Le recyclage du PET: l’exemple typique de la mauvaise “bonne idée”

Récupérer des bouteilles PET pour payer son ticket de métro: c’est ce que la Colombie annonce avoir mis en place. Clap, clap! tout le monde applaudit parce que chez nous aussi, on trie et on récupère. Mais est-ce une bonne idée? L’enfer étant très souvent pavé de bonnes intentions, cette nouvelle mérite réflexion.

Après Istanbul, Pékin, Rome, au tour de Medellin en Colombie de mettre en place ce système de récolte des bouteilles en plastique. Pour motiver les consommateurs de boissons en bouteille, de grands automates sont mis à disposition dans les stations de métro, où l’on jette les bouteilles. Celles-ci sont payées quelques pesos, utilisables pour acheter un ticket de métro. Il en faut tout de même 45 pour un seul ticket. Le but semble être de vouloir améliorer la récupération des bouteilles en PET. Et seulement en PET.

Les raisons de cette récupération semblent évidentes. D’abord, moins de bouteilles qui traînent, c’est toujours ça de moins qui attérit dans les cours d’eau, puis dans la mer ou l’océan.

Crédit photo: Surfrider Foundation Europe

En soi, c’est une sacré bonne idée, non ? Et puis, récupéré et bien trié, le PET permet de fabriquer de nouveaux produits: nouvelles bouteilles, emballages ou textiles. Alors là, c’est le Graal! Fabriquer des produits à partir de PET recyclé, c’est gagner un accès immédiat au panthéon des entreprises responsables, vertes, etc. C’est s’assurer de nouveau clients fidèles, c’est tuer dans l’oeuf toute critique. La maille polaire de votre veste d’hiver est peut-être issue de PET recyclé ou rPET.

Ok, alors il est où le problème ?

Recycler le PET, c’est plein de problèmes

D’abord, on oublie un peu rapidement que le PET est issu d’une ressource non renouvelable: le pétrole. Voici ce que dit STRID (Gestion des déchets pour le Nord Vaudois) de l’utilisation du PET:

“Bien que la production de 1 kg de PET ne nécessite que 1,9 kg de pétrole brut et que la fabrication des plastiques d’emballage n’absorbe que 1,5 % de la consommation totale du pétrole, ceux-ci représentent près de 40% du total de la consommation des plastiques en Europe. Or, nos réserves de pétrole ont mis des millions d’années à se former et nous les exploitons démesurément depuis un siècle, comme source d’énergie et pour la production d’un nombre incroyable de dérivés. Il est donc urgent d’en limiter la consommation.”

Ensuite, le plastique sous forme de polyéthylène téréphtalate ne se réutilise pas à l’infini. A chaque cycle de transformation mécanique – le procédé le plus utilisé pour recycler le PET – la fibre perd de sa résistance. Du coup, il est impératif de la mélanger à de la fibre vierge.

“La plupart des gens pensent que les plastiques peuvent être recyclés à l’infini, mais chaque fois que le plastique est chauffé, il se dégrade. Ainsi, l’itération ultérieure du polymère est dégradée et le plastique est utilisé pour fabriquer des produits de qualité inférieure.” Dixit Patty Grossman, cofondatrice de Two Sisters Ecotextiles, dans un article de Fashion United.

C’est ce qu’on appelle du downcycling. C’est exactement l’inverse que ce que clame petrecycling.ch pour vanter le recyclage du PET en Suisse (et donc sa production).

Et vu qu’on trie et qu’on amène ses bouteille au recyclage, on pense sans doute qu’on peut continuer comme ça, sans rien changer à ses habitudes. On a l’esprit et la conscience tranquilles… Quelle illusion!

Enfin, le textile en polyestère ou en PET, comme tout textile, perd des particules dans la machine à laver. Par contre, ces particules-là ne sont pas biodégradables, on s’en doute. A chaque lavage, notre belle veste d’hiver en maille polaire pollue en relâchant des microparticules de plastique dans les eaux usées, qui ne seront pas retenues dans les stations d’épuration. Et qui finiront donc dans nos assiettes en bout de chaîne alimentaire.

