Dans un peu plus d’un mois, les Vaudois iront aux urnes pour élire leurs représentants pour les cinq prochaines années. Ces élections, qui vont se dérouler dans un contexte très particulier, vont permettre de redistribuer les cartes aussi bien au sein des législatifs que des exécutifs des communes vaudoises. Elles auront la particularité de permettre à environ 20 % du corps électoral, soit 90 000 étrangers, au sens administratif du terme, de pouvoir voter mais aussi de se faire élire moyennant certaines conditions. Dans une commune comme Lausanne, ils pourront même jouer un rôle décisif.
Depuis l’adoption de la nouvelle Constitution vaudoise du 14 avril 2003, les étrangers peuvent voter et candidater sur le plan communal s’ils sont au bénéfice d’un permis de séjour en Suisse depuis dix ans et s’ils résident dans le canton de Vaud depuis trois ans, pour autant qu’ils soient âgés d’au moins 18 ans révolus. La capitale vaudoise concentre la plupart des étrangers sur son territoire. Avec ses 160 nationalités qui cohabitent de manière plutôt réussie, Lausanne a, depuis quelques législatures, fait preuve d’ouverture et de tolérance vis-à-vis des personnes venant d’ailleurs. N’est-ce pas d’ailleurs à Lausanne que le premier bureau d’intégration des immigrés de Suisse a vu le jour en 1971 ? Curieusement, c’est aussi cette année là que les femmes obtinrent le droit de vote en Suisse.
Ce qui n’était pas possible avant 2003 est devenu, aujourd’hui, une réalité que bien des lausannois d’origine étrangère comptent rappeler le 7 mars prochain pour faire pencher la balance du côté de celles et ceux qui se positionneront le plus en faveur de davantage de justice sociale, de lutte contre l’exclusion et les inégalités de toutes sortes. Quelques thèmes, parmi d’autres, bien chers à cette communauté qui a longtemps eu l’impression de devoir prouver, plutôt deux fois qu’une, plus que les citoyens au passeport à la croix blanche, qu’elle méritait un autre regard que celui porté sur elle par les tenants d’une Suisse fermée sur elle-même. Pour preuve, au début de l’été 2020, le mouvement Black Lives Matter nous a rappelé, à suffisance, que la population lausannoise, toutes couleurs confondues, a soif de justice sociale. Tout comme le reste du pays d’ailleurs, qui s’était grandement mobilisée pour rejeter les discriminations envers ceux qu’on appelle désormais fièrement les Afro-suisses. Pour une fois, il n’y avait point de Röstigraben. L’indignation était de mise des deux côtés de la Sarine.
Dirigée jusqu’ici par une majorité de gauche, grâce à la magie d’une alliance réussie entre socialistes et d’autres partis de gauche, la course à la municipalité de Lausanne sera âprement disputée du fait du choix des Verts de se retirer de cette alliance. Ce qui fait que le PS et le POP devront composer sans leurs alliés d’hier pour rester au pouvoir. C’est dans cette configuration que le vote des étrangers pourrait peser bien plus lourd que ce que l’on croit. Passée du simple au double en 40 ans, la population étrangère de Lausanne est globalement bien intégrée dans cette ville qui abrite de grandes écoles et de nombreuses fédérations sportives internationales où les étrangers sont plutôt perçus comme une valeur ajoutée, ce qui est à mettre au crédit de la politique lausannoise en matière d’intégration. Mais aussi à celui de l’engagement de la société civile locale.
Actif depuis plus de 25 ans dans le domaine de l’intégration des populations étrangères en Suisse, d’origine africaine en particulier, j’ai pu observer la trajectoire, pas toujours rectiligne, de ces communautés établies dans le canton de Vaud et particulièrement dans la région lausannoise. En effet, si certaines d’entre elles, ont réussi à s’intégrer relativement facilement du fait qu’elles ont en partage avec la société lausannoise l’usage de la langue française, d’autres ressortissants, originaires d’Afrique anglophone, lusophone ou arabophone, ont eu plus de mal à s’intégrer dans la société de leur pays d’accueil.
