Refus de l’avenir

Vu de la Silicon Valley, le référendum annoncé par les milieux économiques et l'UDC contre la Stratégie énergétique 2050 votée par les Chambres fin  septembre a quelque chose de très exotique. Non seulement en raison de la distance – près de 10'000 kilomètres, 9 fuseaux horaires – mais surtout de l'appréhension qu'elle exprime. Comment peut-on s'abstraire à ce point du futur?

Les référendaires dénoncent "un grand paquet de redistribution de subventions qui coûtera cher aux PME et aux ménages et qui nécessitera l’importation de courant étranger produit à l’aide de charbon ou de nucléaire français", selon le président de l'UDC Albert Rösti. C'est peut-être vrai. Mais au moins ce grand paquet a-t-il le mérite de donner une direction claire au marché en faveur des énergies renouvelables. Une direction qui, de toute façon, va être prise par l'économie, en dépit des Neinsager.

Cette direction, deux poids lourds de l'industrie automobile l'ont confirmée, pour leur secteur, lors d'une conférence pour spécialistes de la branche tenue à huis-clos cette semaine à l'Automotive Innovation Facility de l'Université de Stanford, le coeur académique de la Silicon Valley. En l'occurrence, l'industrie qu'ils ont dirigée est en train de vivre une révolution fondamentale. Au terme de celle-ci, les voitures seront non seulement intelligentes. Mais aussi, et c'est encore plus important, ouvertes à toutes les sources d'énergie: électricité, piles à combustible, etc. "Elles seront beaucoup plus légères aussi", a précisé l'un de ces deux dirigeants.

Exit donc les gros monstres qui encombrent nos routes, et dont les Etats-Unis se sont – dommage pour eux – faits les champions. Exit aussi, par conséqunt, toutes ces infrastructures grosses consommatrices irraisonnées d'énergie, et qui survivent grâce aux bas prix des énergies fossiles (sans assumer le prix environnemental). Et ce n'est qu'un exemple de la mutation fondamentale de notre infrastructure industrielle et des transports qui s'est engagée.

Les référendaires, par leur combat, ne font que retarder l'inéluctable. Et empêchent la Suisse, et son économie, de l'aborder de façon organisée et rationnelle.

Yves Genier

Journaliste économique depuis le milieu des années 1990, historien de formation, je suis particulièrement intéressé aux questions bancaires, financières, fiscales et, naturellement, macroéconomiques et leurs conséquences politiques et sociales.