Voilà donc l’exemple type de la mauvaise bonne idée. Comme le canada dry, le recyclage du PET a l’apparence et le goût de la vertu, mais il n’en est rien en réalité.

PETFREE-bruary: dès aujourd’hui, dire non au PET!

Moi aussi, j’ai envie de lancer un défi à mes congénères. On a eu droit au Dry January, au février sans supermarché. Je propose février sans PET ou PETFREE-bruary… et puis toute l’année aussi!

Des options existent pour ne plus consommer de bouteilles à usage unique (en PET ou en verre), toute simples: la bouteille en verre réutilisable, avec consigne. C’est ce qui existait il y a quelques dizaines d’années en arrière. Et qui semble revenir un peu sur le devant de la scène. Certes, la bouteille en verre ne s’emmène pas avec soi dans son sac à main ou son attaché-case. Mais réutilisée 50 fois, elle affiche un bilan écologique positif.

Une solution encore meilleure: la gourde à emmener avec soi partout. On y met ce qu’on veut.

Autre solution: et si, quand vous avez envie de boire une boisson particulière, vous retrouviez le plaisir de boire un verre avec un ami au bistrot? Oui, c’est plus cher. Mais c’est nettement plus convivial! Et cela fait vivre des gens.

Et toute dernière solution: il y a de nombreuses fontaines à eau dans l’espace public! S’y désaltérer régulièrement, c’est gratuit et cela n’encombre pas les poches. Pour les trouver, j’ai une app maps.me, qui me les indique. C’est bien pratique!

A chaque fois qu’on vous présente une super bonne idée en matière de recyclage, méfiez-vous! Examiner la question sous tous ses angles permet de distinguer la vraie bonne idée de la mauvaise.

 

Valérie Sandoz

Valérie est engagée sur la réduction des déchets à titre privé depuis des années. Elle est l'auteur de plusieurs guides, donne des conférences, des cours et anime des ateliers. Géographe et ethnologue de formation, elle interroge notre façon de consommer et partage ses découvertes. Adepte du «fait maison» (conserves alimentaires, lacto-fermentation, cosmétiques, produits de nettoyage, etc.), Valérie anime un blog personnel consacré à la cuisine sans gluten, à la réduction des déchets et du gaspillage et à un mode de vie simple et joyeux.

18 réponses à “Le recyclage du PET: l’exemple typique de la mauvaise “bonne idée”

  1. Votre recette simple, retour à la consigne en verre, est bien, quoique, il n’y a déjà plus assez de sable pour faire du béton.
    Du bois de construction non plus d’ailleurs, qui part en fumée autant sous les tropiques, que dans les pellets suisses.

    Personnellement, je suggérerais simplement de boire de l’eau potable pendant qu’il y en a encore, ne serait-ce que pour que les multinationales du biberon ne s’accaparent pas toutes les eaux du globe.

    Si on a vraiment soif, un petit ruz ou un robinet, c’est divin!
    🙂

    1. Tout-à-fait d’accord! C’est aussi ce que je préconise avec l’eau publique! Pour le ru, il faudra bien le choisir car si des animaux sont élevés dans son bassin versant, il y a des risques…

  2. Si le verre a des qualités, il a aussi des défauts: le plus important face au PET est son poids qui implique une consommation plus importante de carburant pour le transport.

    De plus, le recyclage du verre implique de faire fondre le verre à 1500°C, ce qui implique plus d’énergie que la “fusion” du PET à 250°C.

    Même la réutilisation du verre sans passer par la fusion implique un lavage et une stérilisation qui consomme de l’eau et de l’énergie.

    Bref, la vision noir-blanc proposée dans ce billet manque singulièrement de données pour être validée telle quelle. Dommage.