Aujourd’hui, la Suisse compte à peu près quelques 120 000 personnes d’ascendance africaine sur son sol, dont environ 24 000 dans le seul canton de Vaud. L’écrasante majorité d’entre elles est naturellement très bien intégrée, à tel point qu’elle compte user de ce “nouveau” droit pour faire entendre sa voix. En jetant un oeil sur les différentes listes en course, je me suis aperçu que, d’une manière presque naturelle, plusieurs candidats d’ascendance africaine, toutes générations confondues, hommes et femmes, figurent sur certaines listes, qu’elles soient de gauche ou du centre, rarement de droite.
Cette prise de conscience citoyenne est le résultat d’un travail qui ne date pas d’aujourd’hui, car les associations africaines, en collaboration avec des partenaires tels que que le BLI (Bureau lausannois pour les immigrés) et le BCI (Bureau cantonal pour l’intégration des étrangers et de prévention du racisme), se mobilisent depuis de nombreuses années à Lausanne et dans le reste du canton pour permettre cette évolution. La participation citoyenne des étrangers est une nécessité pour la société lausannoise qui est de plus en plus multiculturelle. L’association CIPINA, www.cipina.org, que je préside et qui est reconnue par des organisations internationales telles que l’ONU (Organisation des Nations-Unies) et l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie), entre autres, a fait plusieurs campagnes de sensibilisation à cet éveil citoyen de la communauté Afrodescendante du pays de Vaud qui fait partie des 90 000 personnes de nationalité étrangère qui peuvent voter et se faire élire également. Notre association continuera à promouvoir les droits civiques des quelques 24 000 Afrodescendants du canton de Vaud.
Cependant, d’une manière générale, dans notre pays, le taux de participation des étrangers à des élections est en moyenne de 10% inférieur à celui des Suisses. Lausanne et les autres communes vaudoises n’échappent pas à cette règle. Cette différence n’est pas due à un défaut d’intégration des étrangers, comme on pourrait le penser. Plusieurs autres facteurs, tels que le niveau de formation des étrangers et leurs revenus qui sont plus bas que la moyenne suisse, expliquent ce désintérêt à la chose politique. Pour ce qui est des Afrodescendants, le fait également qu’ils aient très peu ou pas de représentants dans les exécutifs communaux et cantonaux est aussi un facteur de découragement. Beaucoup d’entre eux ont un sentiment de résignation, convaincus qu’ils sont par le fait que participer à la vie politique ne va pas profondément changer leur situation, leur statut de laissés pour compte, de citoyens de seconde zone. La donne pourrait cependant changer lors des élections du 7 mars prochain où l’on peut être en droit de s’attendre à une amélioration du taux de participation des étrangers, si l’on s’en réfère à la forte implication des candidats d’origine africaine. Ces derniers, avec des parcours solides et des profils riches et variés, sont en effet très présents sur les plateformes digitales qui demeurent, par les temps qui courent, une arme essentielle pour convaincre les électeurs. A condition que ceux-ci usent massivement de leur droit de vote.
En ce qui me concerne et à titre personnel, je voterai et ferai voter socialiste à Lausanne pour les listes 1 (pour la municipalité) et 5 (pour le conseil communal) et appellerai à faire voter toutes les listes socialistes avec ses affiliés, le cas échéant, dans les autres communes de notre canton. A noter que Le PS est le seul parti à faire figurer sur ses listes des candidats d’origine africaine à la municipalité de quelques communes vaudoises, démontrant ainsi son attachement à la diversité. Ce fait unique mérite d’être souligné.
Suis globalement d’accord avec vous, des étrangers depuis longtemps en Suisse doivent avoir le droit de vote et c’est sans doute votre cas.
En revanche, je suis profondément hérissé que ce quotidien, qui vous a donné un blog pour recruter des abonnements en Afrique (et alors que votre descriptif est clair à ce sujet), et pour lutter pour l’Afrique, vous serve de tribune pour venir donner des leçons de vote.
On dira une faute de mauvais goût?
