Ma che succede ?

Les récents rebondissements que nous a offerts la politique italienne ont de quoi laisser pantois la plupart des observateurs.

Comment est-on passés en moins d’une semaine d’un échec total, avec le leader du Mouvement 5 Etoiles ( ci-après M5S) Luigi di Maio qui appelait à la destitution du Président de la République pour “haute trahison”, à la prestation de serment de ce même di Maio  en tant que ministre du travail, devant ce même Président de la République?

Souvenez-vous : dimanche 27 mai, après le refus de Sergio Mattarella, Président de la République italienne ( dont le rôle est avant tout honorifique, mais qui a le pouvoir de nommer les ministres ) de ratifier l’équipe gouvernementale proposée par la Ligue et le M5S, tout espoir de voir un gouvernement italien avant de nouvelles élections semblait s’être évaporé, et les appels au retour aux urnes se multipliaient, y compris dans l’opposition.

On avait parlé de la mise en place d’un “gouvernement technique”, mené par l’économiste et ancien cadre du FMI Carlo Cottarelli, dont la mission aurait été d’assurer les affaires courantes jusqu’à de nouvelles élections qui auraient eu lieu vraisemblablement à la fin de l’automne.

Or ce scénario s’est heurté à deux écueils majeurs.

Le premier est politique, et réside dans le manque absolu de soutien politique dont aurait disposé ce gouvernement technique. Sans les voix du M5S et de la Lega, mais aussi de Forza Italia, le parti de Berlusconi, il n’aurait jamais pu obtenir la “Fiducia”, le vote de confiance du Parlement nécessaire à l’instauration de tout nouveau gouvernement. De plus, même si tout le monde criait au retour aux urnes, tous étaient conscient du risque que cela pouvait représenter, et tout particulièrement les M5S, dont les sondages électoraux prédisaient un tassement des voix.

Le second est à chercher au sein de l’opinion publique, qui a majoritairement plutôt mal vécu ce refus perçu comme un asservissement de l’État aux marchés financiers, la bourse ayant montré de forts signes d’agitation lors de l’annonce de la création d’un gouvernement Lega – M5S et de la nomination de l’eurosceptique notoire Paolo Savona au ministère de l’économie.

Malgré la colère et les effets d’annonce la dialogue n’a donc jamais totalement été rompu entre le “Colle”, comme on appelle en Italie le siège de la Présidence de la République, et les leaders de la Lega et du M5S. Au final, un accord a pu être trouvé, avec M. Savona qui hérite du ministère des affaires européennes, alors que l’économie va au technocrate Giovanni Tria.

à l’heure où j’écris ces lignes, le gouvernement mené par le Premier Ministre Giuseppe Conte (mais dont les deux hommes forts sont sans aucun doute di Maio et Salvini) se présente devant le sénat pour obtenir son vote de confiance.

Il s’agit d’une alliance politique inédite dans l’histoire de la République italienne, qui suscite probablement autant d’espoirs que de craintes au sein de la population.

Il serait faux de penser – comme on le lit ou entend trop souvent et de manière plus ou moins implicite dans les médias francophones – que les 15 millions d’électrices et d’électeurs qui ont voté pour la Lega et le M5S sont des populistes, complotistes ou racistes primaires. Il s’agit avant tout de personnes qui n’ont plus confiance dans les partis qui ont gouverné la pays ces 20 dernières années, et qui veulent du changement.

Les annonces tonitruantes faites par Salvini et di Maio, comme leurs premiers actes en tant que respectivement ministres de l’intérieur et du travail,  semblent leur donner raison, dans le meilleur comme dans le pire.

On a ainsi vu di Maio aller rencontrer les représentants d’une association de livreurs à vélo, travailleurs précaires s’il en est, et s’engager à mieux réglementer le secteur afin d’éviter les abus. Salvini a quant à lui sans surprises poursuivi avec sa rhétorique anti-migrants, promettant des coupes drastiques dans les budgets dédiés aux centres d’accueil.

Le principal enjeu pour ce gouvernement sera de faire tenir ensemble deux partis qui ont des histoires et des programmes fondamentalement différents, des ADN politiques dont l’incompatibilité risque tôt ou tard de prendre le dessus…

Les mois à venir nous diront si ce gouvernement aura été celui du changement, comme le répètent ses partisans, ou un énième échec dans un pays bien compliqué à gouverner.

 

 

 

Alberto Mocchi

Alberto Mocchi est député vert au Grand Conseil vaudois et Syndic de la commune de Daillens, dans le Gros de Vaud. À travers son blog, il souhaite participer au débat sur les inévitables évolutions de notre société à l'heure de l'urgence écologique.

4 réponses à “Ma che succede ?

  1. « Les marchés apprendront aux électeurs italiens de ne pas voter pour les partis populistes ». Cette phrase abjecte prononcée par Gunther Oettinger concentre en elle-même tous les problèmes de l’Europe et du monde ! L’économie doit être au service de l’homme, non le contraire …

  2. Je vous avais bien dit qu’ils finiraient par s’entendre. L’attrait d’un maroquin est irrésistible. On dit que des deux formations politiques ont des programmes confus et contradictoires. Je pense que ce n’est pas vrai. Ils sont tous d’accord sur l’essentiel qui est le refus total de l’immigration. Ils ont été élus pour ça. Tout le reste est secondaire.

    1. Effectivement, vous aviez raison 🙂

      Je pensais honnêtement qu’il y aurait un lever de boucliers beaucoup plus important de la base du Mouvement 5 étoiles, qui est plutôt à gauche et “altermondialiste”.
      Faire cohabiter la petite bourgeoisie conservatrice lombarde ou vénitienne, qui constitue le socle électoral principal de la Lega, avec les geeks et autres militants alternatifs du M5S relève de l’exploit, mais ça semble marcher pour l’heure, sans doute aussi parce que ces deux partis ont vu leur base électorale s’élargir très fortement lors des dernières élections, et qu’il est ainsi difficile pour les militants de s’opposer à une stratégie qui semble marcher.

  3. Je vois juste dans Wikipédia que M5S signifie représente les enjeux liés à l’eau, à l’environnement, aux transports, au développement et à l’énergie. Cela me donne l’impression qu’ils s’intéressent aux vrais problèmes. Nous avons besoin d’eau pour boire et irriguer nos cultures, d’air pur et de sol non pollué. Nous avons aussi un besoin de mettre en place les énergies renouvelables et de reformer les transports aussi, rapidement, en espérant limiter des catastrophes qui pourraient détruire notre civilisation.

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