    1. Dommage que vous n’ayez pas lu attentivement. Le verre a usage unique, c’est moins bon que le PET. Cela a été calculé. Tout comme le moment où le verre consigné devient intéressant. Devinez qui a procédé à ce calcul? Coca-Cola, dans les années 70!
      Mais comme notre système économique permet aux industriels de ne pas prendre en charge tous les coûts de leurs activités et de s’en décharger sur la collectivité, Coca a opté pour le PET. Oui, cela lui coûte moins, mais les vrais coûts, c’est pour nos impôts (tri, décharge, incinération…!) ou l’environnement.
      Cherchez un peu, vous les trouverez vos données. Le reportage de cash investigation sur France2 sur le plastique est un bon début…

  3. Mise au point bienvenue et suggestions appropriées. Méfions nous, car l’eau dite potable, en plus des pollutions d’origines diverses et variées (émission matinale de la RTS du 4 février), risquerait de ne plus être un bien universelle de l’humanité selon une déclaration de M. Brabeck (ex pdg de Nestlé) rapportée il y a 2 jours dans la presse écrite (Tribune de Genève). Les comportements sournoisement induits par notre chère société de consommation, basée sur l’idée de une croissance infinie dans un monde par définition fini, vont devoir être ajustés.

  4. Tiens, je n’avais pas réalisé les coup des particules dans le lave-linge. C’est bête, mais…. bah oui, c’est tout à fait vrai en fait!
    M’enfin, ce n’est pas l’industrie des boissons en bouteille qui va se faire du bénéfice chez moi : pas d’eau en bouteille, pas de soft-drinks, on a l’eau du robinet (après un filtre au niveau de l’entrée d’eau, à changer une fois par année, recyclable), et les spiritueux sont dans du verre de toutes façons (idem pour le p’tit rouge ou blanc de temps en temps).
    Si on arrêtait de vouloir payer des sommes astronomiques pour l’eau en bouteille, alors que celle du robinet reste parfaitement consommable, ça aiderait déjà pas mal. Quant aux soft-drinks (coca, pepsi, sprite et autres), les arrêter ferait aussi du bien à la santé, en plus d’éviter la prolifération des bouteilles.

  5. Merci pour cette article qui éclaire bien sur des bonnes consciences comme nous avons en Suisse : on est les champions du monde du recyclage alors tout va bien. J’ai démarré il y a 6 mois une activité qui propose des emballages en verre réutilisables et consignés pour faire la promotion des produits locaux (Réseau Consignes). J’entends toujours les contre-arguments qu’il est plus avantageux de recycler le verre que de le nettoyer, mais ce que peu de gens savent c’est que le verre blanc (transparent) que j’utilise n’est pas retransformé en Suisse mais à l’étranger. Le bilan écologique dans ce cas est nettement moins intéressant. Sans compter que la réutilisation d’emballage permet de favoriser l’économie locale entre producteur-distributeur-nettoyeur. Et puis une bouteilles de jus de pomme ou de lait en verre c’est quand même plus joli que du plastique, PET ou autre.

    1. Cher Hervé, bravo pour votre initiative! J’applaudis! Et je vous fais de la pub: https://reseauconsignes.ch/
      Pour ma part, j’aime bien aller à la Laiterie de Payerne prendre mon lait dans un pot traditionnel. Du lait cru, pas écrémé, qui fait de délicieux yaourts maison, je vous dis pas !
      Malheureusement, pour leurs yaourts aromatisés, ils ont abandonné les pots en verre réutilisables (et donc la machine qui les lave) pour des pots en plastique à usage unique.
      Quand je vois le succès que rencontre l’épicerie Au Bocal du coin à Romont avec ses yaourts consignés, je me dis aussi que la demande est bien là!
      Pour la bière, toujours locale, la marque Boxer à Yverdon-les-Bains vend des caisses avec des bouteilles consignées à étrier. Pas besoin de la finir, on peut la reboucher. C’est top! Et elles sont super bonnes.
      Pour le vin, ma foi, je n’ai rien trouvé de local. Tout est à usage unique, c’est bien dommage.

  6. Merci pour ce billet. Une autre application qui répertorie depuis 10 ans les points d’eau potable dans le monde : WeTap.
    Belle journée sans plastique ;-).