Monsieur Diouwara, mettez un peu de vie dans vos blogs où pas un seul Africain, de Lausanne ou d’ailleurs, vient s’exprimer. Ceux ou celles que je rencontre à n’importe quelle occasion, sur une terrasse de café (enfin avant), dans un magasin ou ailleurs ont beaucoup de choses à dire, plus que le Vaudois qui à mon premier passage au bistrot m’observe, puis au second hésite à tourner la tête pour saluer, et au troisième prend le risque de m’inviter à la table avec ses copains pour une sympathique séance d’évaluation : « Est-ce qu’il est comme nous ? » Si la réponse est oui, après avoir trinqué je peux dire que je suis un zürichois du canton de Vaud qui a perdu son accent à sa naissance.
Je vous suggère d’inviter des personnes originaires d’Afrique qui ont fait le voyage, ou nées moins loin comme moi dont les parents ont migré d’un canton à l’autre. Pas besoin de choisir des personnes qui ont étudié les multiples composantes de l’intégration, celles qui travaillent dans un quelconque milieu de la santé ou à but social en parleront mieux, sans préjugés ni avoir besoin de dresser des tableaux où tout est positif ou négatif. Elles aiment leur travail, ne rêvent pas, et savent transmettre ce qui est positif pour tous, particulièrement dans les moments difficiles que l’on vit en ce moment.
Monsieur Diouwara,
Cher grand frère devrais-je écrire…
Je vous remercie pour votre analyse et surtout votre observation de l’évolution de la présence noire africaine dans notre beau pays, notre canton et notre belle ville de Lausanne.
Il est vrai que, même étant bien intégrées, certaines personnes d’origine africaine bien que jouissant du droit de vote, ne votent simplement pas.
Il y a plusieurs raisons à ce manque de voix qui, pourtant, ne ferait que renforcer notre démocratie.
Le fait de devoir assumer des obligations ici et ailleurs dans nos pays d’origines est une charge supplémentaire alors même que nous ne bénéficions d’aucun avantage face à nos obligations ici, ou là-bas.
Combien sommes-nous à devoir envoyer régulièrement des sommes importantes pour soutenir nos familles ou amis dans nos pays d’origines ?
Est-ce pour autant que nous recevons un supplément de salaire pour le même travail que les indigènes ?
En réalité, ce ne sont pas des avantages que nous reclamons. Nous souhaitons et travaillons pour plus d’equité de justice, de respect et de dialogue.
La tolérance, c’est bien.
Quand on invite des personnes chez nous, on peut les tolérer, le temps d’un petit séjour.
Maintenant, pour une majorité d’entre nous, il ne s’agit plus de tolérance.
Il faudrait passer à l’étape de la vraie rencontre. Une rencontre pour construire ensemble.
Nous vivons ici.
Nous travaillons ici.
Nous élevons nos enfants ici.
Aussi, nous serons élus ou nous voterons pour les mouvements ou partis ou personnes qui tiendront compte de notre existence ici !
Alors pour cette fois, je vais suivre le conseil du grand frère.
Merci et belle journée à Lausanne.
“Nous vivons ici.
Nous travaillons ici.
Nous élevons nos enfants ici.”
Et qui vous a exigé de vivre ici?
Je vous blague un peu, mais ne vous faudrait-il pas reprendre un peu votre continent, si riche, en main, au lieu de pleurer, les immigrés africains?
Il y a une avocate, sur ces blogs, dont le père m’a foutu à la porte, un connard UNO, alors, veuillez bien croire, que j’ai peu de pitié!
Bonne question !
De votre question je répondrait que le vote ira surement sur un vient ensuite. Mais qui ne sera jamais élus car on perdra son numéro de téléphone, ou il ne pourra jamais être joignable comme ce qu’il s’est passé à Pully pas plus tard qu’il y a une année.
Les élus du PLR local (Merci M. Leuba) ont évincé une vient-ensuite car impossible de la retrouver dans Pully ! Avait-elle trop de voix des étrangers ?
Voilà une question supplémentaire à la votre qui s’applique visiblement sur pas mal de communes.