Le shipping international: l’Enfer sur Mer? Les marins des marines marchandes: «galériens» modernes?

Covid19: ni débarqués, ni embauchés, par centaines de milliers! (oui vous avez bien lu).

1,6 million de personnes invisibles transportent les 85 % des marchandises mondiales par voie maritime. La Suisse par exemple a une flotte marchande chapeautée par la Confédération. Et la 2e compagnie de porte-conteneurs mondiale (derrière Maersk) la MSC, est suisse: avec 560 navires et plus de 70’000 employés, elle contribue pour 12,5 % au transport mondial de marchandises sur toutes les mers du globe. Nous en bénéficions chaque jour.

Pourtant le sort des marins marchands est largement méconnu du grand public. Or il s’est récemment vu très péjoré par les effets de la pandémie Covid19. Les marins sont non seulement souvent victimes de pirates et de naufrages (environ 600 morts/an), mais actuellement ils paient un lourd tribut supplémentaire à cause de cette pandémie.

Sans parler de ceux surexploités par des armateurs douteux et sans scrupules qui échappent aux contrôles.

Pas de relève

L’Organisation Maritime Mondiale (OMI, 174 pays membres) estime qu’il y a 200’000 marins bloqués sur leurs navires très largement au-delà de leurs mois successifs de travail, et 200 ‘000 autres qui ne peuvent embarquer, et donc ne peuvent assurer la relève des équipages.

Lors d’un récent sommet mondial, 13 pays ont tiré la sonnette d’alarme pour tenter de venir en aide à ces centaines de milliers de travailleurs inconnus, dont nous dépendons tous, et qui vivent une véritable tragédie silencieuse.

Des « travailleurs essentiels »

Des organisations tentent de faire reconnaître officiellement leur statut de travailleurs essentiels, au même titre que les personnels de santé, afin d’aménager les règlements sanitaires et de permettre aux marins embarqués de ne pas être piégés indéfiniment à bord des navires, mais d’être relevés et rapatriés. Ils souffrent de cet “enfermement” qui se prolonge en effet au point que leur santé mentale et physique est menacée, et que des cas de suicides par désespoir sont à craindre.

De plus, après plus de 12 mois(!!) sur un navire, sans espoir de débarquement ou de rapatriement, les risques d’accidents en mer et également de pollutions massives selon le type de transporteur augmente fortement: les hommes sont épuisés physiquement et psychologiquement. Leur vigilance est, par la force des choses, moins grande.

Actes de piratage: les prises d’otages plus graves et plus nombreuses

Dans son article du 23 juillet sur la hausse record des actes de piraterie au premier semestre 2020, Franck André, journaliste, explique: «le nombre d’enlèvements contre rançon est en augmentation de 46 % en ce début d’année, avec 54 membres d’équipages kidnappés de janvier à juin, ce qui constitue un record pour ce siècle.»

Il ajoute: “Le golfe de Guinée est de plus en plus dangereux pour la navigation commerciale”, estime le BMI. C’est le cas pour les équipages alors que plus de 90 % de ces rapts ont eu lieu en Afrique de l’Ouest, soit 49 personnes retenues captives à terre depuis plus de six semaines pour certaines. De très nombreuses régions du monde sont maintenant concernées, et les modes opératoires sont de plus en plus violents sur les marins kidnappés.

(in https://www.lantenne.com/search/piraterie+en+hausse/)

Des héros oubliés

Pensons-y, sans les marins, ces héros inconnus et oubliés, pas de commerce mondial, pas d’approvisionnement, pas de nourriture: les marchandises sont aussi bien des céréales que des médicaments, des produits industriels que des carburants.

Le 1er mai 2020, à l’appel de la Chambre internationale de la Marine marchande, tous les bateaux ont été appelés à faire sonner leur sirène à midi, pour rappeler leur rôle vital et méconnu. Qui les a véritablement entendus ?

Un métier extrêmement dur

Sur le site de recrutement Jobintree (https://www.jobintree.com/metier/marin-commerce-612.html), le descriptif du métier est clair:

Il faut être «disponible jour et nuit», supporter de «dures conditions de travail» par tous les temps, être «au top de sa forme», avoir «un mental à toute épreuve», et vivre sans intimité puisque aujourd’hui encore il y a peu de cabines individuelles.

Le salaire de base est le smic (pour la France du moins) voire inférieur selon les armateurs et les pays. Le travail est pénible, il faut être polyvalent, sur le pont et dans les salles des machines, au milieu d’un bruit continu et assourdissant, au chaud et au froid.

Et cela, c’est pour les pays qui ont un certain niveau de contrôle sur leurs armateurs, comme la Suisse.

Pour les autres, cela peut générer un cauchemar …

Les pavillons de complaisance et les abus associés

Pour les autres donc, qui voguent sous des pavillons de complaisance pour échapper aux contrôles et aux taxes, et qui utilisent des navires non entretenus, et des équipages non qualifiés, les abus sur les marins sont tels qu’ils s’apparentent à de l’esclavage moderne: marins non payés, abandonnés à leur sort indéfiniment, parfois crevant de faim à bord et malades, sans contact avec leurs familles, dont personne ne veut, et totalement désespérés … Ce n’est que tout récemment qu’il y a eu un progrès à cet égard :

Des siècles d’exploitation

Imaginez-vous que ce n’est qu’en 2013 (!) que l’ONU (OIT) a ratifié la convention collective MLC2006 qui prévoit l’obligation pour l’armateur d’assurer son équipage afin de pouvoir le payer, le nourrir et le rapatrier, en cas d’abandon du navire.

Auparavant, il n’y était pas obligé …comme le stipulait le règlement de 1866:

« L’armateur qui fait abandon du navire et du fret, n’est pas tenu de comprendre dans le fret abandonné les droits de passage payés pour le rapatriement de marins embarqués en pays étranger par l’autorité consulaire».

C’est ce qui fait s’exclamer dans le titre de son article en 2019 le chargé de mission Arnaud de Boissieu (Mission de la mer à Casablanca): «Il est fini le temps des marins abandonnés !» C’est en effet une victoire historique. Ses récits d’aide aux équipages affamés en 2016 et 2018 sont encore très révélateurs … et font froid dans le dos. (http://www.l-encre-de-mer.fr/2019-01-03-il-est-fini-le-temps-des-marins-abandonnes/)

Un monde opaque et très complexe

On pourrait écrire bien davantage sur cet univers extrêmement opaque pour les non-initiés. Il est compliqué de comprendre qui oeuvre, comment, sous quelles réglementations, qui possède les flottes et ce que cela implique.

Leur rendre hommage et nous informer

J’ai en quelques mots ici voulu tenter de rendre hommages à tous ces travailleurs essentiels qui méritent mieux que l’indifférence ignorante. En ces temps difficiles pour tout le monde, ils souffrent extrêmement.

Nous leur devons respect et reconnaissance. Et nous devrions tous davantage nous intéresser à eux, qui font marcher l’économie mondiale et nous permettent d’avoir accès aux biens dont nous bénéficions chaque jour.

