Le succès des banques suisses n’est pas un secret

De manière lente et graduelle, typiquement helvétique, de plus en plus de banquiers au sein de la place financière suisse se démarquent dans les coulisses, et parfois même en sortant du bois, pour affirmer, encore timidement et en souhaitant rester anonymes, qu’il convient d’avoir une attitude proactive et quelque peu visionnaire plutôt que de s’acharner à défendre ce qui reste du secret bancaire face aux autorités étrangères.

Pour l’heure, toutefois, la doctrine officielle de la place financière ainsi que du Conseil fédéral considère que le secret bancaire helvétique ne doit pas être abandonné car ce serait le début de la fin de l’attractivité des banques en Suisse.

Cette position conservatrice ne rend pas justice aux compétences des acteurs sur la place financière suisse et leur est préjudiciable pour bien des raisons.

D’une part, défendre mordicus le secret bancaire suisse en prétextant qu’il s’agit d’un élément crucial pour la «compétitivité» des banques en Suisse signifie (et signale à l’ensemble des parties prenantes) que ces banques ne pourraient pas faire face à la concurrence mondiale sans le «bouclier» du secret bancaire. Cela est non seulement erroné, mais également contreproductif pour l’image de notre place financière dans le reste du monde.

D’autre part, s’appuyer sur le secret bancaire pour rester «compétitifs» dans la concurrence internationale – qui est désormais acharnée – ne fait pas les intérêts de la place financière suisse. La rente de position que les banques helvétiques tirent du secret bancaire ne les incite pas à innover sans cesse, afin de rester à la hauteur de leur renommée au fur et à mesure que les places financières concurrentes réduisent leur écart par rapport aux capacités et compétences des banquiers suisses dont les plus avisés suggèrent à leur profession de discuter, négocier et se préparer à l’échange automatique d’informations avant de devoir y faire face de manière abrupte et sans avoir eu le temps d’y réfléchir.

Banques centrales et politique monétaire

La Banque du Japon a adopté, nolens volens, un objectif d’inflation à 2 pour cent suite aux pressions exercées par le premier ministre, Shinzō Abe, depuis son élection le 26 décembre 2012. Le gouvernement veut amener ainsi la banque centrale à intervenir davantage pour arrêter la déflation qui sévit au sein de l’économie japonaise depuis une vingtaine d’années.

Bien des économistes se sont insurgés contre l’adoption de cet objectif sur la base de deux arguments fallacieux. D’une part, ils affirment que relever l’objectif d’inflation de 1 à 2 pour cent est un facteur d’instabilité monétaire car il empêche la stabilité des prix. D’autre part, ils estiment que la banque centrale doit être indépendante des autorités politiques, qui n’ont donc pas à s’immiscer dans les choix de politique monétaire.

Ces deux arguments sont faux pour différentes raisons.

En ce qui concerne la stratégie de ciblage d’inflation, il existe un vaste consensus à la fois au sein de la communauté des économistes et au niveau des banques centrales, prônant un objectif d’inflation proche de (ou égal à) 2 pour cent sur base annuelle. Un tel objectif permet d’avoir une certaine marge de manœuvre pour diminuer les taux d’intérêt lors d’un choc économique ou d’une crise financière, afin de soutenir, dans la mesure du possible, le secteur bancaire et l’activité économique. Le calcul du taux d’inflation à l’aide des indices de prix à la consommation ayant tendance à surestimer la hausse du niveau général des prix, il convient de ne pas viser un taux d’inflation égal à 1 pour cent car cette cible, en fait, risque d’amener l’économie nationale dans une situation de déflation. La Banque du Japon devrait être très sensible à ce genre d’arguments, au lieu de s’exclamer contre le relèvement de son objectif d’inflation à 2 pour cent.

À l’égard de l’indépendance des banques centrales, considérée par les tenants de l’orthodoxie comme la «ligne Maginot» protégeant celles-ci des intromissions de l’État, limitons-nous à faire remarquer qu’il est non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire, que les autorités monétaires d’un pays coopèrent avec le gouvernement national, afin de contribuer tous ensemble à assurer la prospérité économique et la cohésion sociale dans leur juridiction. Indépendance et coopération ne sont d’ailleurs pas mutuellement exclusives.

