Vendredi 13 mars 2020, suivi du lundi 16 mars 2020
Deux jours qui ne s’oublieront pas. Des mesures attendues, cette fois-ci concrètes. Le temps s’arrête. Le temps tel que nous le connaissions s’arrête.
Nos familles, ces nouveaux QGs de la transition
Vendredi, à l’aube de ce premier lundi où les écoles sont fermées, nous sommes invités à redéfinir le temps et à s’organiser en famille… en l’espace de 48 heures. 48 heures. Pour changer le rythme de tout.
Nos familles, ces micro-systèmes qui deviennent un des piliers de gestion de crise. Faire avec ce que nous avons, retrouver un sens d’appartenance à nous et à notre communauté, pour prendre soin de nous et des autres. Un appel à la solidarité, à la réciprocité, à la conscience individuelle et collective.
Des cellules de vie confinées mais solidaires (avez-vous entendu l’élan de chants, les fenêtres ouvertes, en Italie? Cette magie du lien et de la résonance sans avoir à se toucher me fait penser à la “murmuration” chez les étourneaux). On s’organise pour adresser le vital: la présence auprès de nos enfants qui cherchent le réconfort, s’alimenter en conscience, et adresser l’éducation. En conscience ou pas, nous adressons dans cet élan trois piliers clés de notre éveil: la présence et le lien, la consommation et l’éducation.
48 heures. Et on a déjà fait tout ça! Sacré QG, incroyable performance au nom du collectif.
Et l’économie dans tout cela ?
L’économie fait naufrage. Nous sommes toutes et tous à l’eau. Nous nous efforçons de trouver les bouts de bois, les radeaux et tout autre outil qui nous permettront de tendre le bras. Nous nous efforçons de les trouver assez grands pour que nous y soyons tous. Et nous les trouverons.
En attendant, prenons celui, aussi petit soit-il, qui est à notre portée. Voici celui que j’ai trouvé: un souvenir. Satish Kumar m’avait rappelé que l’économie, dans son étymologie grecque (oikos = maison, nomos = gérér) signifie la gestion de notre maison. Notre maison, oui, celle que nous allons nourrir d’énergies protectrices et positives sur ces six, voir plus, prochaines semaines. Et puis notre maison, la communauté et la terre. Celle que nous allons, par la force des choses, apprécier pleinement. Comment ? Exactement comme nous sommes aujourd’hui invités à le faire: faire avec ce que l’on a, protéger nos aînés et les plus vulnérables, apprécier ce que nous mangeons et ce que nous avons, être et vivre local, apprécier le plein air sur un bout de balcon ou, pour les plus chanceux, dans le jardin et réaliser que tout cela finit par être plus en harmonie avec l’écologie, naturellement. Le retour à l’essentiel de ce TOUT nous amène indéniablement à vivre plus harmonieusement avec nous-même, les autres et la nature.
Avec cette pensée, je ne peux m’empêcher de croire que c’est une opportunité de réinventer l’économie. Plus même qu’une opportunité, c’est l’économie qui se réinvente sous nos yeux. Imaginons un instant que l’après-crise nous permettrait de garder ces valeurs en nous pour les semer dans les écoles et dans nos entreprises. Une image qui m’amène une certaine sérénité, et beaucoup d’espoir, pendant cette période tumultueuse.
L’économie sociale et solidaire en pleine action
Vendredi à 15h, comme beaucoup d’entre vous, nous avons pris nos ordinateurs pour travailler à distance, nous avons appelé nos partenaires qui livrent des produits à domicile pour leur offrir de l’aide et nous avons revu nos emplois du temps pour assurer l’école à la maison. Dès lundi prochain, nous mettrons notre temps à disposition pour aider les petites entreprises, les indépendants et les artisans qui en ont besoin. Partager notre gestion de crise, les 5 étapes que nous avons établies et comment nous les pilotons. Pour travailler ensemble, à livre (et coeur) ouvert. Nous avons fait la liste de l’essentiel pour être là où nous devions, et pouvions, être. Le peu que l’on peut faire, le très peu que l’on peut faire, il faut le faire. Non ?
48 heures. Et nous l’avons fait. Tout un pays. Des familles et des entreprises. Des éco-systèmes bien vivants. Nous avons été à la hauteur de ce grand réveil. Depuis, une multitude d’initiatives se déploient tous les jours pour amener le geste, le simple geste, de la solidarité. Nous sommes en train d’ancrer nos valeurs humaines plus fort que jamais. Des entreprises qui accordent aux parents l’espace pour s’occuper de leurs proches tout en adressant les besoins vitaux de l’éco-système dont elles font partie…. Ne sont-elles pas précisément sociales et solidaires ? Ne sont-elles pas profondément agiles, au coeur d’une innovation sociale ?
Nous contribuons, c’est une évidence, à contenir la pandémie. Mais, en même temps, nous nourrissons un lien d’appartenance à la Vie. Dans nos moments d’anxiété ou de solitude, essayons de ne pas l’oublier.
Des mesures de sauvegarde auraient dû être prises beaucoup plus vite et de façon beaucoup plus drastique. Encore maintenant les frontières ne sont pas fermées, des milliers de frontaliers continuent de circuler à partir des pays voisins où l’épidémie explose (comme ici d’ailleurs). Alors les jours qui viennent seront certainement très difficiles. Puissions-nous à l’avenir vivre en équilibre et en harmonie comme vous l’espérez, mais il y a impérativement un monde à réinventer avec les problèmes actuels de climat, ressources, démographie, pollution, etc… Et c’est pressant, car la Suisse déjà surpeuplée est comme beaucoup d’autres pays très loin d’être autosuffisante pour son alimentation et ses ressources. La solidarité aide à pallier aux nécessités les plus urgentes, mais ne peut hélas répondre à tout.