Gardons les Pieds sur Terre, veinards que nous sommes! le fret maritime est aussi notre affaire …

Pour en savoir plus :

https://www.dfae.admin.ch/smno/fr/home/handelsschiffe.html

https://www.franceculture.fr/economie/marins-toujours-essentiels-et-toujours-aussi-invisibles

https://www.itfglobal.org/fr/sector/seafarers/pavillons-de-complaisance

https://www.mediapart.fr/journal/international/190420/la-marine-marchande-frappee-par-la-crise-sanitaire?onglet=full

Ma très “chère” Suisse,

Que t’arrive-t-il? Ta beauté te serait-elle montée à la tête? Je m’inquiète pour toi et pour ton avenir touristique. Comme je t’aime, je te dois quelques vérités, sans hypocrisie ni lâcheté. Pleine d’enthousiasme, et ainsi que me l’a instamment demandé Suisse Tourisme, j’ai voulu soutenir tes efforts pour sortir du marasme post Covid19. Je suis donc partie en bonne compagnie admirer tes villes, tes campagnes, tes lacs sublimes et tes monts majestueux.

Je me réjouissais vraiment beaucoup de (re)voir toutes tes beautés, et de les faire découvrir à des amis. Pour les paysages nous n’avons pas du tout été déçus, tu mérites largement l’admiration, tu restes splendide. Tu ne tombes pas du piédestal sur lequel les plus grands écrivains-voyageurs tels Victor Hugo, Stendhal, Lord Byron, George Sand et tant d’autres t’ont placée à juste titre.

Nous applaudissons, émerveillés, à ton spectacle paysager, il est grandiose. Merci d’avoir su si bien le préserver.

Pas des pigeons, même voyageurs

Pourquoi suis-je donc indignée ? Vois plutôt et juge par toi-même: que penses-tu d’une «Auberge de jeunesse» qui propose une nuit pour 2 personnes sans petit déjeuner, douche et wc partagés à l’étage, pour …132.-frs? As-tu jamais été jeune, sans salaire et étudiante? As-tu oublié qu’en Suisse, il y a beaucoup de familles modestes, voire très modestes?

Comme Marie-Antoinette *, tu pourrais leur lancer une petite alternative méprisante, du genre, « lits trop chers? qu’ils couchent sous la tente !» mais ce serait méconnaître le coût de la nuitée des campings et ils n’auraient pas encore tenté d’aller manger au restaurant… Marie-Antoinette suggérerait probablement: « qu’ils pique-niquent ! » . Et c’est bien ce qu’ils font… Les familles suisses sont les reines du sac à dos remplis de victuailles et on les comprend, vu le prix et parfois, hélas, la qualité décevante des plats.

Car les restaurants aussi sont trop souvent chers (difficile de manger pour moins de 25.- frs , même sans entrée ni dessert ni boisson) pour ce qu’ils offrent, voire carrément mesquins: on ne « fait pas le verre d’eau (sic) », et encore moins la carafe, que d’ailleurs on facture de plus en plus (5.- frs !), ce qui, si tu as voyagé un peu dans le monde et même juste à côté de chez nous, offense les plus élémentaires lois de l’hospitalité, même dans les pays les plus pauvres et les plus arides.

On sert un apéro sans le plus petit bretzel salé, on apporte du pain «  à la retirette » et souvent déjà à moitié sec, j’ai même découvert qu’on fait payer un surplus pour une pizza partagée (c’est arrivé à un couple de mes amis) sous prétexte qu’ils ont « mangé les deux » (et donc osé salir deux assiettes et 4 couverts ? et je ne te parle même pas de l’usure des chaises !!).

Etoiles …filantes

Quant aux hôtels, ils affichent fièrement leurs étoiles, qui laissent rêveurs: je viens d’en faire l’expérience. Après avoir longuement cherché un lieu pour dormir une nuit à moins de 250.- frs(!), j’ai finalement trouvé un hôtel pour 190.- frs la nuit pour 2. Sur le moment, c’est fou, par comparaison ça m’avait même semblé pas trop cher… (je précise que je ne suis pas passée par des plateformes de réservation qui augmentent les prix en prenant leur commission, c’est donc le prix réel). Il affichait 3 étoiles, on se réjouissait.

Un scandale pour un tel prix

Mais alors, sur place, une fois la porte franchie, laquelle arbore fièrement les logos Typically Swiss Hotel et Hôtel de charme suisse, nous avons été projetés dans la série Derrick (années 80 …).

Où ont filé les fameuses 3 étoiles? Dans un trou noir probablement… Le “typiquement suisse de charme” devient une vraie caricature:

Depuis 45 ans au moins, les propriétaires (une famille, 3 générations) n’avaient RIEN changé de la « décoration» :  vieille moquette rosâtre à motifs, rideaux verdâtres d’origine, lampes appliques bon marché en verre moulé avec excroissances indéfinissables, meubles  très médiocres et dévernis, tachés de multiples ronds de verres humides, salle de bains tapissée d’un linoléum vertical imitant les carrelages, d’un beige-brun à motifs, et très consternante: tout, absolument tout était usé et vétuste. Moche et déprimant.

Ajoutez à cela les serviettes de bains usées et trop petites, et l’unique petite bouteille d’eau si généreusement offerte pour 2 personnes, avec un mot assorti de deux cœurs « Herzlich Wilkommen » ! on a ri pour ne pas pleurer …

Et cerise sur le vieux pain sec, deux lits jumeaux, qui semblaient tout droit sortis d’un couvent reculé ou d’une ancienne colonie de vacances, et dont le matelas était hélas à «mémoire de forme», celle des milliers de voyageurs précédents…Ultra glamour …

190.- frs pour ça!! En tout cas, ce ne sont pas les investissement successifs en rénovation qui avaient ruinés les propriétaires…

Voilà ce qui se passe trop fréquemment: comme il n’y a rien d’autre d’abordable, on y dort quand même, et on jure qu’on n’y reviendra pas! Sur le plan du marketing, reconnais que tu pourrais mieux faire …

La honte …

Je dois te dire, ma chère, si chère Suisse, que cela m’a fâchée. Pas seulement pour le mépris du client, non, pire: parce que j’ai eu honte de toi.

Je voulais t’exhiber fièrement aux yeux de personnes à qui j’avais tant vanté tes merveilles, et toi, tu ne te montres pas à la hauteur. Ton accueil est-il une légende ? Tu surfes sur tes Ecoles hôtelières prestigieuses, et dont les membres font profiter le monde entier de leurs talents reconnus et quelques-uns de tes palaces probablement.

Mais pour nous simples visiteurs, autochtones ou étrangers, que comptes-tu faire pour te mettre à jour ? Ne viens plus pleurer pour me dire que les salaires sont plus élevés et que tout est plus cher en Suisse pour tes prestataires, moi je te parle du rapport qualité–prix, du sourire, du petit rien qui fait plaisir, de la générosité du cœur, de la qualité du service (qui implique de recevoir la carte dans un délai raisonnable, et de ne pas devoir réclamer 3 fois son addition, ou qu’on déplace un parasol sans faire la tête). C’est ça l’esprit commerçant, le bon accueil, la vraie qualité!

