L’écologie, un truc de riches ?

Le mouvement social naissant des “gilets jaunes” français nous questionne sur les politiques environnementales ou décrites comme telles, et sur leur impact social. Présenté comme une révolte du petit peuple de province face à une augmentation jugée injuste des taxes sur le carburant, il est thématisé par certains médias comme l’ opposition d’une “France d’en bas”  nécessiteuse d’essence bon marché pour se déplacer et aller travailler à une intelligentzia parisienne déconnectée des réalités, paraphrasant Marie-Antoinette pour qui “si le peuple n’a plus de carburant, il n’a qu’à acheter une voiture électrique”.

La réalité est comme bien souvent un brin plus complexe, et pose des questions essentielles pour l’avenir de notre modèle sociétal comme de notre environnement.

Il serait tout d’abord faux de voir en celles et ceux qui ont décidé de manifester ce weekend en bloquant le trafic des beaufs égoïstes. Beaucoup de régions rurales de France sont aujourd’hui dépourvues de transports publics performants, et comme le montrent les cartes ci-dessous, empruntées au site www.challenges.fr, les choses ne vont pas en s’améliorant au fil du temps, avec un démantèlement progressif des lignes régionales au profit des grandes lignes TGV. La mobilisation des cheminots hexagonaux de ce printemps visait d’ailleurs justement à s’opposer à une accélération de ce mouvement de fond, malheureusement sans succès.

Car si les lignes régionales sont abondamment utilisées par des pendulaires, ouvriers, employés ou étudiants se rendant sur leur lieu de travail ou d’étude, celles à grande vitesse sont avant tout employées pour des déplacements d’affaires ou pour le tourisme. On peut ainsi effectivement affirmer qu’en matière de développement des transports publics la France privilégie les besoins des plus nantis au détriment des classes populaires, qui n’ont donc parfois d’autre choix que celui d’employer leur voiture. Augmenter les taxes sur le carburant sans une réelle politique de transfert modal route-transports en commun est donc une mesure peu sociale et problématique pour celles et ceux qui ont des revenus modestes.

Cela ne veut pas dire qu’il faut privilégier le carburant bon marché et réduire le prix de l’essence, mais tout simplement que ce type de mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre ( dont 28% est lié aux transports en France, chiffres comparables à ceux de la Suisse) doivent être accompagnées de politiques ambitieuses permettant à la population de changer ses comportements sans que leur qualité de vie n’ait à en pâtir.

Nous faisons face à des défis énormes en matière de transition vers une société “zéro carbone”, et des décisions extrêmement courageuses et sans doute parfois impopulaires vont devoir être prises ces prochaines années si nous voulons éviter le pire et contenir la hausse de la température et ses funestes conséquences. Il faut pour cela expliquer, convaincre et faire participer de manière constructive l’ensemble de la population, en évitant de dresser les uns contre les autres.

Ce sont les moins fortunés qui risquent de payer le prix le plus fort d’un climat hors de contrôle. La révolte des “gilets jaunes” peut donc paraître un acte irrationnel, mais c’est avant tout un cri de désespoir qui doit être entendu.

Alors oui, taxons abondamment le carburant, mais commençons par le kérosène,  qui est aujourd’hui le seul carburant dépourvu de taxes alors que l’explosion du trafic aérien est l’une des principales menaces qui pèsent sur la stabilité climatique. Surtout, proposons des alternatives crédibles et pourvoyeuses de qualité de vie. Le jour où les habitant-e-s de la France profonde n’auront plus comme seule alternative de faire des dizaines de kilomètres en voiture pour aller travailler, se former ou se soigner, tout porte à croire que l’on verra moins de gilets jaunes sur les routes…

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

6 réponses à “L’écologie, un truc de riches ?

  1. A propos du kérozène la Suisse le fait déjà sur ses lignes interne comme notamment les Etats Unis d’Amérique. Cela devrait se faire dans l’UE.
    En France il faudrait rendre une partie du territoire à la nature sauvage sous le contrôle des chasseurs.

  2. A supposer que ce mouvement de révolte soit spontané, ceci signifie qu’il est alors aussi possible pour une force extérieure (par exemple la Russie), ou intérieure (un parti d’opposition), de déclancher délibérément un tel mouvement par manipulation au moyen des réseaux sociaux, sans qu’il soit facile de le prouver.
    Maintenant que les méthodes de manipulation de l’opinion ont été rôdées avec le Brexit et l’élection présidentielle américaine, il serait suprenant que d’autres, ou les mêmes, ne pensent à les réutiliser.

    Nos sociétés sont donc fragiles à des forces déstabilisantes d’agitation à cause des réseaux sociaux.

  3. Malheureusement, la “France profonde” n’a plus et n’aura plus aucun avenir.
    Et Dieu sait si elle est riche de culture, de gastronomie et d’humanité.

    Il faut être clair avec le futur de l’humanité et vous pouvez le voir aussi en Suisse, qui a une superficie plus que réduite.
    Le monde d’aujourd’hui, ce sont des agglomérations-mégalopoles en dehors desquelles rien ne se passe plus.

    Si encore on pouvait laisser le reste vierge, ce serait une bonne nouvelle, mais!

  4. C’est peut-être la dernière qui sonne pour redemander aux plus aisés, aux plus riches, aux multinationales, aux bénéficiaires de gigantesques dividendes une contribution sensiblement plus importante pour que ce monde se dirige à nouveau vers une certaine forme de solidarité et d’équilibre… Ainsi les gouvernements unis à leurs citoyens et portés par eux pourront envisager une réelle et rapide transition écologique. Et je vous rejoins totalement quant à taxer le carburant de l’aviation civile!

  5. J’adore les verts comme votre mémoire est courte.
    La prime à la conversion de 3000.- euro c’est pour le plus Nanti.
    Avec la prime à la conversion vous pouvez un véhicule consommant la moitié de ce que consomme votre ancien.
    La prime de 10000.- euro pour l’achat d’un Véhicule électrique.
    Il y a des Renault Zoé une réduit la prime, le prix final est de 6000.- euro.

    Quasiment aucun pays ne donne cela !!!
    Mais il faut bien financer ces mesures avec quelques choses.
    Et ça c’est des vrais mesures écologiques.

  6. La France est une monarchie ou le président monarque est responsable de tout. Cette conception médiévale est le principal problème. Si les régions avaient un réel pouvoir tout serait différent. Par exemple le pouvoir local n’aurait pas sacrifié les transports publics utiles à ses administrés. Pour le monarque seul compte le prestige du pays. Il a donc privilégié le prestigieux TGV et sacrifié les petites lignes régionales.

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