La générosité locale en ébullition grâce au Covid-19

C’est à qui offrira le plus ! Les dons et la générosité explosent en cette période de Covid-19. Avec une particularité : ils se « relocalisent », stimulant les communautés locales, soutenant nos voisin·e·s et aîné·e·s … Allons-nous tisser de nouveaux liens ?

Des fleurs, des gants, de la crème pour les mains et de la nourriture en quantité : à Lausanne, le CHUV croule sous les dons pour ses soignants. A tel point qu’il a fallu structurer cet élan : un fonds d’entraide a été lancé, tout comme aux HUG, à Genève, pour recueillir toutes les marques de générosité.

Ce désir d’aider est loin d’être purement financier. Il y a les initiatives technologiques : on ne compte plus les plateformes, souvent montées bénévolement, pour encourager la consommation locale. Ni les collectifs pour accompagner les personnes à risques : à Genève, un groupe de réfugiés syriens aide ainsi les aîné·e·s à faire leurs courses. Des idées similaires ont rapidement essaimé en Suisse romande : préparation de repas, garde d’enfants… Le tout facilité par des paroisses, des communes, ou par l’application « Five up » de la Croix-Rouge, qui réunit des bénévoles. Le plus bluffant ? On a découvert que l’on peut participer à cet effort massif …en restant tranquillement chez soi ! Les chaînes téléphoniques de ProSenectute ont ainsi trouvé une seconde jeunesse.

Reprendre le contrôle

Comment comprendre cette vague de générosité ‘locale’ ? J’y vois le même élan qu’il y a trois mois, lorsque nous étions tous tournés vers l’Australie. Les posts Facebook avaient fleuri, reflet de notre impuissance face à ces forêts en flammes, à des milliers de kilomètres. Comme à l’époque, l’ampleur de la catastrophe nous a un temps laissés pantois. Mais après la sidération, une envie irrépressible d’agir nous a envahis. Pour conjurer le sort, redevenir acteurs au sein de ce difficile confinement. Et, peut-être aussi, par empathie…

Est-ce que ce soudain repli sur nous-mêmes, qui nous force à ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, renouvelle notre altruisme ? Fallait-il être assigné à domicile pour se rendre compte que nos aîné·e·s ont besoin qu’on les écoute, que nos commerçants locaux ne peuvent pas survivre sans notre fidélité ?

Vulnérabilité

En Suisse, pour la première fois nous craignons pour nos besoins élémentaires : manger, demeurer en bonne santé et en sécurité. Et s’il fallait ressentir sa propre vulnérabilité pour avoir besoin –ou envie– de se tourner vers l’autre ? L’opulence et le confort peuvent exacerber notre attention aux inégalités. Ou l’inverse. Soudain, nous devenons hypersensibles à des situations qui ont toujours existé : l’isolement, la fragilité et les inégalités.

L’essence du don

Privés de tout, nous déployons des trésors d’ingéniosité pour exprimer notre reconnaissance. Jusqu’à tambouriner sur des casseroles à nos fenêtres à 21 heures tapantes. Nous semblons redécouvrir que donner c’est d’abord exprimer sa reconnaissance et sa gratitude. Dire : « merci d’exister et de faire ce que vous faites ! » Cette générosité-là ne vient en rien s’opposer à des dons ‘sonnants et trébuchants’, au contraire, elle les complète. Peut-être même qu’elle les fonde. Donner relève d’abord d’un état d’esprit, d’une sensibilité : on se tourne vers l’autre quand on reconnaît sa vulnérabilité, ses limites, ses peurs.

 

Camille Andres

Journaliste et autrice, Camille Andres pratique un journalisme de terrain et de convictions. Elle prend goût au reportage en Alsace au sein de la presse quotidienne régionale (Le Messager, Dernières Nouvelles d’Alsace). Persuadée que les questions religieuses, éthiques, spirituelles offrent un éclairage crucial sur l’actualité, elle explore différentes communautés locales. Elle se spécialise dans l’islam, après une formation initiale en sciences politiques et en journalisme. Elle rejoint la Suisse romande en 2014, où elle collabore pour différents médias, lançant notamment le portail de conseils d’empowerment FemmesLeaders en collaboration avec Bilan et Tamedia. Elle renoue avec le terrain pour le compte d’Heidi.News en parcourant le Pays d’Enhaut, pour l’exploration L’Etivaz, le génie fromager. À compter de novembre 2018, elle rejoint l’équipe du journal protestant Réformés comme journaliste vidéo et print, et travaille toujours en tant qu’indépendante. Crédit photo : Jérôme Bontron