Black Friday versus Vendredi Fou, quel choix ?

Chaque année, le dernier vendredi du mois de novembre donne lieu à une ruée effrénée sur les magasins pour faire de bonnes affaires en profitant de rabais intéressants sur différents produits. Parti des États Unis, ce qu’on appelle le « Black Friday » est aussi devenu un rendez-vous incontournable en Afrique et en Europe. En Suisse, le mouvement connait également un réel engouement et s’apprête à connaître un important afflux des consommateurs dès ce vendredi 27 novembre. Mais plusieurs versions s’affrontent sur l’origine de ce nom qu’une rumeur associe à l’esclavage.

Le Black Friday est généralement connu comme le jour de l’année où les commerces baissent leurs prix pour inciter les clients à dépenser sans compter. Comme l’indique son nom, c’est un vendredi, noir paraît-il, que ces très bonnes affaires se font. Mais pourquoi alors l’adjectif noir est associé au substantif vendredi ? Les versions sont nombreuses et ne semblent guère mettre d’accord leurs auteurs. Selon l’une d’elles, il faut remonter en 1951 pour trouver trace de cette tradition commerciale qui apparaît pour désigner l’ennui pour les patrons américains de voir tous leurs employés se porter malades, ou en tout cas pâles, pour faire le pont entre Thanksgiving (fête traditionnelle américaine, qui couronne l’action de grâce de Dieu envers les humains) et le week-end. Une autre version voudrait que le concept soit né à Philadelphie en 1961 suite aux monstres embouteillages causés par les automobilistes qui allaient rendre visite au Père Noël et en profiter pour entamer leurs achats pour les fêtes de fin d’année. Une autre source soutiendrait que le concept vienne de la volonté des commerçants qui faisaient peu de chiffres d’affaires de profiter de la période de Noël pour augmenter leurs revenus, imposant par la même occasion le noir à leurs affaires qui devenaient florissantes par opposition au rouge, symbole de pertes financières.

Jusque là toutes ces versions ne semblaient guère susciter d’interrogations jusqu’à ce qu’une rumeur, parue dans la presse en 2017, fasse état du lien entre ce concept et la traite des Noirs. Selon cette rumeur, « le phénomène remonterait aux ventes d’esclaves noirs qui se tenaient jadis, en fin de semaine, sur la place publique».

Cette rumeur trouve de plus en plus de supporters dans certains milieux d’afro descendants qui croient dur comme fer que les « esclaves étaient bradés sur le marché de la place publique.» Comme pour l’affaire Georges Floyd sur les réseaux sociaux, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou en Afrique, la rumeur s’étend de plus en plus, à tel point que ses tenants parlent du « Original Black Friday», pour illustrer des images qui montrent des Noirs en vente aux Etats-Unis. Cet « original Black Friday » divise et fait sans aucun doute réfléchir nos sociétés de consommation qui se ruent dans les magasins à la recherche d’une bonne affaire. Il est vrai que, en ces temps de crise sanitaire non sans conséquences sur les bourses des uns et des autres, les consommateurs ne rechigneront pas à profiter de ces soldes pour des raisons purement financières.

En Afrique, le groupe Jumia travaille beaucoup à la promotion de ce concept désormais présent dans une trentaine de pays africains, depuis 2014. Ce géant du e-commerce en Afrique propose chaque année des soldes géantes avec des rabais pouvant aller jusqu’à 80 %. Malgré cette présence de plus en plus marquée sur le continent, beaucoup d’Africains se posent sérieusement la question sur la pertinence de l’utilisation du terme noir dans ce contexte si particulier de tensions raciales aux Etats -unis, En Europe, au Brésil et ailleurs.

En effet, quelles que soient les versions avancées par les uns et par les autres, la plupart des spécialistes affirment que l’expression reste liée à du négatif. D’ailleurs dans les années 1970 aux USA, les commerçants ont essayé de rebaptiser le Black Friday en Big Friday.

Mais vu la place qu’occupait déjà cette expression Outre-Atlantique, la tentative a rencontré peu de succès. Au contraire, elle a même gagné du terrain sur les autres continents au point qu’il sera difficile qu’elle disparaisse de notre vocabulaire durant les prochaines années. Ce qui n’empêchera sûrement pas certains mouvements de défense des droits des Noirs de continuer à faire des recherches approfondies sur la question et de militer pour l’abandon de cette expression. D’ailleurs au Québec, on utilise plutôt la terminologie «Vendredi Fou». Je trouve personnellement cette expression bien plus heureuse que “Vendredi Noir“. Qu’en sera-t-il en Suisse ? en France et ailleurs ? Sommes nous obligés d’importer des USA cette expression de « Black Friday » si controversée ?

En toute logique, l’utilisation d’une expression moins connotée pour ce grand rendez-vous des « bonnes affaires » pourrait mettre tout le monde d’accord. D’autant plus qu’il profite finalement à tout un chacun. Mais, c’est bien connu « l’argent n’a pas d’odeur » et sans doute pas de couleur non plus.

Tidiane Diouwara

Tidiane Diouwara est journaliste RP et spécialiste des sciences de l’information. Il est titulaire d’une maîtrise universitaire en linguistique, d’un doctorat 3 ème cycle en sciences de l’information. Il est Directeur du CIPINA (www.cipina.org), une association spécialisée dans la promotion de l'image de l'Afrique. Il est également Conseiller diplomatique et expert des Droits de l'Homme.

2 réponses à “Black Friday versus Vendredi Fou, quel choix ?

  1. Le krach de 1929 est aussi appelé le jeudi noir.
    Pourquoi noir, parce le terme noir est associé au malheur (funérailles), au Mal.
    Va t’on dire que c’est d’origine esclavagiste, ou que le terme noir est là pour diaboliser les noirs ?

    Le black friday d’origine esclavagiste semble sans fondements dans un pays multiraciales comme les US. Je ne crois pas que les noirs auraient accepté ça à l’époque de Martin Luther King.

    L’Afrique est maladivement obsédé à rechercher le moindre sujet de racisme en occident.
    J’ajoute qu’aux US, c’est certainement le mot offensant “nigger” qui était utilisé (à vérifier) vers 1960, et c’est le mot “noir” qui est utilisé pour ne pas être offensant.

    Si l’expression était d’origine esclavagistes (peu probable), on parlerait de nigger/negro Friday. Le terme “noir” est relativement récent.

    Puisqu’il y a beaucoup d’expression lié aux couleurs, et qu’on a toujours des pointilleux qui voient du racisme partout, ce serait bien de ne plus utiliser les termes noir/blanc pour désigner des “races”.
    A vous de nous dire quel serait le bon mot à la place de “noir”.

    1. Le Québec a adopté l’expression de Vendredi Fou au lieu de Vendredi Noir. Ceci me semble pertinent et respectueux. Mais vous êtes libre d’utiliser Black Friday.

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