Gloire aux vers de terre!

Que penser de la dernière affiche électorale de l’UDC ? Je suis consternée: le parti qui annonce officiellement défendre la paysannerie considère les vers de terre comme des nuisibles.  A l’heure de la permaculture, de la perte de fertilité des sols, ce faux-pas démontre combien la politique traditionnelle de certains partis est déconnectée des défis majeurs à relever en matière d’environnement. Et pourquoi sans doute beaucoup de jeunes sont dégoûtés par la politique en général.

La très mauvaise illustration politique de l’UDC en vue de la campagne pour les élections fédérales.
Petit lombric, je t’aime!

Ce qui me chagrine, c’est le statut que les vers de terre ont pour les caciques et financiers zürichois de ce parti. Un vers de terre n’est pas un nuisible, bien au contraire.

Les vers de terre, ce sont de véritables architectes du sol. Ils sont bénéfiques pour toute la vie présente dans le sol, champignons, bactéries, plantes ainsi que pour sa structure. Ils retournent et aèrent la terre.

Comme le décrit Agri-hebdo dans son dossier consacré aux vers de terre, ces habitants rampants sont à favoriser plutôt qu’à éliminer. On promeut des techniques culturales avec moins de labours et à des moments choisis pour éviter de les tuer. Car en 100 ans, certaines parcelles ont vu leur population de lombrics passer de 2 tonnes à l’hectare à 50 kilos et même moins.

Au contraire des étrons humains sur la lune (voir l’article précédent), les déjections des lombrics sont un véritable trésor. Un turricule (joli nom donné aux déjections de vers de terre qui prennent la forme d’un petit monticule de tortillons de terre) concentre l’humus et les sels minéraux directement assimilables. Un caca de lombric contient quatre fois plus d’azote, sept fois plus de phosphore, onze fois plus de potasse, trois fois plus de magnésium, deux fois plus de calcium que la terre environnante: c’est un véritable engrais bénéfique pour vos plantes de jardin ou de balcon! A vos cuillères!…

Turricule de vers-de terre: un très bon engrais!

Et quand on n’a pas de jardin pour faire pousser ses salades et y composer les déchets de la cuisine, on fait comment ? Pour digérer le tiers de nos poubelles (eh oui, les bio-déchets constituent environ 30% de nos déchets et pourraient être valorisés au lieu d’être incinérés), les adeptes de la réduction des déchets conseillent à tous de se lancer dans un véritable élevage de vers rouges (Eisenia Foetida), de ceux que l’on trouve dans les composts, en fabricant un “vermicompost”. Sans odeurs quand il est bien équilibré, il produira du compost solide bien noir et du compost liquide bien utiles pour les plantes de balcon.

Vers de compost ou Eisenia Foetida

Mais attention, Eisenia Foetida n’aime ni le soleil direct, ni le gel.  Il est très timide et fuit la lumière: il n’y aucun risque de les voir se carrapater à l’extérieur du lombricompost. L’idéal est de conserver son installation à la cuisine et de nourrir régulièrement ses petits vers domestiques.

On peut fabriquer son vermicompost avec des boîtes de récupération empilées (en plastique ou de polystyrène, voire les tutos nombreux disponibles sur youtube!), ou bien acheter un modèle tout mignon et très design…

Un bien joli vermicompost…

A quand la réforme de la pensée par le travail?

Certes, tous les moyens sont bons pour faire le buzz, y compris attaquer frontalement au niveau national ses partenaires sur les listes électorales cantonales.

Certes, l’iconographie du premier parti de Suisse (pour le moment, c’est toujours vrai) fait souvent jaser. Il récupère des images d’un autre temps, celle des années 30 qui ont vu la montée du parti national socialiste allemand et porter les Nazis et un Führer au pouvoir. En matière de comm’, l’UDC ne manque ni d’argent, ni de gêne.