On le sait, en comparaison du reste de l’Europe, les prix de l’hébergement et de la restauration sont d’au moins 20% plus chers en Suisse. **

On pourrait l’admettre si la qualité du service était à la hauteur des prix. Or comme je viens de te le dire, on en est loin.

Réveille-toi et secoue-toi avant qu’il ne soit trop tard… !

Tout ça commence à se savoir au-delà de tes frontières et ça afflige tes plus grands fans, les Suisses eux-mêmes. Les statistiques de tes nuitées baissent. Tu avais en cette période de post pandémie une occasion en or de séduire! Mais tu as préféré tenter le coup du bon vieux statu quo… Quel dommage!

Demande-toi, dans le fond de ton cœur si tu n’as pas une grosse part de responsabilité dans le fait que Les Helvètes filent toujours ailleurs pour leur vacances, en Italie, en France, en Espagne, ou plus loin. Ils sont si gentils qu’ils ne râlent jamais,  ils courbent le dos quand ils se font avoir, mais ne te méprends pas, leur silence n’est pas un indice de leur satisfaction.

C’est un silence suisse, celui de la discrétion et du pas de côté.

Et rappelle-toi qu’on peut tromper peu de gens longtemps, beaucoup de gens peu de temps, mais pas tout le monde tout le temps… Je t’ai épargné les dizaines d’anecdotes que j’ai recueillies ou vécues, et qui ternissent ta réputation. Tu as tant à offrir, ne te sabote pas ainsi.

Garde les Pieds sur Terre, (re)deviens vraiment hospitalière et accueillante, même pour les plus petits et les plus modestes. On n’est pas tous de passage, on aimerait revenir, ne nous en décourage pas. On sera même heureux d’ouvrir nos porte-monnaie.

Je t’embrasse comme je t’aime, c’est-à-dire de tout mon cœur.

 

* La Reine Marie-Antoinette qui s’étonnait des cris du peuple affamé réclamant du pain aux grilles de Versailles, aurait dit : « Ils n’ont plus de pain? Qu’ils mangent de la brioche ! » montrant ainsi sans le savoir à quel point elle était ignorait tout de la vraie vie des gens. Et comme on le sait, elle finit décapitée…

**cf. article du Temps du 10 juillet:   https://www.letemps.ch/economie/tourisme-suisse-affronte-propre-cherte

 

 

Communications politiques: le grand écart révélateur

Entre pédagogie et démagogie, information et propagande: comment communiquer efficacement pour être compris, se maintenir au pouvoir et se protéger des réactions de l’après-crise?

Parce qu’elle touche tout le monde, et le monde entier, la crise sanitaire fait apparaître en simultané les diversités de discours des politiques des pouvoirs en place. En effet, si les difficultés sont communes, et le thème identique, en revanche les contextes et les objectifs diffèrent fortement.

Prises de parole et colorations politiques: les différences de styles

La problématique est semblable, sa gestion, on le sait, ne l’est pas. Il est frappant de constater que le discours de gouvernance sur ce thème est un exercice totalement inédit pour les politiciens. Ils n’y étaient (hélas …) pas du tout préparés.

Etre investi(e)s de la responsabilité de la destinée et de la survie, au sens littéral du terme, de leur population dans sa totalité est un défi qu’ils ou elles peinent à relever. On le constate chaque jour et partout.

A ce titre, quelques-unes des prises de parole publiques, telles que rediffusées aux informations par exemple, sont intéressantes à comparer et donnent un ou deux points de départ pour des observations, et peut-être pour de futures réflexions plus largement documentées.

Ménager la chèvre et le chou, en temps réel et sans visibilité: comment parler aux foules ?

Lorsqu’on regarde les infos télévisuelles, la tendance générale dans les démocraties (ex: Suisse, France, Italie, etc.) est au mélange entre l’explicatif et le déclaratif, mais avec de sérieux dérapages vers l’exclamatif chez les gouvernants des démocraties ultra-libérales (ex :Etats-Unis, Brésil).

Dans les régimes à caractère soit autoritaire soit totalitaire (du type Corée du Nord, Philippines,Turkménistan, Biélorussie, Erythrée, etc.), pour ce que l’on peut en savoir du moins, on naviguerait entre l’omission, le silence, le mensonge et les ordres.

La longueur des phrases comme indicateur?

A première vue, plus la démocratie est active et plus le discours tend à être long et cherche à développer les explications. Avec le risque éventuel (et que les enseignants connaissent bien) que, parfois, trop d’informations tue l’information.

En effet les phrases et les explications trop longues peuvent égarer l’auditeur et le décourager. L’impact du message est alors dilué, voire perdu. Fusent alors, les « c’est à n’y rien comprendre ! » ou les «  je ne sais plus quoi penser ! » ou les «  bon, mais alors on est censés faire quoi au juste ? ».

Certes, faire la synthèse des informations devient difficile pour les destinataires, mais au moins on a fait appel à leur compréhension et à leur intelligence ! Et ils restent libres d’en débattre et de poser des questions.

Les gouvernants font le difficile exercice de la pédagogie. Ils cherchent à être entendus et compris.

Actuellement ils doivent encore y ajouter les éléments, heureusement inhabituels dans nos démocraties, de décrets et de sanctions associés à l’état d’urgence sanitaire. Tout cela rallonge d’autant les discours et complique l’exercice.

Slogans démagogiques

Ailleurs, comme aux Etats-Unis ou au Brésil, c’est beaucoup plus bref: on profère des slogans, dénués de tout contenu utilisable et destinés avant tout à dissimuler la réalité des faits. On laisse notamment aux populations la prétendue « liberté » de faire de mauvais choix en toute ignorance puis d’en assumer seules les conséquences …

Donald Trump ne fait pas à proprement parler de discours de gouvernance, il se contente de lâcher des petites phrases, certes pendant deux heures, mais décousues et dont la particularité est d’être hyper subjectives : « je pense que …, je vois .., cela me paraît…, j’ai entendu dire que …, je crois que…, . Et truffées de « peut-être », ou de « vous pourriez …, il faudrait … » et de toutes sortes de verbes au conditionnel. L’approximation et la généralité sont de mise.

A cet égard le tristement célèbre point presse du 23 avril est un modèle du genre :

“Et puis je vois le désinfectant qui neutralise le virus en une minute… Est-ce qu’on pourrait faire quelque chose comme ça ? Avec une injection dans le corps, presque comme un nettoyage… Car vous voyez, le virus fait des dommages dans les poumons chez un grand nombre de personnes, ce serait intéressant d’examiner ça.”

“Il faudrait voir avec des docteurs en médecine si c’est possible, mais ça me semble être une piste intéressante. Donc nous allons voir, mais tout le concept de la lumière et de la disparition du virus en une minute, c’est assez puissant.”

« Peut-être que vous le pouvez, peut-être que vous ne le pouvez pas (…) Je ne suis pas médecin. »

(traduction et transcription, Xavier Demagny France inter, 24 avril 2020, https://www.franceinter.fr/monde/du-desinfectant-et-des-uv-pour-traiter-le-covid-la-declaration-irresponsable-de-donald-trump)

Trump pratique le sensationalisme des suppositions vagues, assorties d’adjectifs suggestifs « intéressant, puissant » comme pour vendre un produit. Il est clairement dans une démarche d’auto–publicité électoraliste.