Comme la crise globale éclatée à l’automne 2008 l’a montré clairement et de manière dramatique, la banque centrale ne peut pas se contenter d’assurer la stabilité des prix à la consommation. Les choix de politique monétaire doivent considérer également la stabilité financière ainsi que la maximisation du niveau d’emploi, afin de servir les intérêts généraux de l’ensemble de la population et pas simplement les intérêts privés de quelques catégories minoritaires (mais très bien loties) de celle-ci.

Deux poids et deux mesures

L’analyse économique souffre de beaucoup de défauts fondamentaux malheureusement. L’un d’entre eux est particulièrement fâcheux car il concerne l’honnêteté intellectuelle des économistes qui s’alignent très souvent sur des positions idéologiques ou sur les intérêts des groupes d’influence au sein d’un pays ou de l’économie «globalisée». Sous les apparences d’un travail (pré)scientifique, ces économistes prétendent (dé)montrer, par exemple, qu’une branche d’activité économique, voire une économie nationale dans son ensemble, doivent réduire les «coûts du travail» (entendez les salaires bruts et les assurances sociales) afin d’augmenter leur degré de «compétitivité» face à la concurrence.

Il en est ainsi, entre autres, pour le système économique en Grèce et en Italie dont la très grande majorité des économistes estiment que la «compétitivité» serait tributaire d’une réduction des rémunérations sur le marché du travail allant de pair avec une augmentation de ce qu’il a été coutume d’appeler la «productivité» des travailleurs (oubliant que, dans une économie de services, la mesure de cette productivité n’est pas possible objectivement). Des «réformes structurelles» du marché du travail, consistant à réduire les assurances sociales et à libéraliser et déréglementer ce marché, permettraient ainsi à l’ensemble du pays de se développer en termes économiques, notamment grâce aux biens que ses entreprises pourraient exporter suite aux dites «réformes».

Or, mis à part le fait incontournable que les pays ne peuvent pas être tous des exportateurs nets logiquement, et que pour le développement de certains pays il est bon d’importer davantage de produits de ce que ces pays exportent, il y a un élément qui dérange la conscience dans le discours des économistes alignés sur la pensée néolibérale: lorsque ces économistes «analysent» la place financière suisse, ils exigent que l’État assure les meilleures «conditions-cadre» (stabilité économique et des institutions politiques, fiscalité modérée, protection de la sphère et des données privées, sécurité juridique, faible bureaucratie), sans que, jamais, ils remettent en question les «coûts du travail» exorbitants de la catégorie des hauts dirigeants au sein de l’industrie financière.

Le débat autour de l’initiative Minder devrait représenter l’occasion de «mesurer» la productivité de ces «top managers» avec les instruments utilisés pour licencier ou réduire le salaire des personnes qui travaillent au sein des sociétés financières et ne font qu’obéir aux ordres de leur hiérarchie. On pourra alors comprendre que sur le «marché du travail» la relation salariale n’est aucunement une relation fondée sur la liberté d’échanger des parties contractantes, parce que les salariés n’ont pas de liberté d’action face à leurs dirigeants, qui les utilisent uniquement comme des moyens pour atteindre leurs propres objectifs personnels.

La responsabilité des collaborateurs n’est donc aucunement engagée, lorsque ceux-ci exécutent les tâches commandées par leur hiérarchie. Les listes des noms de collaborateurs des banques suisses envoyées aux États-Unis n’ont ainsi aucune importance juridique: leur existence ne fait que mettre davantage de pression sur ces collaborateurs, alors qu’il faudrait commencer à s’inquiéter de la fonction dirigeante au sein de leurs établissements dont certains demeurent à la fois «trop grands pour faire faillite» et «trop grands pour être gérés correctement» (selon l’aveu de Marcel Rohner, ancien CEO d’UBS, devant la commission du Parlement britannique sur les standards bancaires, le 10 janvier 2013).

Des taux d’intérêt négatifs en Suisse?

