Marie Dentière et Pierre Viret. To be or not to be sur le mur des Réformateurs

Pierre Viret, Lausanne; CC BY-SA 1.0; auteur: Arnaud Gaillard

Pierre Viret (1509-1571), cela vous dit peut-être quelque chose : en montant les escaliers du marché de la Cathédrale de Lausanne, on aperçoit son bas-relief. Seul Réformateur né sur sol romand, il devrait être à l’honneur en cette année du 500ème anniversaire de la Réforme, mais tel un chaînon manquant toujours négligé, il peine à faire sa place.

Et pourtant, il remplissait les églises et on l’a surnommé le «sourire de la Réforme» ; on craignait la «foudre de Farel» et appréciait le «miel de Viret». Il affronta beaucoup de résistances, fut persécuté, poignardé et même empoisonné, sans perdre son côté amène. Mais il reste négligé dans notre mémoire de la Réforme en Romandie.

Si la Ville de Lausanne a récemment nettoyé la moitié du mur qui porte son nom, le Canton a reporté de poutzer sa demi, comme le signale avec humour un article du 8 décembre 2016 dans 24Heures. Quand il s’agit d’honorer d’une affiche les hommes de la Réforme pour une série de conférences à Rumine, on ira jusqu’à y faire figurer Luther en playmobile, mais pas de trace de Pierre Viret. Enfin et surtout, Genève n’a jamais gravé son nom sur le mur des Réformateurs, alors qu’une femme, Marie Dentière, y a pris place en 2002.

Marie Dentière (1495-1561), belge d’origine et active à Aigle puis à Genève au temps de la Réforme, émerge de manière de plus en plus assurée dans notre mémoire collective. Tout est à faire pour donner sa place à cette femme dont les écrits méritent de sortir de l’ombre. Vous n’avez qu’à vous rendre sur mariedentiere.ch pour la découvrir davantage.

Mur des Réformateurs, Genève, parc des Bastions. CC BY-SA 4.0; auteur: MHM55

Prieure catholique du couvent des Augustines à Tournai, en Flandres, elle sera acquise dès 1520 aux idées de la Réforme. Elle épouse d’abord Simon Robert, ancien prêtre devenu pasteur, puis en secondes noces Antoine Froment, bras droit de Farel. Grâce à Marguerite de Navarre, elle pourra mener une activité théologique importante et défendre la prédication des femmes. Calvin ne l’appréciait guère, évidemment. Elle se bat tant contre les inégalités sociales que de genre en écrivant en 1539 son Epitre tres Utile : «Jésus a-t-il dit : Allez, prêchez la bonne nouvelle aux sages et aux docteurs? N’a-t-il pas dit ‘à tous’? Avons-nous deux évangiles, l’un pour les hommes et l’autre pour les femmes? Un pour l’élite, l’autre pour la multitude?».

La voilà donc depuis 15 ans gravée sur le fameux mur du parc des Bastions. Reste à nos amis du bout du lac d’y ajouter encore un jour le nom du vaudois Pierre Viret!

NB: Des soirées de contes dans les caveaux vignerons dans la région de Morges rendent hommage ce printemps et cet automne à ces deux personnages, ainsi qu’à quatre autres Réformateurs. On boira à leur santé les bouteilles de la Cuvée de la Réforme, confectionnées à partir de raisins offerts par les vignerons de la région Morges-Aubonne.

Claire Clivaz

Claire Clivaz est théologienne, Head of DH+ à l'Institut Suisse de Bioinformatique (Lausanne), où elle mène ses recherches à la croisée du Nouveau Testament et des Humanités Digitales.

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