Il n’en reste pas moins que de nombreux agriculteurs et agricultrices se déclarent démocrates du centre, sans doute par tradition. N’oublions pas qu’avant de se (mal) nommer ainsi, l’UDC se nommait Parti des Paysans, Artisans et Indépendants (PAI). Et pourtant, eux savent bien combien les vers de terre leur sont utiles…

Un Zürichois démocrate du centre – qui plus est très fortuné – devrait plus souvent aller à la campagne: pas pour rejoindre le week-end – en 4×4 sur routes goudronnées – une gentille résidence secondaire campagnarde entretenue avec force de personnel. Non, je parle de la vraie ferme, de celles où les odeurs sont fortes, où il est préférable de porter des bottes Dunlop ou Atrium et pas des mocassins de chez Bally, de celles où on travaille la terre et où on produit notre nourriture, là où se font durement sentir le dérèglement climatique, la canicule estivale, les inondations, la perte de fertilité des sols et j’en passe…

Si j’étais conseillère en culture organisationnelle de ce parti, je prônerais dare-dare des stages pratiques d’agriculture durant tout l’été à tous les intellectuels de l’UDC! Allez hop, messieurs, aux champs! Comme au temps du Grand Timonier (on n’est pas à un paradoxe près…!), mais en bien moins long et cruel !

Si au moins les têtes pensantes de ce parti savaient de quoi elles parlaient, on n’assisterait pas à des attitudes dignes d’autruches par rapport à l’urgence climatique que nous connaissons (exemple récent: “L’UDC ne choisit pas ses thèmes de campagne en fonction du temps qu’il fait!” dixit Albert Rösti… ha-ha, la bonne blague, le bon mot que voilà!). Ce défi dépasse la durée d’une législature et il s’agit d’y répondre intelligemment, sans facilité ni populisme, sans jeux de mots simplistes. Et bien sûr, en glorifiant nos amis les vers de terre!

Valérie Sandoz

Valérie est engagée sur la réduction des déchets à titre privé depuis des années. Elle est l'auteur de plusieurs guides, donne des conférences, des cours et anime des ateliers. Géographe et ethnologue de formation, elle interroge notre façon de consommer et partage ses découvertes. Adepte du «fait maison» (conserves alimentaires, lacto-fermentation, cosmétiques, produits de nettoyage, etc.), Valérie anime un blog personnel consacré à la cuisine sans gluten, à la réduction des déchets et du gaspillage et à un mode de vie simple et joyeux.

13 réponses à “Gloire aux vers de terre!

  1. Espérons que cela fasse réfléchir les électeurs sur les véritables “compétences” de ce parti, dans ce domaine comme dans tant d’autres!

    1. Merci pour la défense des lombrics, si important pour la fertilité des sols. Une fois de plus, l’UDC est hors-champ !

  2. Madame Sandoz,
    L’affiche de l’UDC ne montre pas du tout des vers de terre, même pas des vers, mais des larves d‘insecte. Ils me semblent être des larves de coléoptère, probablement de ténébrion meunier, Tenebrio molitor.
    Déjà que j’y suis: on n’écrit pas Eisenia Foetida mais Eisenia foetida; dans la nomenclature binaire des espèces le premier mot est toujours majuscule et le deuxième toujours minuscule.

    1. Merci M. Ballabeni pour la précision orthographique de la nomenclature des espèces!
      Toutefois, le slogan en français qui assortit l’affiche dont il est question parle bien de “vers”…

      1. Je rebondis sur ce commentaire pour appuyer qu’en effet il s’agit d’insectes sur l’affiche et non de lombric.
        Cela n’empêche que le mot “vers” puissent être utilisé pour plusieurs animaux distincts comme 1)les larves d’insectes (ici sur l’affiche), 2) les vers de terre , 3) les plathelminthes (vers plats), etc
        Les vers présents sont des insectes (cf les pattes, l’exosquelette…) et peuvent donc être qualifié de “parasite” dans l’imaginaire collectif à partir du moment où ils consomment la nourriture et pourrissent la pomme.
        Pas facile de s’y retrouver quand deux animaux distincts portent le même début de noms mais les indices sont là.

        1. Chère Sarah,
          Merci pour ces précisions faunistiques!
          Il faut quand même noter que le slogan utilisé en langue française est univoque, lui. Le parti au soleil qui sourit utilise bien le terme de vers: “Des vers pour notre pomme?”. Le slogan ne mentionne ni le terme de “larves” ni celui de “parasites”, cela aurait été trop violent sans doute.
          Alors, à défaut d’avoir été précis, ce parti pourra se targuer d’avoir peut-être lancé une nouvelle insulte: “espèce de vers!” remplacera-t-il “espèce de vermine!” ou “sale parasite!”?
          Grande fan du Capitaine Haddock, moi j’opte pour “espèce de plathelminthe!”.

