Hong Kong: la bourse a voté

La décision du gouvernement chinois d’imposer à Hong Kong une nouvelle loi qui autorise l’extradition vers la Chine de prévenus accusés de porter atteinte à la sécurité de l’Etat ne devrait pas être une cause de surprise.  Tout au plus, ce qui est en revanche étonnant, c’est qu’il a fallut 23 ans aux autorités de Pekin pour prendre une telle décision.

Si Hong Kong a pu, de par le passé, éviter une mainmise de Pékin, que ce soit en tant que colonie britannique ou, plus récemment en tant « Zone Administrative Spéciale » de la Chine, c’est essentiellement pour deux raisons.

Premièrement, Hong Kong était utile et, en plus de son importance en tant que place financière, représentait il y a vingt ans environs 12 % du PIB Chinois.

Deuxièmement Hong Kong n’a jamais représenté une alternative politique ou un modèle différent de celui exercé par  le parti communiste chinois. En effet, durant la colonisation britannique, les autorités s’arrangeaient pour discrètement évacuer vers des pays d’accueil tous les dissidents chinois qui tentaient, à partir de Hong Kong de s’en prendre au régime de Pékin. En résumé, Hong Kong était gouverné par un pouvoir colonial qui savait ménager Pékin et ne laissait guère de place à toute velléité de « démocratie » avec un seul bémol : un état de droit scrupuleusement respecté.

Aujourd’hui, ces deux piliers sur lesquels reposait l’existence même de l’ancienne colonie britannique sont en train de s’effriter.

Des pilliers qui s’éffritent 

D’une part le fossé entre le revenu moyen par habitant à Hong Kong comparé à celui en cours en Chine continentale est en train de se combler. En d’autres termes, le modèle économique de Hong Kong, basé en grande partie sur le contrôle par l’état du secteur immobilier est désormais dépassé. Ayant raté le virage vers l’industrialisation, la haute technologie ou l’informatique, l’ancienne colonie britannique dépend désormais pour sa prospérité sur le tourisme, l’immobilier et le secteur bancaire, trois domaines qui n’assurent guère le long terme.

Sur la plan politique, pour ne pas dire social, Hong Kong a fait du sur place. Contrairement à Singapore où le gouvernement a mis en place un système d’assurances sociales  dont toute la population profite, Hong Kong n’est pas intervenu en la matière. Le résultat, c’est que dans une ville ou le PIB moyen par habitant est plus haut qu’en Allemagne ou en Angleterre, quelque 7 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Or à ces laissés-pour-compte du miracle économique de Hong Kong s’ajoute la frange de la population que l’ombre de Pékin inquiète.

Le résultat, c’est une masse critique de mécontents qui manifestent pour une «démocratie»  indéfinie et qu’ils n’ont jamais connue et qui va de casseurs qui vandalisent des stations de métro à de simples frondeurs qui agitent des parapluies. Que certains agitent des drapeaux américains garantit qu’ils se mettent sur le dos 1.4 milliard de chinois chez qui la fibre patriotique n’est pas un vain mot.

Sans illusions 

Il serait naïf de croire que le mouvement n’est pas instrumentalisé, pour ne pas dire manipulé de tous cotés. Ainsi, c’est a coup de centaines de milliers de dollars que le National Endowment For Democracy, une fondation crée par le gouvernement américain pour prendre le relais de la CIA dans l’appui à des mouvements anti-communistes distribue des subsides à des ONG à Hong Kong actives dans le mouvement dissident. La filière américaine a d’ailleurs toujours été une réalité et un des personnages clé du mouvement «démocratique», Martin Lee avait comme principal  champion à Washington le Sénateur Jesse Helms, un pilier de l’extrême droite connu pour son combat contre l’avortement, le mariage pour tous  et même la contraception. Il n’en fallait guère plus pour inquiéter un parti communiste chinois déjà porté par nature à voir des complots tous azimuts.

Un parti communiste dont il ne reste que le nom 

Le paradoxe d’une loi sur la sécurité adoptée par un parti communiste est que la réaction la plus positive est venue de la bourse de Hong Kong. A part la démonstration, s’il en fallait une, que le parti communiste chinois n’a plus rien de communiste sauf le nom, il est évident que pour l’économie de Hong Kong, prospérité rime avec stabilité et non pas avec «démocratie». En fait la loi sur la sécurité est la confirmation que Pékin tient, du moins pour le moment, à préserver la place financière de l’ancienne colonie britannique tout en levant l’hypothèque politique qu’elle pouvait représenter pour le gouvernement central. Cette réalité s’inscrit dans une autre, à savoir que Hong Kong fait partie de la Chine. Et cela, pour le meilleur ou pour le pire,  n’est pas négociable.

 

 

Alexandre Casella

Diplômé de la Sorbonne, docteur en Sciences Politiques, ancien correspondant de guerre au Vietnam, Alexandre Casella a écrit pour les plus grands quotidiens et a passé 20 au HCR toujours en première ligne de Hanoi a Beirut et de Bangkok à Tirana.