Le spectre de l’introduction de taux d’intérêt négatifs est réapparu en Suisse, avec la récente modification des conditions générales pour la clientèle de la Banque cantonale de Zurich, après l’annonce par UBS et Credit Suisse que de tels «frais de crédit» pourraient être prélevés aux gros clients institutionnels qui déposent leurs liquidités à très court terme auprès de l’une ou l’autre des deux grandes banques en Suisse.

L’introduction de ces commissions serait justifiée par les taux d’intérêt légèrement négatifs sur le marché interbancaire et pour les obligations de la Confédération à court terme. Elle est également considérée utile afin d’exercer une pression à la baisse sur le taux de change du franc suisse dont la survalorisation réduit les recettes en monnaie nationale des entreprises helvétiques qui exportent une partie importante de leur production, notamment dans la zone euro.

Si les ménages suisses devaient être appelés à payer des frais pareils sur leurs dépôts auprès des banques, il y aurait vraisemblablement un risque accru d’instabilité financière au sein de l’économie nationale. La clientèle privée des banques suisses serait en effet amenée à accroître la part de son patrimoine placée en titres financiers de toute sorte, afin de gagner par ce biais, dans le meilleur cas de figure, les rendements auxquels elle doit renoncer en payant un taux d’intérêt négatif sur ses dépôts bancaires.

Les banques en Suisse pourraient ainsi comptabiliser des revenus plus élevés, afin d’augmenter leurs profits et, par conséquent, également la rémunération de leurs dirigeants ainsi que les dividendes versés à leur actionnariat: d’une part, l’écart entre les taux d’intérêt payés par leurs débiteurs (emprunteurs) et ceux versés à leurs créanciers (déposants) serait accru et, d’autre part, le montant des commissions prélevées à leur clientèle pour la gestion de fortune enflerait au fur et à mesure que cette clientèle transforme ses dépôts bancaires en produits financiers.

Dans ce cas, la dépréciation du taux de change du franc suisse serait davantage tributaire de l’instabilité financière résultant de ces choix de portefeuille et de la redistribution du revenu des ménages suisses au profit des actionnaires et des dirigeants des banques, que du prétendu mérite de l’introduction d’un «taux d’intérêt négatif» pour les dépôts de la clientèle.

Il existe une solution meilleure pour dévaloriser le franc suisse sur les marchés de change: l’introduction d’une «taxe Tobin» (de 0,05 pour cent) à faire payer aux acheteurs de francs suisses sur ces marchés. L’effet d’annonce serait beaucoup plus important dans ce cas qu’avec des taux d’intérêt négatifs et l’instabilité financière serait réduite plutôt que d’être aggravée au détriment de l’ensemble de l’économie suisse.

Tout ce qui brille n’est pas or

Le premier janvier 2013 a marqué l’entrée en vigueur du «Fiscal compact» dans les pays membres de la zone euro. Le principe de base sanctionné par ce «Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire» européenne consiste à ancrer dans une loi fondamentale (comme la Constitution) au plan national l’obligation d’assurer l’équilibre budgétaire pour les finances publiques. Cela est censé traduire en pratique la «règle d’or» qui vise à empêcher les dérapages budgétaires et le surendettement public.

En fait, la «règle d’or» classique des finances publiques ne peut pas être réduite à l’équation «recettes fiscales = dépenses publiques» sans perdre sa dimension éthique. S’il convient de financer les dépenses de fonctionnement du secteur public par un montant équivalent d’impôts car cela permet de faire coïncider les payeurs avec les bénéficiaires de ces dépenses (pensons, par exemple, aux dépenses d’amortissement des infrastructures publiques ou aux dépenses des services généraux de l’État), il en est autrement pour les dépenses d’investissement dont les bénéficiaires sont en général répartis sur plusieurs générations de contribuables.

