Chine; l’empire du mal ?

« Les communistes chinois ne sont pas des chinois.

Les communistes chinois ne sont pas des humains.

Les communistes chinois sont des diables vivants. »

Ce verdict sans appel figure dans la conclusion d’un ouvrage sur  la Chine, paru aux Etats Unis  en 1952 sous la plume d’un missionnaire Belge, le père de Jaegher et publié  “cum permissiu ecclesiastico”, avec la permission, pour ne pas dire l’approbation,  de l’église catholique.

Toujours au pouvoir

Soixante-dix ans plus tard les “diables vivants”, ou plutôt leurs descendants, sont toujours au pouvoir en Chine. En revanche, le système a évolué et le Chinois moyen n’a jamais été aussi “libre” qu’aujourd’hui. Il est libre de choisir ou de changer de travail, de s’habiller comme il l’entend, de s’enrichir, de faire les études qu’il désire et même de voyager à l’étranger. Et s’il se plaint du régime, c’est toléré tant que cela ne porte pas à conséquence. Ce qu’il ne peut pas faire en revanche, c’est d’essayer de créer un contre-pouvoir  que ce soit en s’organisant ou en se ralliant a des groups que le parti communiste considère comme mettant en cause son monopole du pouvoir. En d’autres termes, si le régime a lâché du lest en ce qui concerne les restrictions des libertés individuelles, les « diables vivants » ne sont pas plus prêts aujourd’hui à partager le pouvoir  qu’ils ne l’étaient lorsque ils l’ont pris.

Cette réalité incontournable soulève une autre question : comment le Chinois moyen réagit-il face à un régime sur lequel il n’a pas prise.

Il est évident que le système Chinois ne se prête pas à des sondages d’opinion et encore moins s’ils sont effectués par des étrangers. Mais il est aussi vrai qu’un système que beaucoup d’occidentaux considèrent comme pervers n’est pas nécessairement perçu comme tel par une majorité de Chinois. Le problème ici consiste non pas à émettre une hypothèse mais à la chiffrer. Peut-on déterminer le niveau de la désaffection de la population Chinoise par rapport aux « diables vivants » et combien de Chinois estiment que leur seule option pour échapper à l’emprise du régime est de s’expatrier ?

Des voyages au compte gouttes

Durant la Guerre Froide une boutade qui circulait en Europe de l’Est prétendait que la différence entre le paradis communiste et le paradis chrétien tenait au fait qu’il était aussi difficile de sortir de l’un que d’entrer dans l’autre. La chute du mur de Berlin tout comme l’évolution du régime en Chine et son impact économique ont changé la donne.

Entre  1950 et 1980, soit sur une période de 30 ans,  le nombre de passeports émis par les autorités Chinoises pour des privés se situait an moyenne à 7000 par an. Aujourd’hui, pour la seule année  2018, 30 millions de passeports furent émis. Désormais pratiquement chaque citoyen Chinois peut obtenir un passeport et quitter la Chine sans avoir besoin d’un permis de sortir ;  voyager à l’étranger est devenu chose courante pour une large tranche de la population. Le résultat est qu’en 2018, 25 450 Chinois profitèrent du fait qu’ils  se trouvaient à l’étranger pour demander l’asile en tant que réfugiés politiques. En soit, le chiffre peut paraître considérable. En fait il correspond au 0.02 % des 150 millions de Chinois quiont voyagé en 2018 à l’étranger comme touristes.

L’émigration légale depuis la Chine a aujourd’hui un impact économique majeur dans les pays de destination. Si le nombre de migrants chinois est proportionnellement petit par rapport à la population Chinoise et ne correspond qu’à 4 % du nombre total de  migrants de par le monde, il en va autrement de leur qualité. Scientifiques de haut niveau, entrepreneurs multi-millionnaires, programmateurs, sans compter quelques 300 000 étudiants aux Etats Unis, l’émigration Chinoise  est de haute valeur ajoutée. Pour ce groupe les filières d’émigration légales sont nombreuses et souvent ce sont les pays de destination qui se les arrachent. Mais il n’en va pas de même pour le Chinois moyen pour lequel l’unique moyen d’émigrer est souvent d’être reconnu comme réfugié.