Et, forcément, il y ajoute un slogan : après le Make America Great Again , voici le nouveau:  America Strong !

On est bien plus dans la démagogie que dans la pédagogie.

Ordres menaçants

Pour finir, dans les dictatures, la tendance est au minimalisme: on ne dit presque rien, hormis des ordres, des interdits et des menaces. Il n’est pas prévu d’expliquer. Le citoyen doit croire et obéir sans broncher, on est dans la propagande. On pratique les injonctions impératives et les slogans fortement incarnés par le chef politique.

Le mirage séduisant du “simplisme”

Ne nous y trompons pas, de manière générale, il peut parfois être tentant de céder aux communications simplifiées et péremptoires qui ne demandent aucun effort de réflexion. Il est si facile de régresser vers une attitude infantile, et d’obtempérer sans se poser de questions. En effet, cela peut donner la fausse impression que ceux qui dirigent sont en maîtrise totale de la situation. Cela paraît rassurant.

Les slogans dans ces cas-là sont malheureusement séduisants et percutants mais très souvent inversement proportionnels aux intérêts collectifs.

C’est donc une illusion de s’y fier ou de s’en contenter quand il s’agit du destin des citoyens. Comme tous les mirages, ils s’évanouissent quand on s’en approche….

Informations, explications, rectifications, questions: c’est bon pour nous!

La réalité est toujours complexe, dans tous les cas, tout le temps et pour tout le monde. Elle ne peut être réduite à une ou deux phrases. Elle est mouvante, imprévisible, difficile à décrire ou à expliquer. Cela demande sans cesse de savoir s’adapter, de questionner, et, plus difficile encore, d’accepter de se tromper et de corriger la compréhension.

Alors bien sûr, parfois on est un peu paumés, ce n’est pas toujours clair, ça nous irrite, et les interventions politiques de nos démocraties nous paraissent souvent bien longues ou confuses …

Mais c’est quand même le moyen le plus acceptable de communiquer pour rechercher ensemble le bien commun.

En conclusion, pour garder l’équilibre et Les pieds sur Terre la pédagogie démocratique, même imparfaite, est sans conteste plus enviable que la démagogie simpliste ou que la propagande.

 

 

 

Télétravail ou canapé: comment éviter les « sitting diseases »? Homo plus assez Erectus …

Ces dernières semaines nous ont tenus enfermés plus que nous n’aimerions, et nous avons usé nos chaises de télétravail (souvent inadaptées) et nos canapés, et, par la force des choses, limité nos multiples petits mouvements quotidiens.

 Le confinement nous a encore davantage cloués sur nos sièges; finis les trajets à pied jusqu’à la gare, les montées dans le train, les parcours de couloir vers la cafétéria. Et ça ne nous fait pas de bien: on a les jambes lourdes, la nuque raide, des maux de tête, et on engraisse … Beaucoup d’entre nous se trouvent anormalement fatigués, même celles et ceux qui ne font pas de télétravail.

Dès 2010 déjà, divers chercheurs alertaient le monde du travail sur les « sitting diseases », méfaits de la sédentarité, maladie de nos civilisations due à nos interminables heures de chaises quotidiennes.

Parmi les premiers, le Dr James Levine * avait étudié les maladies diverses provoquées ou aggravées par la position assise de longue durée: obésité, maladies cardio-vasculaires, accidents vasculaires cérébraux (ACV), diabète, et tous les soucis du squelette sont concernés.

Comment réagir ?

Des bienfaits largement sous-estimés : les petits mouvements

Il a été démontré que c’est l’ensemble de tous nos petits efforts et mouvements, ainsi que l’alternance entre position assise (si possible brève) et position debout, associée à des mouvements de jambes adaptés qui nous maintiennent en forme dans la durée. Toutes les positions statiques sont malsaines pour nos cellules, y compris celles du cerveau!

 Bon pied, bon œil: un peu de « plomberie » humaine

Le sport est un plaisir utile, certes, mais il ne peut satisfaire seul les besoins d‘oxygène permanent des cellules. Comme on le sait, notre cœur est placé dans la partie haute de notre corps, et la gravité terrestre attire notre sang veineux vers nos pieds. C’est à nous, par nos mouvements, de le recycler sans cesse.

Pour qu’il soit réoxygéné par le cœur et la respiration pulmonaire, nous devons faire fonctionner, en bons plantigrades verticalisés que nous sommes, la pompe mécanique qui se trouve dans nos pieds et nos mollets pour le faire remonter. Jusque-là, ça paraît évident.

Mais ce n’est pas si évident en fait ! oui, il y a un gros « Mais » ici :

Marcher correctement est inné, mais se perd facilement

Comme le dit joliment la Dr Anne Taquet **, angiologue française qui milite pour la marche en propulsion depuis des années, « c’est à nous de remplir notre cœur ».

Pour elle, « l’Homme actuel s’est trop éloigné des lois physiques de la nature et du vivant qui le constituent ».

« C’est le flux sanguin qui sculpte les vaisseaux et les remodèle en permanence, pas l’inverse ». Si nous ne faisons pas le nécessaire, notre cœur se fatigue. Et nos cellules manquent d’oxygène. « Or notre marche et notre respiration sont des automatismes inconscients, que l’on n’utilise pas toujours à bon escient » dit-elle.

Pour Léonard de Vinci, l’anatomie et la mécanique du pied tient du chef d’œuvre,  c’est un petit bijou d’ingénierie. Pour Hipocrate, la marche est régénérative.

Cette bipédie performante caractérise l’espèce humaine. Nous l’avons exercée seuls, sans apprentissage, lors de nos premiers pas. Pourtant il arrive trop souvent que l’on en perde le bon mode d’emploi en cours de vie. Il deviendrait alors nécessaire de nous la ré-enseigner.

Le ré-expliquer aux jeunes et aux adultes permettrait de faire un grand pas (si j’ose dire!) vers la prévention des maladies chroniques. En d’autres termes, c’est aussi un vrai sujet de santé publique.

C’est le pied!

Et en ces temps de sédentarité forcée, pour aller de l’avant (encore une métaphore encourageante) nous pourrions donc, avec peu de moyens mais avec les techniques adéquates, entretenir et reconquérir notre « bonne marche » et nous mettre sur ON plutôt que sur OFF. Et mieux poser nos pieds sur Terre !

*James Levine https://www.nytimes.com/2011/04/17/magazine/mag-17sitting-t.html

** Dr Anne Taquet https://vimeo.com/17150057

Interviewée dans plusieurs magazines:

  1. in Marianne avril mai 2012 ,Ma chaise m’a tué, article de Clotilde Cadu. https://www.marianne.net/societe/ma-chaise-ma-tue
  2. in Rebelle -Santé N°217, Les pas qui nourrissent le coeur, article de Christophe Guyon.https://www.rebelle-sante.com/les-pas-qui-nourrissent-le-coeur
  3.  in Le Monde, Sens et Santé N°7, avril 2018 La meilleure façon de marcher, article de Sylvaine Frézel Article_Sens_&_Santé_A4.pdf

 

 

 

Imaginations vagabondes et échappées belles

Xavier de Maistre, alors jeune officier, rédigea Voyage autour de ma chambre en 1794 lors d’un confinement de 42 jours dans sa chambre de la citadelle de Turin, puni et assigné à résidence pour s’être battu en duel.