En clair, pour ne mentionner que deux exemples, la construction d’un pont autoroutier ou celle d’un réseau «wireless» à haut débit peuvent répondre à des besoins d’une collectivité publique à travers le temps. Ces dépenses d’investissement doivent donc être supportées par les contribuables selon le principe du payeur–utilisateur: les impôts que chaque contribuable paie doivent inclure également les bénéfices que celui-ci retire de l’utilisation des infrastructures qui sont financées par l’endettement public dont l’amortissement et le paiement des intérêts seront dès lors assurés par ce prélèvement fiscal.

En attendant que les dépenses liées à l’instruction soient considérées comme étant des investissements, de manière similaire aux dépenses pour les infrastructures physiques de l’État, la zone euro doit éviter que la vision néolibérale prônant «moins d’État et plus de marché» sape le fondement éthique de l’endettement public pour le financement de ces infrastructures dont bien des pays de l’Euroland ont cruellement besoin pour sortir de la crise économique et accroître le bien-être des peuples victimes de l’idée (devenue une véritable idéologie) consistant à croire que l’endettement de l’État est à condamner a priori.

Certes, la langue allemande utilise le même mot (Schuld) pour indiquer la dette et la faute, mais de là à croire que tout ce qui brille est de l’or, il existe un grand écart qu’il ne faudrait jamais oublier, notamment quand l’on introduit sans discernement des règles de politique économique et des sanctions pour leurs transgresseurs.

Les conflits d’intérêt de la «haute finance»

La réforme de la finance globale piétine alors que de potentiels conflits d’intérêt sont de plus en plus évidents dans les milieux de la «haute finance».

Un nombre croissant d’anciens banquiers centraux sont engagés, peu après leur départ, au sommet d’institutions financières de premier plan au niveau mondial (comme Axel A. Weber, qui est passé de la Deutsche Bundesbank à UBS, et Philipp M. Hildebrand, engagé par BlackRock quelques mois après sa démission de la Banque nationale suisse). Dans le sens inverse, de très hauts dirigeants de sociétés financières d’envergure mondiale sont embauchés à la direction des banques centrales (notamment Mario Draghi, un ancien dirigeant de Goldman Sachs qui préside la Banque centrale européenne, et Stanley Fischer, qui avant de devenir le gouverneur de la banque centrale en Israël fut vice-président de Citigroup). L’annonce que le gouverneur actuel de la Banque du Canada succédera l’année prochaine à Mervyn King à la tête de la Banque d’Angleterre augmente les soucis liés à de possibles conflits d’intérêt dans la sphère financière de l’économie «globalisée».

Si l’indépendance de la banque centrale par rapport au gouvernement de son propre pays est invoquée par les tenants de la financiarisation de la dette publique, la cohérence avec les principes sous-jacents à cette séparation des pouvoirs exige que les autorités monétaires doivent être indépendantes des sociétés financières de l’économie privée. De là, il en découle que la «libre circulation» des hauts dirigeants entre les banques centrales et les institutions financières privées, ou vice versa, devrait être interdite au plan global, ne serait-ce que pour des raisons de crédibilité et réputation des personnes et institutions concernées.

Cette discrépance évidente entre l’éthique des milieux financiers et les contraintes que le secteur public doit respecter se retrouve également – depuis l’éclatement de la crise financière globale en 2008 – entre les mesures d’austérité imposées par les créanciers aux États en difficulté financière et l’absence de toute «conditionnalité» dans l’aide financière que plusieurs gouvernements ont octroyée à une panoplie d’institutions financières menacées de faillite à cause de leurs propres errements.

Malgré la globalisation des activités financières, l’on continue d’utiliser «deux poids et deux mesures» selon les intérêts particuliers dont il est question au sein de la «haute finance». Cela ne laisse augurer rien de positif pour éviter la prochaine crise systémique une fois que la crise actuelle aura été oubliée par ses responsables principaux.

La BCE toute puissante

L’ancien Président de la Commission européenne, Jacques Delors, avait fait remarquer que «peut-être pas tous les Allemands croient en Dieu, mais tous les Allemands croient en la Bundesbank». Il indiquait par là que la banque centrale allemande était réputée pour la ténacité avec laquelle elle luttait mordicus contre l’inflation, indépendamment de ce qui pouvait arriver à l’économie nationale. Une vénération analogue concerne désormais la Banque centrale européenne (BCE) dont les pouvoirs ont été considérablement accrus par la décision de lui confier la supervision bancaire au sein de la zone euro.