Qui est un réfugie ?

Selon les procédures internationales un « réfugié » est quelqu’un qui fuit soit une guerre soit une persécution. Cette dernière doit être substantielle et personnelle. Des problèmes économiques ou une antipathie envers le régime ne font pas du demandeur d’asile un « réfugié ». Pour qu’il soit reconnu comme tel il appartient au demandeur d’asile d’apporter la preuve qu’il a été persécuté. Or la définition de « persécution » est sujette à débat. Pour certains le fait d’être autorisé à n’avoir qu’un seul enfant est l’équivalent d’une persécution.  Pour d’autres ce sont les tracasseries bureaucratiques qui peuvent affecter celui qui  adhère à une secte religieuse.

Afin de déterminer si un demandeur d’asile est qualifié pour recevoir le statut de réfugié les gouvernements ont établit un système de procédures. Les qualifier d’impartiales et indépendantes de toutes considérations politiques relèverait de l’utopie.

150 millions de chinois.

En 2018 quelques 150 millions de chinois ont voyagé á l’étranger comme touristes. Sur ce nombre 38.3 millions ont visité la Thaïlande, 31.2 millions le Japon, 4.7 millions la Corée du Sud, 3.4 millions Singapore et 2.9 millions la Malaisie pour un total d’environs 80 millions de touristes. La première conclusion dérivée de ces chiffres est que  la moitié des touristes Chinois ont comme destinations préférées les pays Asiatiques limitrophes.  Sur ces 80 millions de touristes le nombre total de demandes d’asile se chiffre à 1556 réparties de la façon suivante : Japon 308. Corée du Sud 1199, Thaïlande 38 et Malaisie 11. Quant à Singapore elle refuse même de prendre en considération une demande d’asile déposée par un Chinois. Mais plus encore que ces chiffres c’est le taux de reconnaissance qui est éloquent. Pour le Japon et la Corée du Sud, il se situe a zéro. Pour la Thaïlande, il est de 21, et de 11 pour la Malaysie ces derniers étant tous des Uigurs Musulmans..

Les conclusions qui s’imposent sont que les Chinois ne cherchent pas asile dans les pays environnants et que ceux-ci ne veulent pas de Chinois. Reste le reste du monde et ses 70 millions de touristes Chinois.

Et 70 millions de chinois

Des procédures plus rigoureuses et plus justes et des demandes d’asile plus nombreuses font que les démocraties occidentales sont plus portées que les pays Asiatiques à accorder le statut de réfugié à des demandeur d’asile Chinois, avec un bémol. Les chiffres sont contenus et, selon les pays, les demandes d’asile se situent entre le  0.02 % et le  0.04 % du nombre total des visiteurs chinois. Ce n’est sans doute pas un hasard que le plus grand nombre de demandes d’asile déposées par des Chinois le sont dans des pays qui sont aussi les  destination préférées  de l’émigration Chinoise ; Etats Unis avec environs 3 millions de visiteurs et 7350 demandes d’asile dont  42 %  sont acceptées . Canada avec 800 000 visiteurs et 1862 demandes d’asile dont  47 % acceptées et enfin l’Australie avec 1.4 millions de visiteurs et 6400 demandes d’asile dont 3.4 % acceptées. Considérant que rien n’indique qu’il y a une différence  fondamentale entre le profil social du Chinois qui cherche asile aux USA comparé a celui qui dépose une demande d’asile en Australie, la différence entre les taux d’acceptation et sans doute le reflet de facteurs politiques. A cela s’ajoute une meilleure connaissance des conditions réelles en Chine de la part des fonctionnaires de l’immigration australienne comparé à leurs collègues Américains et Canadiens qui leur permet de mieux identifier les demandes peu crédibles.