Ce fut un bestseller. (Publié à Lausanne à l’initiative de son frère).

Il avait voulu se distraire -et distraire les autres – en laissant libre cours à son imagination:

« Toutes les fois qu’une pensée agréable, gaie et même un peu folle se présente, je lui ouvre à deux battants toutes les portes de mon imagination, (…), je me jette à corps perdu dans ses bras et je m’en trouve bien. N’est-ce pas elle en effet, qui fait disparaître le temps et la distance, qui réalise le passé et l’avenir pour cacher le présent, ce présent qui nous obsède sans cesse comme un mauvais coucheur ? »*

 Nous aussi, à l’étroit dans nos chambres et dans nos inquiétudes, nous rêvons… pour ne pas cauchemarder. Nous rêvons éveillés, nous redonnons de la place à nos imaginations, nous rappelons nos souvenirs à notre mémoire, nous contemplons chaque fois que nous le pouvons ce qui pourrait nous réconforter. Le chant des merles à lui seul, si printanier, déroule dans nos oreilles ses mélodies inventives et joyeuses. Il contient des visions de jours meilleurs.

Arts et cultures à la rescousse

Depuis le début du confinement qui, selon les pays et les situations peut être plus ou moins difficile ou tragiquement cruel, nous cherchons à repousser les murs, à élargir nos perspectives, et à nous projeter dans le temps et dans l’espace.

Tout ce qui nous vient en aide est bienvenu. Et pour celles et ceux qui ont l’immense chance d’y avoir accès, les arts et les cultures sont là pour nous rassurer et pour nous émerveiller.

Arts et cultures au pluriel, loin des classements et sans frontières, passés et présents, toutes les oeuvres humaines parlent à notre imaginaire et ainsi, accroissent nos univers intérieurs.

Nous devenons créateurs à notre tour, nous partageons nos visions et nos joyeux délires car, selon Nancy Huston, nous appartenons à L’espèce fabulatrice **.

 La création partout, l’humour toujours

Je suis émerveillée ces jours par l’inventivité, la drôlerie, la beauté de toutes les créations qui circulent sur les réseaux sociaux, créations éphémères parfois et si généreusement offertes et partagées.

L’humour est délicieusement subversif, il nous fait reprendre pied, il crée des communautés de rigolade, il se déploie à tout instant, et tel Figaro dans Le Barbier de Séville  se « presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer ».

Ainsi, comme me l’a écrit une amie sous une photo de la Victoire de Samothrace, « la culture ne baisse pas les bras ! »

On se demande avec admiration où les gens vont chercher tout ça, et on reçoit leurs créations avec reconnaissance.

On partage des lectures, des comédiens lisent des textes sur Instagram, des peintres organisent des concours, Le Théâtre de la Ville à Paris offre des « consultations poétiques, les orchestres, quoique disloqués par la distance, nous jouent des airs, ou nous redonnent leurs spectacles.

On admire des machines infernales construites avec des bouts de ficelle, qui ne servent à rien et qui sont de la poésie mécanique en chambre, on relit des récits d’aventures,on récrit des chansons.

Echappons-nous!

Partons au théâtre pour Berlin voir les pièces de la Schaubühne (sous-titrées en français), à l’Opéra de Paris voir des ballets, visitons Versailles, suivons des humoristes, des DJ, bref, échappons-nous!

La bonne nouvelle, c’est que, heureusement, notre imagination est sans limites! Il suffit de la nourrir un peu …

Parfois, avoir la tête dans les nuages, ça permet de garder les Pieds sur Terre , non?

 

https://www.theatredelaville-paris.com/fr

https://pad.philharmoniedeparis.fr/?_ga=2.166323254.928046181.1586696699-97878625.1586696699

https://www.schaubuehne.de/en/seiten/online-spielplan.html ,

https://www.operadeparis.fr/actualites/spectacles-de-lopera-de-paris-a-redecouvrir-en-ligne ,

http://www.chateauversailles.fr/

 

*Saint Pétersbourg, 25 décembre 1840, correspondance

** L’espèce fabulatrice, Nancy Huston, éd. Actes Sud, 2008

Pratiquez-vous la zététique?

En cette période si troublée hélas, où toutes sortes de théories fumeuses et douteuses surgissent à chaque minute sur la Toile, et comme nous sommes confinés, nous pourrions en profiter pour nous intéresser de plus près à la pensée critique.

J’en veux pour illustration cette vidéo récente au sujet du Covid19, vue par des millions d’internautes plus ou moins crédules, et qui prétendait, avec force mystères et sensationnalisme, dans le ton comme dans la forme, nous ouvrir les yeux sur « l’origine du virus Covid19 » et sur le « complot » dont nous serions soi-disant les victimes ignorantes.

Elle a pris une telle ampleur, que l’Institut Pasteur et les media français ont dû la démentir très officiellement et avec la plus grande fermeté.

C’est ici qu’intervient la zététique :

 Définition rapide

La zététique, ça ne date pas d’hier, le mot vient du grec zetetikos et signifie qui aime chercher, qui recherche, qui examine. Après les Grecs anciens, on le voit réapparaître dès le 16e siècle puis à plusieurs moments de l’Histoire.

Parfois définie comme l’art du doute, la zététique préconise le recours à la raison. Elle questionne notamment les théories de pseudosciences, des phénomènes paranormaux, ou des thérapies étranges , et par conséquent tout ce qui est susceptible de générer les fake news, les rumeurs et les propagandes…

Appelée aussi pensée critique, elle les soumet à la méthode scientifique d’analyse afin d’en vérifier les fondements et la fiabilité.

Pour le biologiste Jean Rostand, c’est «l’hygiène préventive du jugement ».

En quoi est-elle nécessaire ?

La zététique consiste à analyser systématiquement et méthodiquement (*), les thèses qui surgissent et ne semblent pouvoir se rattacher à aucune théorie ou faits communément acceptés.

Elle se méfie de tout ce qui est de l’ordre des arguments prétendument «irréfutables» c’est-à-dire qu’on ne peut pas soumettre à la vérification par l’expérimentation, ni à la démonstration par des faits attestés et vérifiables .

Elle montre ce qui est contestable puisque annoncé comme « vrai  et irréfutable» et s’avère en fait incomplètement expliqué ou décrit.

La méthode critique de la zététique traque tout ce qui se pare d’un pseudo discours scientifique généralisant et qui dissimule plus ou moins bien, sous ce vernis, des croyances et des opinions, relayées sans preuves de leur exactitude. Ce qui, rappelons-le, est l’art des charlatans de tout poil.

« De grands experts ont dit » (lesquels?)

Ou : «  cela a été prouvé mais les auteurs veulent garder l’anonymat » (pourquoi ? normalement les chercheurs sérieux signent leurs recherches et les assument).

Ou : « ce serait trop long à expliquer mais c’est certain »(ah ? nous devrions donc gober ça sans plus d’explications ?) sont autant d’exemples de ce qui devrait toujours nous alerter.