Or, comme cela arrive souvent, le diable se cache dans les détails. Le risque que l’Union bancaire européenne s’avère être un enfer pour les banques, et donc pour l’économie et la société de l’Euroland, n’est pas une vue de l’esprit. Les préposés à la supervision bancaire au sein de la BCE pourraient également regretter de devoir assumer cette lourde tâche et les responsabilités que cela comporte nécessairement.

Parmi les problèmes qui ne tarderont pas à surgir, limitons-nous à en relever deux affaiblissant la crédibilité de la BCE. Premièrement, la supervision bancaire exercée par cette dernière sera tributaire des renseignements livrés par les banques aux autorités nationales, qui, pour ne pas porter atteinte à la «compétitivité» de leur propre système économique, seront amenées à cacher une partie des informations cruciales ou à en retarder la transmission à la BCE. Deuxièmement, même pour les banques directement soumises à la supervision de la BCE, le volume des informations transmises à celle-ci deviendra rapidement ingérable par les surveillants bancaires, qui devront alors se contenter de procéder par échantillonnage, avec les risques que cela comporte pour la stabilité financière dans l’ensemble de la zone euro.

Celles et ceux qui croient en la toute puissance des banques centrales, notamment en Europe, risquent d’être gravement déçus avant la fin de cette décennie. Il suffirait pourtant de se rappeler le message de Marc Twain, selon lequel «l’Histoire ne se répète pas, mais elle rime», pour éviter de reproduire à l’échelle de l’Euroland des erreurs analogues à celles observées au sein de bien des pays «avancés» en ce début de siècle. «Errare humanum est, perseverare autem diabolicum, et tertia non datur.»

Une faillite qui ne dit pas son nom

La réunion des ministres des finances de la zone euro qui se tiendra le 13 décembre prochain officialisera implicitement la faillite du processus d’intégration monétaire européenne évitant d’annoncer officiellement le défaut de paiement pour les créanciers de l’Etat grec, grâce à une aide financière de 34,4 milliards d’euros versés avant la fin de cette année dans les caisses publiques d’Athènes mais dont la grande majorité des destinataires finals sont à l’étranger.

L’adoption des mesures décidées lors du énième sommet européen à Bruxelles à la fin du mois passé (un marathon de négociations durant environ 13 heures) permettra, en fait, de sauver les apparences et de gagner ainsi encore du temps, si possible jusqu’à l’élection du prochain Chancelier en Allemagne, avant de reconnaître la faillite de l’Euroland au plan économique, politique et institutionnel.

Si les politiciens appelaient un chat un chat, les mesures que la Troïka (formée par des «experts» de la Banque centrale européenne, de la Commission européenne ainsi que du Fonds monétaire international) a adoptées à la fin du mois passé devraient être identifiées comme étant un défaut partiel de paiement de la dette publique grecque durant les prochaines 15 années.

Le rachat des obligations du gouvernement d’Athènes avec une décote moyenne de 65 pour cent, que l’Etat grec doit effectuer avant le 13 décembre prochain afin que celui-ci obtienne la tranche d’aide de 34,4 milliards d’euros avant la fin de l’année, ainsi que la prolongation de 15 ans de la maturité des emprunts contractés par le secteur public grec reviennent, en effet, à un défaut de paiement dans la réalité des faits.

Le malheur, une fois de plus, ne sera pas celui des créanciers qui ont prêté de manière irresponsable à la Grèce en tablant sur le fait que la zone euro est trop grande pour faire faillite, mais il frappera les Grecs qui subiront les conséquences négatives des mesures d’austérité que la Troïka durcira au fur et à mesure que l’assainissement des finances publiques d’Athènes renverra aux calendes grecques la réalisation des deux ratios dette publique/PIB et déficit public/PIB considérés comme des fétiches par les tenants de l’«austérité expansionniste».