  3. – “fouais, la fongizit pour kaputter total les non-UDC, c’est pour mon pomme, klar!!!”

    De gristoph

  4. Avez-vous déjà vu un ver de terre réussir à creuser dans une pomme ?.. Mais ce n’est finalement qu’un détail qui ne nuit pas à votre exposé. En revanche, après un élogieux discours sur le ver de terre, vous nuisez au parti UDC que vous tentez de larver de la manière bien connue des experts en facile diffamation. La référence aux Nazis et à Hitler ! Combien de temps encore faudra-t-il entendre ces bêtises glissées à chaque occasion ?.. Mais vous innovez quand même en citant le Grand Timonier, responsable d’un désastre humanitaire, qui vous inspire pour bien plaisanter.

    Le cours de Sciences naturelles que vous nous donnez est sérieux, vous vous êtes donné la peine de vous instruire. Le fumier que vous déchargez ensuite au salon est difficilement respirable. Faites un effort pour que vos blogs restent propres…

    1. Depuis sa parution, l’affiche de l’UDC fait polémique même dans ses propres rangs. En effet, cette affiche interpelle car elle présente des similitudes avec l’imagerie de la propagande nazie qui comparait les juifs à de la vermine. Je vous invite à vous renseigner sur le sujet.
      “Combien de temps encore faudra-t-il entendre ces bêtises glissées à chaque occasion ?” C’est exactement la même question que je me pose lorsque je lis des arguments essayant de défendre les campagnes les plus nauséabondes de l’UDC.

    2. Il est vrai que les cours de pédologie et de géologie suivis dans ma jeunesse m’ont probablement marquée pour défendre à ce point les lombrics et toutes les espèces qui vivent dans un compost et font un travail formidable. Même une pomme entière y est digérée, si, si! Quant au fumier, ma foi, pour continuer dans la même veine, il me semble bien qu’il est autorisé dans l’agriculture biologique (au contraire d’autres intrants chimiques).
      Trêve de plaisanterie, mon propos tient dans l’introduction de l’article. Il n’est pas normal, pour n’importe quel parti mais surtout pour un parti qui défend la paysannerie, d’ignorer l’importance des vers ou de considérer n’importe quelle espèce animale comme de la vermine juste bonne à éliminer le plus rapidement possible. Chaque espèce a un rôle à jouer, même s’il n’est pas évident de comprendre à quoi “servent” les limaces qui mangent les salades au jardin… Il s’agit d’une question de respect de la nature dans laquelle on vit tous et dont notre survie dépend, de respect d’autrui, de respect des électeurs et électrices qu’on prétend défendre, tout simplement.

      1. Vous vous détourner du sujet de mon commentaire, qui critique le moyen que vous employez pour discréditer L’UDC, en faisant des analogies avec les Nazis. Vous déplacez le problème en dérivant sur la vision que ce parti a de la nature… Il n’y a aucun lien avec votre comportement de dénigration, et c’est de ceci qu’il s’agit.

        Vous pensez en avoir aisément le droit ? Je vous invite à prendre connaissance de la censure de Facebook, qui a effacé l’image d’une pomme sur laquelle est collée la croix gammée. Le procédé, au moyen d’une image, est l’équivalent du vôtre par le texte. Le Temps qui ne contrôle pas le contenu des blogs, sauf en cas de plainte pénale, laisse passer. Facebook pas. Cela devrait vous faire réfléchir sur la liberté que vous vous octroyez dans ce blog…
        (Ceci est mon dernier commentaire.)

        https://www.lematin.ch/suisse/bloque-trois-jours-facebook-caricature-antiudc/story/15039867

  5. Mon impression est que les dirigeants de l’UDC se sont pris à leur propre jeu. Cette “pomme pourrie” représente en fait l’etat actuel de leurs élites. Je comprends d’autant mieux les dissensions qui apparaissent au sein de ce parti.

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