La pratique de la zététique met en garde contre les idées reçues, les préjugés et tout ce qui est à caractère dogmatique, sectaire ou qui exerce des mécanismes d’influence à partir de théories invérifiables, orientées ou partielles .

Ajoutons que nous aurions trop souvent tendance à céder aux effets du « secret dévoilé », de l’exagération ou du sensationnalisme. Ceci nous amène à évoquer l’Effet Barnum :

L’effet Barnum

P.T.Barnum était un entrepreneur de spectacles et propriétaire d’un cirque américain (le fameux Cirque Barnum) connu pour ses publicités tapageuses et son sens de la formule exagérée. Génie de la publicité, il passe pour un mystificateur, un manipulateur, sorte de roi du bluff et de l’imposture commercialisée.

Il avait compris que plus c’est énorme et improbable et plus les gens vont tomber dans le panneau avec crédulité.

En psychologie sociale, il a été démontré que nous accréditons volontiers comme vraies les affirmations suffisamment fortes, vagues et généralisantes. Ainsi, ce qui nous donne raison et va dans notre sens, selon nos biais de confirmation (**), ce qui nous inclut dans un cercle qui « saurait mieux que les autres et avant les autres », bref, ce qui nous flatte ou nous impressionne nous rend plus crédules.

La tentation …

Le danger c’est qu’il est très tentant de se laisser embarquer trop vite, sans réfléchir et sans exercer notre esprit critique. C’est plus facile et tellement plus immédiat! ça ne demande aucun effort ni aucun travail…

Mais cela peut nous rendre « complices ». Car la plupart du temps, nous aurons envie de partager ces nouvelles sans les vérifier. Nous devenons parfois ainsi des relais moutonniers, qui donnent sans réfléchir de la visibilité à des imposteurs de toutes sortes.

La pensée critique permet de l’éviter.

Pour conclure, et si vous voulez en savoir un peu plus sur ce sujet, voici un lien qui pourrait vous amuser et vous intéresser :

https://www.youtube.com/user/fauxsceptique  : Les deux vitesses de la pensée

Et un ou deux articles  qui en montrent l’importance:

https://www.lemonde.fr/campus/article/2015/02/11/l-universite-de-grenoble-rehabilite-l-art-du-doute_4574498_4401467.html

https://www.lesinrocks.com/2018/01/14/actualite/actualite/qui-sont-les-zeteticiens-ces-chasseurs-de-fake-news-sur-youtube/

Faisons un peu de zététique!

Oui, c’est bon pour les neurones et ça en vaut la peine: ça permet de garder les Pieds sur Terre et la tête sur les épaules !

Notes:

* par exemple par recoupements et fusion d’informations émanant de sources diversifiées et vérifiées, par calcul, par expériences ou examen des faits.

** « Le biais de confirmation est la tendance, très commune, à ne rechercher et prendre en considération que les informations qui confirment les croyances et à ignorer ou sous-estimer l’importance de celles qui les contredisent. » (www.psychomedia.qc.ca)

 

L’optimisme, notre planche de salut

Le 5 février, dans l’émission Quotidien, l’actrice Marion Cotillard et le Directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard étaient invités par Yann Barthès.

Il y était question de leurs actions en faveur de la lutte pour le climat. En effet Marion Cotillard milite depuis plusieurs années déjà aux côtés de l’ONG. Au cours de l’entretien, Yann Barthès lui demande si elle est optimiste pour les effets de leurs luttes.

Marion Cotillard, manifestement étonnée par cette question, se tourne vers J.-F.Julliard, puis répond par l’affirmative en développant un peu sa réponse.

Je crois avoir compris la raison de sa surprise, ayant, pour ma part, enseigné à des générations d’élèves des problématiques environnementales et de développement durable, ce qui est une forme quotidienne de militantisme de proximité. Pour elle, comme pour moi ou d’autres, la question en effet ne se pose même pas, voici pourquoi :

Sans optimisme, pas de lutte possible

L’optimisme est en effet une condition absolument nécessaire à toute action en vue d’un changement positif.

Ce n’est pas une naïveté ridicule mais un bras de levier. Sans optimisme, pas de motivation, pas d’engagement pour une lutte constructive, pas d’espoir. Si on n’était pas optimistes, on ne ferait rien pour changer les choses, ni pour éduquer, ni pour enseigner, ni pour améliorer quoi que ce soit.

Le refus du fatalisme

Ce serait prendre la posture du défaitiste, qui s’avoue vaincu avant même d’avoir rien entrepris. Cet «à quoi bon ?!» découragé mène non seulement au pessimisme (cette inertie auto justifiée) mais, pire encore, au fatalisme.

Or l’issue « fatale » est toujours tragique: c’est le désespoir et la mort. Le fatalisme est une sorte de lâcheté, d’abandon, de refus de participer à toute tentative.

Demander à Marion Cotillard et J.-F.Julliard s’ils sont optimistes, c’est comme leur demander (ainsi qu’on l’entend si souvent hélas…): « mais vous êtes sûrs que ça sert à quelque chose ce que vous faites ?». On comprend leur étonnement (quoique discret et bien élevé) à l’énoncé de la question. Yann Barthès, qui connaît son métier, l’a  probablement posée pour les pousser à réagir…

Alors non, on n’est pas sûrs que tout va aboutir, mais au moins, on essaie !!

En revanche, on est absolument certains que si on baisse les bras, on a une part de responsabilité dans un désastre annoncé depuis longtemps et déjà en cours, par manque de réactivité collective.

Le « devoir » d’être optimistes

De même que nous avons un devoir d’assistance à personne en danger, il me semble que nous avons un évident devoir d’êtres plus que jamais « optimistes » pour pouvoir agir vraiment.

Nous ne sommes pas de doux rêveurs, des idéalistes déjà dépassés, nous voulons, tout comme Marion Cotillard  “être confiants en l’espèce humaine” et ne pas laisser à ses pires représentants le champ libre pour exercer leurs méfaits, leur cupidité et leur cynisme.

C’est affirmer la volonté d’avoir la perspective d’un avenir possible à court, moyen, long et même très long terme, pour le vivant sous toutes ses formes. C’est aussi s’accorder les moyens nécessaires pour agir ensemble.

Enfin, c’est bâtir le présent et soutenir l’avenir au lieu de ressasser la nostalgie d’un passé souvent idéalisé, ou de reproduire encore et encore les mêmes erreurs dont on connaît déjà les conséquences néfastes.

Etre optimistes, c’est aussi lutter contre le catastrophisme ambiant qui démobilise et justifie les « après nous le déluge » et leurs abus, sans jamais offrir de solutions positives.

Alors c’est certain, ça exige de chacun(e) un effort constant, un encouragement permanent, ça demande de la persévérance, de la ténacité et de l’endurance. Bref, c’est pas facile et c’est fatigant, mais c’est exaltant aussi: tout progrès est gratifiant.

Pour bien garder Les pieds sur Terre, posons les diagnostics puis cherchons des solutions et des avancées, réjouissons-nous de toutes les réalisations déjà effectuées, des recherches dans tous les domaines, des initiatives prometteuses, de toutes les victoires et des projets en cours. Soyons donc résolument optimistes!