On peut certes se demander aussi si  150 millions de touristes de Chine représentent un échantillon valable de la population Chinoise dans son ensemble. Cependant, considérant que le prix d’un voyage à l’étranger est dans l’ensemble abordable, on peut estimer que ce groupe représente un échantillonnage réaliste de la nouvelle classe moyenne Chinoise. Et le fait que, parmi ce groupe, le pourcentage de ceux qui cherchent asile à l’étranger  est statistiquement insignifiant se passe de conclusion.

Alexandre Casella

Diplômé de la Sorbonne, docteur en Sciences Politiques, ancien correspondant de guerre au Vietnam, Alexandre Casella a écrit pour les plus grands quotidiens et a passé 20 au HCR toujours en première ligne de Hanoi a Beirut et de Bangkok à Tirana.

9 réponses à “Chine; l’empire du mal ?

  1. Bonjour,
    Merci pour cette analyse fouillée!
    Je réagis surtout sur la conclusion. Pour moi les faible chiffres que vous constatez son aussi dû a d’autre facteurs importants que vous ne prenez pas en compte au moins dans ce texte:
    1) Les chinois sont un peuple extrêmement nationaliste et quoi que pense certaine personnes de leur régime, ce serait une sorte de sacrilège de quitter le pays
    2) Les Chinois connaissent peut les pays étranger et on une vision parfois dystropique, cela n’incite pas a partir pour l’inconnu
    3) les Chinois sont tres attaché s a leur nourriture et leur culture en générale. Manger quelque chose d’acceptable pour eux à l’étranger est pour certains un challenge, ne plus pouvoir vivre et manger comme en Chine représente une vraie barrière
    4) les Chinois ont des croyances et superstitions tres prononcées qie l’on ne trouve pas/plus dans la plupart des pays occidentaux. Ces croyances sont si ancrées meme pour des personnes vivant depuis longtemps dans un autre pays que cela peu constituer une barrière difficile à franchir. On pourra citer en vrac l’importance de la facade que nous n’avons pas, la discrétion concernant ses sentiments, Le feng shui…
    5) la peur des représaille sur la famille restée en Chine
    6) Les perspectives de la Chine dans le futur sont surement plus séduisantes que les perspectives d’une Europe ou des Etats Unis. Le fait est que la Chine a plus fait pour ses gens que l’Europe et les US réunis cest 30 dernières années. Voudriez vous vivre avec ube équipe qui gagne ou qui perd?
    Je pense également à pleins d’autres facteurs que je n’ai pas le temps d’évoquer ici.
    Du coup apres toutes cette analyse détaillée qui a du vous prendre du temps et est tres instructive, je trouve la conclusion triviale et un peu courte. Cela n’enlève rien au reste de l’article.
    Merci
    Jérôme

    1. Vous voulez en venir où?

      Que les peuples asiatiques ne digèrent pas le lactose et vomissent le fromage fondu,
      ou que vous ne supportez pas les asiatiques (ou les chinois)?

    2. Ce que je vois c’est que vous dressez un portrait de “le Chinois” qui n’est rien d’autre que des clichés résultats de manque d’information et surtout d’expérience dans le pays. Ayant vécu plus d’une dizaine années en Chine et plus de vingt ans en Europe, je peux vous dire que rien de ce que vous disiez n’est caractéristiques du “Chinois” en réalité et, si vous aviez vraiment été en contact avec les gens et avec la réalité, vous verriez que LES Chinois, constitués de 56 ethnies, des dizaines provinces et d’une trentaine de langues et cultures, ne sont fondamentalement pas plus différents que nous, que vous, que tous. Allez assister une émission chinoise et des débats sur la société (oui ça existe en Chine et même beaucoup), vous verrez elles sont plus populaires et approfondies que des brouhahas à la télé en France ou Suisse

