Un Africain de la diaspora à l’origine de la création d’une ville futuriste au Sénégal

La diaspora africaine contribue au développement du continent en y transférant annuellement un montant estimé à plus de 60 milliards de dollars américains. Ce dernier, très important, ne suffit cependant pas à améliorer la qualité de vie des Africains qui connaissent toujours des difficultés à accéder à l’eau potable et à l’électricité, entre autres besoins de première nécessité. Pour donner un exemple d’innovation sans précédent, une icône de la musique américaine, d’origine sénégalaise, a décidé de créer une ville qui ressemblera aux plus grandes métropoles mondiales, et qui leur sera peut-être même supérieure dans bien des domaines. Dénommée Akon City, cette ville futuriste doit néanmoins faire face à quelques critiques. Sans décourager son promoteur.

Bien connu en Afrique, notamment pour son fameux projet d’électrification, le musicien sénégalais Akon a posé le 31 août 2020 la première pierre de la ville qui poussera, dans quelques années à Mbodiène, petit village situé sur les bords de l’océan Atlantique, à quelque 100 km de Dakar. La cérémonie n’était pas banale. Bien au contraire, elle a été supervisée par le ministre sénégalais du Tourisme et des Transports aériens, M. Alioune Sarr.

Le musicien, que d’aucuns n’hésitent pas à qualifier d’hommes d’affaires redoutable, a réussi à mobiliser le 1/3 du montant extraordinaire de 6 milliards de dollars (soit 80% du budget de l’Etat sénégalais en 2020) qui seront nécessaires à la réalisation de ce rêve que beaucoup croyaient (et croient encore) impossible.

L’homme d’affaires a des idées, lui qui a été formé à la culture américaine d’entrepreneuriat, avec une volonté et une détermination qui lui permettent de ne reculer devant aucun obstacle, si complexe soit-il. En convainquant le gouvernement de son pays d’origine de l’originalité de son projet et de son impact sur l’amélioration des conditions de vie de nombreux Sénégalais, il a déjà gagné son premier pari. Le second consistait à faire valider les différentes modalités de la faisabilité du projet, ce qui fut fait sans beaucoup de difficultés. Le projet est réalisable en 2 étapes dont la première débutera au cours du premier trimestre de l’année 2021, pour s’achever normalement en 2023, et s’étendra sur une surface de 55 hectares. Mais le gros du travail s’effectuera dans la 2ème étape qui aura lieu de 2024 à 2029.

Celle-ci couvrira un total de 500 hectares qui abriteront une université, un stade multisports, des hôpitaux d’une capacité de 10 000 lits, des studios de cinéma, des centres d’affaires et de loisirs. Autant d’activités qui sont appelées à transformer la vie des habitants de Akon city qui n’aura rien à envier à celle des résidents de New York, Los Angeles, Paris, Londres, Genève, Milan ou autres. À Akon City, des domaines aussi importants que l’éducation, la santé et la culture, qui sont au cœur des préoccupations du Sénégal et de l’Afrique en général, seront mis en avant pour assurer le confort des 300 000 personnes qui habiteront cette ville du futur. Des bâtiments ultramodernes et des lieux qui symbolisent les spécificités africaines cohabiteront sans problème dans cette ville. Le promoteur affirmait à ce propos : « Je veux que l’architecture ressemble aux vraies sculptures africaines qu’ils font dans les villages. Les formes sont peut-être bizarres, mais au moins elles sont africaines ». La ville aura comme principale attraction la tour Akon Tower qui, comme le reste des autres endroits, sera naturellement éclairée par l’énergie solaire en conformité avec les engagements écologiques de l’entrepreneur, rendu célèbre par son immense projet Akon Lighting Africa.

Dans cette ville qui se veut écologique, une centrale solaire photovoltaïque sera la source d’énergie, tandis que l’économie sera basée sur l’Akoin, une cryptomonnaie lancée en 2018.

Mais le projet n’a pas encore vu le jour que des polémiques commencent à apparaître de-ci de-là. En effet, si Akon City a pour objectif d’attirer les nombreux Sénégalais qui vivent aux USA, et surtout ceux qui sont un tant soit peu fortunés, le Sénégalais moyen, avec des revenus beaucoup plus modestes, risque d’être purement et simplement exclu du confort qu’offrira cette ville du futur. Suffisant comme argument pour que le Forum civil, section sénégalaise de “Transparency international”, qui œuvre pour la bonne gouvernance et la transparence dans la gestion des affaires publiques, demande des clarifications sur 11 points au ministre du Tourisme, M. Alioune Sarr, et au DG de la Sapco (Société d’Aménagement et de Promotion des côtes et zones touristiques du Sénégal), M. Alioune Sow, sur le projet “Akon City” à Mbodiène.

Pour le coordonnateur du forum, M. Birahim Seck, le projet est non seulement démesuré pour un pays très pauvre comme le Sénégal, mais il est surtout intimement lié à l’image d’une seule personne, ce qui risque de poser un problème d’appropriation de leur ville par les 300 000 futurs habitants, entre autres. D’autant plus qu’aucun critère précis n’a été établi pour désigner les futurs heureux résidents de la ville.

Toujours selon M. Birahim Seck, « le Forum civil veut des éclaircissements sur le montage financier, la propriété de l’assiette foncière sur laquelle sera bâtie la ville, les conditions de cession du foncier, les relations entre le projet et l’Etat du Sénégal, les études d’impact environnemental, social, l’ordre juridique qui sera applicable à la cité, le mode de gestion, de gouvernance et de fonctionnement de la cité, le système éducatif, etc. »

N’empêche. Faisant fi de tous ses griefs, l’homme d’affaires veut attirer les touristes internationaux au Sénégal, et faire de son pays l’épicentre du tourisme de loisirs et / ou d’affaires, en Afrique. Il affirme : « Lorsque vous arrivez d’Amérique, d’Europe ou de n’importe quel pays de la diaspora, et que vous avez envie de visiter l’Afrique, nous voulons que le Sénégal soit votre première étape ».

D’ailleurs, ce projet peut bien faire des émules sur le continent puisque M. Dris Elba, d’origine sierra-léonaise, célèbre acteur, scénariste, producteur de cinéma et DJ britannique, plancherait apparemment sur la réalisation d’un projet similaire dans son pays d’origine, pour apporter sa contribution à l’édification de ce pays meurtri par plusieurs années d’instabilité politique et sociale. L’apport des Africains de la diaspora devient de plus en plus indispensable au développement du continent. Rendez-vous à Akon City en 2029 pour découvrir cette ville qui va sûrement faire beaucoup parler d’elle.

Tidiane Diouwara

Tidiane Diouwara est journaliste RP et spécialiste des sciences de l’information. Il est titulaire d’une maîtrise universitaire en linguistique, d’un doctorat 3 ème cycle en sciences de l’information. Il est Directeur du CIPINA (www.cipina.org), une association spécialisée dans la promotion de l'image de l'Afrique. Il est également Conseiller diplomatique et expert des Droits de l'Homme.

Une réponse à “Un Africain de la diaspora à l’origine de la création d’une ville futuriste au Sénégal

  1. En effet, on voit mal comment ce projet megalomane pourrait aider le Senegal, en s’adressant a quelques privilegies!
    L’Akon Musk africain devrait s’entourer de davantages de visionnaires africains et non singer l’Occident.

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