  7. Est-ce vraiment une fausse bonne idée ou est-ce une bonne idée tant qu’il y aura production de bouteilles PET? On voit bien que le ramassage et la collecte des détritus jonchant le sol est mieux que de les laisser par terre. Au genre humain ensuite d’arrêter d’acheter sa bouteille de coca (en faisant pourquoi pas pression sur les industries) et de la remplacer par de l’eau du robinet.

    1. Merci Marc de poser cette question. C’est toute la difficulté de la thématique. Les bouteilles PET existent et les consommateurs-trices les achètent. On nous répète tout le temps que l’industrie et les producteurs ne font que “répondre aux besoins des consommateurs”. En faisant croire qu’ils ne font que suivre les attentes. Non, c’est un leurre, ils sont à l’origine des problèmes, en mettant sans arrêt des nouveautés sur le marché. Libre à nous d’acheter ou pas, c’est notre grande force. En refusant d’acheter des bouteilles en PET, les distributeurs et les commerçants vont forcément devoir s’adapter. Certains ont déjà compris et proposent leurs produits en bouteilles ou contenants consignés. Sur ce point, on se rejoint.
      Il est évident que le manque de civilité est un problème public et qu’il faut mieux s’occuper de récolter les déchets avant qu’ils jonchent le sol et polluent l’environnement. Mais penser que c’est la seule facette du problème, c’est voir un peu court. C’est exactement ce que tente de nous faire croire l’industrie de l’emballage, via son bras armé IGSU, qui met sur pied des campagnes de ramassage civil de type “Clean Day”. Pendant que la population qui y participe bénévolement en ayant le sentiment d’oeuvrer en faveur de l’environnement (ce qui est vrai), la conscience satisfaite, de son côté, l’industrie continue de produire ses emballages plastiques à bas prix et en inonde le monde. Sans être inquiétée le moins du monde sur le devenir de ce qu’elle produit. Elle peut même dire: “mais regardez, nous sommes responsables, nous sommes engagés dans la protection de l’environnement!”. Là est le véritable problème. On nous prend pour des poires.
      Il s’agit maintenant de rendre responsable les producteurs de ce qu’ils produisent jusqu’au bout, y compris la reprise et la réutilisation des emballages. Il s’agit d’interdire tout emballage à usage unique (avec des exceptions du côté médical, bien sûr): des barquettes pour la viande et le poisson aux tubes de dentifrice, les flacons en plastique, les bouteilles en verre perdu, etc. Et de faire payer au vrai prix l’élimination de tous les déchets: il n’y a que le porte-monnaie qui soit efficace pour induire des changements d’habitudes de la majorité, malheureusement.

      1. Pourquoi ne pas appliquer le système de bouteilles et canettes consignées comme en finlande et quelques autres pays?
        En Belgique, la région wallonne dépenserait 85 Millions €(selon une info que j’ai vue) pour le ramassage des bouteilles et canettes abandonnées dans la nature. «En 2015 en Flandres, les coûts de prévention, du ramassage et du traitement de ces déchets dans les espaces publiques sont estimés à environ 164 millions d’euros (25,64 euros par habitant par an)»
        Le consommateur et l’industrie sont tous deux responsables de cette situation.

  8. Il n’y a rien que j’apprécie plus que les avis éclairés non idéologiques.

    Merci pour votre article et pour vos éclaircissements.

  9. Oui alors c’est bien joli d’aller boire un verre de coca au bistrot. Mais il y a de bonnes chances que le bistrotier sorte une grosse bouteille en PET de son frigo pour remplir votre verre. Donc cela n’aura rien changé au problème du PET. Vous aurez juste payé 900 % plus cher votre coca qui vient quand même d’une bouteille en PET

    1. Les restaurateurs sont fournis autrement, normalement. Avec des bouteilles en verre livrées en caisses, qui sont récupérées, relavées et remises en circulation. Oui, c’est plus cher, mais là n’est pas l’important. On achète bien plus que du coca quand on le boit au bistrot, n’est-ce pas?

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