12 réponses à “Hong Kong: la bourse a voté

  1. A concise and sensible report, facing the historical reality Hong Kong has faced during the past 2 decades. A comparison of the National Security Law imposed on Hong Kong and the Code Penal Art. 410 and Art 411 would render the argument more interesting.

  2. Monsieur,
    Je viens de Hong Kong. Merci d’avoir écrit cet article, en mentionnant notamment le National Endowment for Democracy.
    La seule précision que je voudrais apporter est l’extradition des suspects vers la Chine continentale. Cela ne se produira que dans un scénario extrême/rare où HK prend le dernier recours pour obtenir le soutien de la Chine. Sauf dans les trois situations graves spécifiées dans la nouvelle loi sur la sécurité nationale, c’est HK qui applique la loi : Les tribunaux sont tenus à HK dans le cadre du système de Common Law et par son autorité judiciaire professionnelle.

    1. Désormais, l’extradition en Chine ou pas pour juger des suspects, il n’y aura aucune différence. On n’est pas dupe !
      La justice chinoise est mondialement connue ” politiquement correcte “.

      1. Faites confiance au professionnalisme des autorités judiciaires de Hong Kong, qui sont considérées comme l’une des meilleures d’Asie, voire du monde, depuis des décennies. Donnez aux juges de Hong Kong le temps de vous montrer qu’ils continuent à être justes et qu’ils peuvent continuer à distinguer le système judiciaire de Hong Kong de celui de la Chine continentale.
        La sécurité nationale est un concept nouveau, mais tardif, à Hong Kong. Renseignez-vous d’abord sur ce concept.

        1. Pour qu’une loi soit respctée et appliquée, il est indispensable d’avoir l’adhésion du peuple, et notamment qu’elle soit comprise par le peuple avant son application.
          Or, même le barreau de Hongkong s’est dit «profondément préoccupé» par la loi sur la sécurité imposée par Pékin et «la façon dont elle a été mise en oeuvre», avertissant que sa formulation très vague sapait l’indépendance de la justice dans l’ex-colonie britannique.

          La confiance est une relation réciproque. Force est de constater que la Chine ne fait pas confiance aux lois de Hong Kong et c’est pourquoi elle a imposé brutalement sa nouvelle loi, comment est-ce que les Hong Kongais peuvent-ils faire encore confiance à cette nouvelle loi dans ce climat de défiance ?
          En imposant cette nouvelle loi à HK, la Chine s’est avoué en effet sa peur envers les mouvements démocratiques de Hong Kong et elle craint qu’il fasse tache d’huile partout en Chine…
          Vous avez raisons, le système judiciaire était l’un des meilleurs en Asie depuis des décennies, mais à présent quel avenir réserve-il encore par cette nouvelle loi sécurité nationale ?

          1. Il y a beaucoup de gens à Hong Kong qui soutiennent cette loi. Peut-être pourriez-vous leur parler pour avoir un éclairage 🙂

  3. ” La réaction la plus positive est venue de la bourse de HK ?”
    Je n’y crois pas une seconde ! Ce n’est que les poudres aux yeux ! Tout le monde sait que la Chine a manipulé le marche en y mettant des milliards afin que de créer cette prospérité apparente… et pour combien de temps encore ? Le temps vous dira la vérité.

  4. J’étais allé à Hong Kong avant sa rétrocession, il y a environ trente-cinq ans.
    Mais j’ai le souvenir d’un peuple inculte, qui marchait dans la rue avec déjà le portable collé à l’oreille, le visage fermé et peu amène et peu sympathique au possible.
    Avec de grands pans d’une misère noire.

    Alors quand on me parle de sa soi-disant démocratie à sauver, ça me fait plutôt rigoler.

    1. Avant la rétrocession, c’est à dire il y a 23 ans, soit une génération.
      le peuple n’est pas quelque chose figée et statique, il change et évolue avec le temps.
      Une impression établie il y a plus de 20 ans mérite bien une réévaluation et une mise à jour complète.

      1. Vous avez raison, mon vécu d’il y a trente cinq ans n’est plus up to date, même si 23 et 35 ne sont pas si éloignés.

        Mais je vais vous confier un secret. J’aimerais retourner en asie pour revoir la thaïlande et découvrir le japon dont je rêve 🙂

  5. Bien sûr que je connais les arguments de ceux qui soutiennent la nouvelle loi.
    Mais franchement j’en doute qu’il y a vraiment ” beaucoup” comme vous le dites.
    le derniers scrutins ont démonté bien la volonté du peuple de Hong Kong…
    Ceux qui soutiennent la nouvelle loi espéraient que le calme revient rapidement grâce à cette nouvelle loi pour permettre notamment que les affaires reprennent.
    L’âme de Hong Kong n’y est plus ! C’est triste.

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