      1. Bonjour Socrate,
        Je trouve que la politesse se fait rare. Dire bonjour est un minimum.
        Il se trouve que je passe une bonne partie de ma vie en Chine qui est un pays que j’adore par ailleurs et du coup votre message me laisse perplexe. La chine que je connais n’est pas celle des livres ou de la télévision mais celle de l’intérieur car j’ai de la famille et des business dans plusieurs villes Chinoises et pleins d’amis et de partenaires sur place je vois une Chine de l’intérieur. Alors clichés? Certainement pas. Pas exemple lorsque je reçois des Chinois en France, la nouriture Francaise est appréciée en général mais souvent jugée trop lourde par exemple. Mes amis chinois qui restent en france pour les études ou pour y travailler temporairement ou définitivement, mangent Chinois au quotidien et ne songent pas a s’en passer. Je peux comprendre car la cuisine Chinoise est variée et excellente, tres loin de ce que proposent la plupart des restaurants Chinois en France. En revanche a Londres j’ai trouvé de nombreux restaurant Chinois excellents. Ce n’est qu’un exemple de ce que vous appelez clichés et que j’ai vécu mille fois. Du coup je me demande moi aussi d’ou vient votre propre expérience? Croyez ce que vous voulez. L’expérience est une lanterne qui n’éclaire que le chemin parcouru apres tout et nous sommes tous différents. La Tv chinoise dont vous parlez (quel rapport avec mes commentaires?) est truffée de divertissements comme chez nous, l’avez vous regardée récemment ? Je la regarde depuis 10 ans environ et je constate la meme évolution que la nôtre.
        C’est le deuxième message ici qui juge et n’apporte rien… Si j’ai commenté c’est pour apporter un vécu et des informations et non pour critiquer les autres. Si vous avez un savoir partagez le! Qu’avez vous appris durant ces année Chinoises qui puisse nous éclairer ? Si vous ne voulez que contredire sans partager, c’est futile et inutile.
        Le figaro titrait un article il y a peu: bienvenu dans la société du vide!
        Nous y sommes… Et le vide est sidéral parfois.
        Bonne nuit.

  2. Bonjour,
    Tout d’abord je signale que votre commentaire est parfaitement déplacé et inutilement agressif, vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte (j’espere) mais je vous le dit.
    Si l’on fait l’effort de lire mon commentaire (c’est mieux pour y répondre en général), cela voulait indiquer que emigrer est surement plus difficile pour bon nombre de chinois que pour la majorité des américains ou des Européens meme si les jeunes générations de Chinois sont différentes. Du coup en déduire des choses sur des pourcentages sans prendre en compte ce fait biaise la conclusion.
    Les raisons pour lesquelles on quitte ou pas son pays sont tres variées (liberté, économie, culture, ethnique, religion, famille, métier et opportunitées de travail, sécurité, fiscalité, géographie, climat, etc.). Par exemple certains pays en Europe se dépeuplent sans qu’il y ait un problème de liberté d’expression et d’autres recoivent cette immigration sans qu’ils soient pour autant des modèles démocratiques. On peut rester ou partir de son pays pour une combinaison complexe de raisons. Je pense également que plus un pays est grand géographiquement moins on a tendance a le quitter car par un simple déménagement, en restant dans son propre pays, on peut parfois améliorer sa condition de vie (climat, économie, géographie, opportunitées par exemple): comparer les pays est donc entravé par de nombreux biais.
    Bonne journée.

  3. A signaler l’exceptionnel sens du timing pour la publication de cet article, la Chine ayant apparement décidé unilatéralement d’apporter sa contribution à la résolution du problème de surpopulation mondial.
    On attend celui saluant le faible taux d’obésité en Corée du Nord (à une exception près) ainsi que celui célébrant la vitalité du système politique vénézuelien…

    1. Et qui vous dit que le virus, vient de la chauve-souris, du pangolin et bla, soit de Chine?
      Peut-être aviez-vous remarqué qu’il semblerait que le virus soit “high Tech”.
      Mais celui qui a l’antidote va reçevoir le jackpot 🙂

  4. Quand je vois 38 millions de touristes chinois en Thaïlande.Je doute de l intelligence du journaliste.chiffre officiel du gouvernement thaïlandais.nombre de touristes en Thaïlande 44millions…. chinois 10pour cent alors d ou viennent ses 38millions.,,,

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