Bref donnons-nous au plus vite des raisons d’espérer! c’est bon pour notre moral et c’est bon pour la planète!

Et vous, entre le radeau de la Méduse et la planche de salut, sur quoi voulez-vous voguer ?

 

 

Black Friday, un jour bien sombre…

Consternante nouvelle habitude, importée directement des USA, le Black Friday est une grand’messe consumériste qui va à l’encontre de tous les objectifs poursuivis par celles et ceux qui militent pour un développement durable.

Les origines de son nom sont l’objet de diverses versions: pour les uns cela ferait référence au fameux vendredi noir du Krach boursier de 1929 qui avait fait vertigineusement chuter les valeurs boursières et donc ruinés certains au profit de ceux qui avaient su et pu profiter des biens bradés dans l’urgence.

Pour d’autres cela daterait des années 60 où ces pré-soldes avaient attiré tant de monde que le trafic avait été qualifié de «journée noire», ou encore où les rues étaient «noires de monde».

Et pour d’autres cela serait une référence aux chiffres noirs des comptables, toujours heureux d’échapper aux désastreux chiffres rouges des déficits. Bref, cela reste assez approximatif mais on saisit bien l’idée générale.

Tout et n’importe quoi

La plus grande anarchie règne dans ses pratiques: certaines enseignes font des pré-soldes et annoncent des baisses de 10 à 70% sur des articles qui étaient déjà présents dans les rayons, d’autres commandent des produits  spécifiquement destinés à cette super-vente et qui sont présentés comme des affaires à saisir de toute urgence. D’autres jouent sur le «deux pour trois» ou encore sur le rabais progressif de plus en plus attrayant selon le nombre d’articles achetés.

Mais bien sûr le résultat est toujours le même: faire acheter et consommer encore et encore, écouler les productions pour mieux les augmenter sans cesse, justifier les chiffres de la sacro-sainte croissance d’un modèle économique en roue libre.

L’urgence anesthésie la raison

Les mails qui tombent en rafale dans nos boîtes de réception, commencent  tous par des textes alarmistes  «Attention plus que 24 heures pour profiter de … !» ou «N’attendez plus, bientôt il sera trop tard … » ou encore «J moins 1 !!  ne manquez pas …».

Une des clés de ce modèle aberrant c’est bien sûr de créer un permanent sentiment d’urgence: il faut que les consommateurs-trices cessent de réfléchir posément, il faut les maintenir en état d’alerte et de compétition, qu’ils aient peur d’avoir manqué quelque chose.

«Courez! Précipitez-vous AUJOURD’HUI, achetez vite, payez vite, et lassez-vous au plus vite. C’est bon pour la croissance mondiale, c’est bon pour vous.»

Argument qui n’a pas de sens puisque nous retrouverons à peu de chose près les mêmes offres dans quelques semaines, sous l’appellation soldes, ou ventes privées.

Jour de régression: la résistance s’organise

Oui, le Black Friday, c’est bien une journée noire, c’est l’apogée symbolique d’une fébrilité de masse. Le tout  “légitimé” par une  pseudo tradition de bons procédés commerciaux. « Pas de cerveaux, un porte-monnaie ou une carte  de crédit suffiront! Nous aimons tant vous faire plaisir! ».

Heureusement, la résistance s’organise, sous forme d’humour et de slogans dénonciateurs, et surtout de boycott par tous celles et ceux qui en ont assez de cet impérialisme, dont on sait pertinemment déjà combien il est dévastateur, partout et dans tous les domaines: humain, environnemental, social, économique et politique.

On n’a jamais autant produit de textiles, et surtout on n’en a jamais autant incinérés …Chez les grands distributeurs par correspondance qui dominent le marché, on n’a même plus le temps de vérifier les colis de retour: on les détruit.. cela coûte moins cher.

Comment rester indifférents devant un tel gâchis, devant ce cynisme sans limites?

Notre responsabilité

Cette journée -en passe de devenir une semaine d’ailleurs- devrait nous inciter à nous définir dans nos pratiques, à y réfléchir, à en débattre.

Au fond c’est un jour très politique pour tous les citoyen-nes: quels consomm –acteurs sommes-nous? Quels consomm-acteursvoulons-nous être?

Nous avons intérêt à y penser aujourd’hui car je vous le rappelle, c’est bientôt Noël … !

Les calendriers de l‘Avent sont là déjà, rivalisant d’inventivité pour écouler des marchandises dont nous n’avons pas besoin: certains farcis de bières ( heureusement que Noël tombe au 24 décembre, ça en fera déjà 7 en moins…) d’autres de produits de beauté (qui a besoin de 24 produits de beauté ??),  ou de liqueurs. Ils font fureur paraît-il …

Ah non, vous voyez, le cirque ne va pas s’arrêter de sitôt …Et je ne vous parle même pas des soldes de janvier! On en a déjà la nausée…

Je garde les pieds sur Terre: tout le monde le sait, le premier remède pour éviter l’indigestion, c’est de consommer moins! N’attendons pas le 1er janvier pour prendre nos nouvelles bonnes résolutions.

Smartphones dernière génération: nos photos «transnormées» ?

Parmi les dernières innovations sur le marché des smartphones, on peut s’intéresser à l’appareil de photo embarqué. Ce sujet m’interpelle en effet: les caméras de nos téléphones, devenues incroyablement performantes, ont peut-être atteint leur limite en matière de miniaturisation. Pourtant la qualité de nos photos semble ne cesser de s’affiner.

Contrastes, luminosité, colorimétrie et netteté (HDR) étaient déjà automatiquement optimisés par ce que l’on appelle communément le Machine Learning et l’apprentissage par les algorithmes. Jusqu’ici rien de nouveau.

Les innovations

On en est maintenant au stade suivant, celui du Deep Learning (ou apprentissage approfondi) qui permet des hiérarchisations dans cet apprentissage, et s’apparente à l’activité neuronale humaine.

C’est le domaine de l’intelligence artificielle et de ce que l’on appelle la photo computationelle (photo numérique de pointe) qui reconnaît le type d’images prises, c’est l’image processing.

La réalité codifiée: le problème des normes

Ainsi, non seulement nos photos prises depuis nos téléphones continuent-elles d’être  automatiquement modifiées pour une meilleure précision, ce qui est très  appréciable j’en conviens, mais elles seront – dans les derniers modèles- modifiées sur le plan esthétique, et c’est là que cela devient moins plaisant à mes yeux, si c’est automatique.

Par exemple, si le paysage que vous prenez en photo est « atypique » parce que ce jour-là il faisait un peu gris, le processeur se charge de la modifier et la transforme en ce que le Deep Learning aura déterminé comme « idéal » (ciel bleu azur, mer turquoise, etc.) selon un standard de généralisation déterminé par les avis ou les sélections du plus grand nombre des utilisateurs pour ce type de sujet.

Nos photos transnormées ?

Vous obtiendrez la « Photo Parfaite » de plage, ou de montagne, ou bientôt le portrait « amélioré » de votre grand-mère qui ressemblera à une vraie pub pour les grands-mères. Mais sera-t-elle VOTRE grand-mère, ce fameux après-midi –là, avec ses rides du sourire et ses cernes assorties à l’ombre mauve de son pommier sur la terrasse… ?

