. Il repose avant tout sur un mécanisme incitant les pays à élever leur niveau d’ambition avec le temps. Ce mécanisme comprend deux éléments :

  1. Un bilan global des progrès réalisés en matière de lutte contre le changement climatique, effectué tous les cinq ans.
  2. Une révision à la hausse des contributions nationales (c’est-à-dire des engagements pris par les pays en matière de lutte contre le changement climatique), tous les cinq ans également mais en alternance avec le bilan global.

La COP26 représente le moment où ce système d’incitation devra faire ses preuves pour la première fois. Un premier bilan aura lieu cette année à Katowice et de nouveaux engagements nationaux devront être présentés à la COP26 en 2020.

S’investir dans l’organisation de ce sommet, et surtout veiller à ce qu’il apporte des résultats à la hauteur des enjeux, serait une belle façon pour la Suisse de contribuer à l’effort global. La Suisse a toujours eu à cœur de se montrer volontariste et exemplaire sur les grands dossiers humanitaires et environnementaux. Il y a là une occasion de passer des paroles aux actes et de faire preuve de leadership.

 

[1] Anna Stünzi, Florian Egli, Oskar Jönsson, “Neue Wege in der Schweizer Klimapolitik”, foraus Policy Brief, Novembre 2017. http://www.foraus.ch/#!/fr/themes/c!/content-7666-Les-nouvelles-voies-de-la-politique-climatique-suisse

Augustin Fragniere

Augustin Fragnière est directeur adjoint du Centre de compétences en durabilité de l'Université de Lausanne. Docteur en sciences de l'environnement et philosophe, il a mené des recherches sur les enjeux éthiques et politiques des problèmes environnementaux globaux en Suisse, en France et aux États-Unis. Ses réflexions portent en particulier sur les questions de justice climatique et environnementale et sur les théories de la durabilité.

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