«Rubik» est un cadeau empoisonné

La période de l’Avent suscite beaucoup d’attentes, même parmi celles et ceux qui espèrent s’acquitter à bon compte de leurs péchés plus ou moins graves selon la justice terrestre. Il en est ainsi également pour les accords dits «Rubik» pour le prélèvement d’un impôt libératoire auprès des banques helvétiques. Ces accords semblent désormais être condamnés à échouer en ce qui concerne l’Allemagne – à défaut d’un miracle lors de la procédure de conciliation qui doit se tenir la semaine prochaine entre les deux chambres du Parlement à Berlin – alors que leur définition avec l’Italie pourrait être finalisée avant la fin de cette année, si un certain nombre de questions d’ordre technique ou politique sont résolues de manière acceptable pour l’ensemble des parties prenantes.

Quoi qu’il en soit avant Noël, si ces accords sont mis en œuvre ils vont s’avérer être un cadeau empoisonné pour la place financière suisse, à plusieurs égards.

D’une part, l’image que les accords «Rubik» véhiculent à l’étranger, et notamment dans les pays d’origine des fortunes étrangères placées en Suisse, n’aidera pas les institutions financières helvétiques à reconstruire leur virginité face à la clientèle transfrontalière, qui pourrait choisir de placer sa fortune dans de véritables paradis fiscaux ou de la déclarer aux autorités fiscales nationales en la rapatriant entièrement d’un seul coup ou de manière graduelle.

D’autre part, au fur et à mesure que le nombre d’accords «Rubik» ira en augmentant, les coûts et les risques pour les banques helvétiques seront multipliés de manière exponentielle. Si les coûts de ces accords peuvent être transférés à la clientèle de ces banques, les risques liés à la mise en œuvre de «Rubik» ne pourront pas être externalisés par les institutions bancaires suisses et pèseront de toute leur force sur celles-ci. Il ne s’agira pas seulement des risques de se tromper lors de l’application des législations fiscales étrangères, mais aussi des risques découlant de la réduction du nombre des marchés étrangers que les banques de petite ou moyen taille en Suisse devront accepter de toute manière pour s’assurer des marges bénéficiaires à la hauteur des attentes de leurs dirigeants et actionnaires principaux.

Les banquiers éclairés sur la place financière suisse ont déjà fait savoir qu’ils se préparent désormais à l’échange automatique d’informations. Il reste à savoir s’il s’agit d’un vœu pieux ou d’un acte de contrition. L’annonce ne tardera pas et sera accompagnée par bien des prières.

La réforme des retraites doit viser les jeunes

La réforme de l’AVS et de la prévoyance professionnelle est un défi monumental au vu des enjeux socio-économiques que cela comporte.

Les orientations de la réforme de la prévoyance vieillesse annoncées par le Conseil fédéral le 21 novembre 2012 ont deux lacunes majeures à cet égard.

D’une part, le relèvement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et l’adoption d’incitations financières à travailler au-delà de l’âge légal de la retraite pour l’ensemble de la population active vont rendre plus difficile l’accès au marché du travail pour les jeunes ayant terminé leur formation. Cela aura des conséquences négatives notamment sur le taux de croissance du revenu national ainsi que sur le taux de natalité et aggravera dès lors les problèmes de financement des retraites à moyen-long terme.

D’autre part, le projet du Conseil fédéral implique que les caisses de pension vont continuer à prélever sur les marchés financiers une partie de l’épargne disponible, plutôt que de contribuer à former une nouvelle épargne à travers des investissements productifs, afin de garantir le versement des rentes aux assurés du deuxième pilier. Cette captation de rentes financières est également un facteur de chômage, surtout pour les jeunes, qui pourraient espérer de trouver moins difficilement une place de travail si l’épargne gérée par les caisses de pension était investie de manière productive au lieu d’être placée selon une logique prédatrice sur les marchés financiers.

Plutôt que de se concentrer sur la prolongation de la vie active des personnes exerçant une activité professionnelle, la réforme de la prévoyance vieillesse devrait permettre de répondre aux soucis liés à l’emploi des jeunes après leur formation, afin d’être soutenable et conforme à l’éthique sociale.