J’avoue, ça me perturbe et j’en suis arrivée à créer ce néologisme, photos transnormées pour: transformées selon des normes.

Car ces normes sont en quelque sorte le lieu le plus commun, le mainstream (ou courant général) le plus consensuel qui soit en matière de représentation de la réalité visuelle.

Le syndrome « Cartes postales »

Je n’ai aucune envie que mes photos aient toutes ce côté léché , kitsch –parce que redondant- du «beau» des cartes postales. Je les veux aussi proches que possible de ce que j’ai essayé de rendre par ma photo de la plage un peu triste , un peu grise sous le ciel brumeux et si évocatrice pour moi, peut-être ratée pour les autres.

Je ne souhaite pas vivre dans un catalogue de vacances, où l’on va me montrer sans cesse des clichés d’une réalité aseptisée et formatée. Ou en d’autres termes, je ne veux pas être leurrée en permanence.

Une question se pose: à terme, n’allons-nous pas  être en quelque sorte conditionnés à ne plus accepter autre chose de la réalité elle-même que ces «clichés» ?

Ne serons-nous pas déçus si ce que nous voyons « en vrai » ne correspond  pas à cette représentation factice?

La réalité est mutiple, variable, inattendue, perturbante parfois, voire alarmante, ou à l’inverse rassurante, bref, elle ne cesse de nous surprendre. En modifier drastiquement la restitution en fonction de standards, c’est la réduire et l’appauvrir.

Pour la liberté de perception!

On peut donc espérer que ces réglages ne nous seront pas imposés systématiquement et automatiquement et que nous pourrons choisir ou non cette option dans nos smartphones, au gré de notre fantaisie.

Car il y a aussi de la beauté dans ce qui est laid, flou, inattendu, différent, imparfait. Et je réclame le droit imprescriptible à décider moi-même ce que je veux restituer esthétiquement par mes photos.

L’imperfection est souvent bien plus parlante que la perfection, plus évocatrice, plus proche de nos sens. Elle raconte plus d’histoires …

Je garde les pieds sur Terre: les appareils de photos à réglage manuel et les réflex ont encore de beaux jours devant eux pour les passionnés. Bref, gardons l’œil ouvert!

 

 

 

Street art: de la rue au salon, une dérive?

Cet été à Genève a eu lieu un Summer Street Art festival, qui exposait 4 artistes: Banksy, Pimax, M.CHAT et Być dans un lieu de type industriel. Cela a remporté un franc succès, et parfois suscité le commentaire suivant : «oui super, mais alors si c’est des tableaux ou des objets présentés et vendus dans une galerie, c’est plus vraiment du street art !»

Peut-on définir le street art simplement?

Cela fait apparaître combien il est difficile – et comme on va le voir, contre nature- de vouloir réduire le street art à une seule définition.

Pour beaucoup de gens, c’est avant tout le lieu où il s’exprime – à savoir la ville, ses bâtiments, ses rues et ses infrastructures- qui le définirait, ce qui, bien souvent, est synonyme d’acte illégal et donc de danger couru volontairement par l’artiste lors de son exécution.

Ce serait ainsi avant tout un acte de rébellion, une sorte de hooliganisme revendicatoire. Cela implique aussi l’aspect furtif, nocturne, risqué (ceux qui se sont fait surprendre et arrêter pour dégradation de biens publics ou privés en ont fait la pénible expérience pénale et financière).

Et, par la force des choses, cela explique l’anonymat soigneusement préservé derrière un pseudo ou des initiales, un logo ou un personnage récurrent qui identifie, quoique sans le nommer, le street artist (tel le fameux chat souriant de M.CHAT).

Cet aspect de la prise de risque prend parfois plus de place que ce qui est graffé chez certains performers, pour qui l’objectif consiste alors avant tout à  laisser leur « marque » sans se faire « choper » et à couvrir une surface interdite, inaccessible et improbable en un temps record. Comme une sorte de sport extrême. Le faire, pour eux, c’est aussi un message.

Il y a également ceux qui ne prendront pas ces risques et qui assument leur travail solitaire en atelier traditionnel.

Pour les uns c’est le style, souvent à la bombe spray, qui primerait. Pour d’autres, c’est le graffiti de textes, le lettrage ; pour d’autres encore l’affichage, le pochoir ou le graff à main levée.

Pour certains est primordiale la qualité du dessin et le message qu’il véhicule, mais aussi la poésie ou l’humour décalé ; bref vous l’avez compris: il y a en fait autant de définitions qu’il y a d’acteurs et de spectateurs. Ce qui fait du monde…et autant d’avis.

Pas « d’école », la liberté totale

Le seul vrai dénominateur commun, comme me le disait Być, c’est qu’il n’y a pas de diplôme ni d’école du street art.Chacun peut en faire, comme il veut, où il veut, quand il le veut et sur les supports qu’il veut. Cela existe depuis la nuit des temps (on connaît les graffiti romains de Pompéï et ce ne sont pas les plus anciens témoignages que l’on ait de ce type de démarche.) C’est avant tout un art de la liberté totale pour celui qui le pratique.

Toute technique est acceptée, n’importe quel support est possible, tout format (les street invaders sont petits mais certaines fresques d’autres artistes sont immenses). On est libre aussi de le faire comme un pur hobby ou comme un métier artistique.

Le street art « récupéré » ?

Alors, bien sûr, aussitôt que certains émergent et que leurs oeuvres prennent une valeur chiffrée, qu’ils les vendent dans des galeries, ou qu’ils peuvent en vivre, cela génère le doute sur la question « est-ce encore du street art » ? La réponse est oui !

Dans un autre domaine, quand Jean de Brunhoff a écrit Babar pour ses enfants, il ne savait pas que cela deviendrait un best seller et qu’il toucherait des droits d’auteur. Mais cela reste et restera toujours ce que c’est: une merveilleuse série d’histoires pour les enfants avec des illustrations.

A Denver le RiNo Art district est un exemple parmi beaucoup d’autres qui montre que le street art peut être un moteur incroyable pour d’autres projets, qu’il peut générer des synergies positives et inattendues et que le fait qu’il rapporte de l’argent n’est pas un signe de sa corruption.

Il est “récupéré”? Tant mieux ! Vous l’invitez dans votre salon ? Pourquoi pas ? Il permet à des artistes d’en vivre et de dire ce qu’ils ont à dire ? Good!

C’est le signe que justement c’est bien du street art, il est à tout le monde, pour tout le monde, gratuit ou pas, dehors ou dedans, anonyme ou non, public ou privé, drôle, tragique ou poétique.

Donc non, (et c’est tant mieux) nous ne pourrons pas l’enfermer dans une définition, ou une catégorie, ni l’empêcher d’évoluer sans cesse. Il est multiforme par nature, c’est  justement ce qui en fait l’originalité. Il ouvre en grand le champ des possibles et n’est pas toujours là où l’on croit.

Pour le suivre, restons souples, laissons-le nous surprendre, même où on ne l’attendait pas… même au salon!  Et n’en doutons pas: il a sa place dans l’art contemporain.