Comme l’avait fait remarquer Ralph George Hawtrey (1932, p. vi), «la politique monétaire est un art plutôt qu’une science». Cela signifie que les banquiers centraux doivent avoir des capacités qui vont au-delà de la modélisation (économétrique) du (dys)fonctionnement des systèmes économiques contemporains, ne serait-ce qu’à cause du fait qu’il n’y a aucun consensus, en l’état, sur le modèle à utiliser pour comprendre la complexité et les interconnexions des activités économiques du monde réel.
Les capacités dont doit disposer un banquier central afin de bien faire son travail sont nombreuses et transversales. Elles concernent, tout à la fois, la prise de décisions au sein de l’autorité monétaire et la façon dont ces décisions sont communiquées aux diverses parties prenantes (ménages, entreprises, institutions financières) directement ou par les médias les plus disparates (journaux, radiotélévision, réseaux sociaux ou écrans de Reuters et Bloomberg).
En ce qui concerne la prise de décisions, un bon banquier central sait que tout modèle économique n’est qu’une simplification de la réalité et, qui plus est, ses résultats sont toujours tributaires d’un nombre élevé d’hypothèses dont seulement une partie est explicitée par son auteur. Même lorsqu’on utilise une panoplie de modèles différents, la synthèse de leurs résultats est partielle et doit toujours être soumise à la critique.
En lisant les publications scientifiques des candidats autoproclamés au poste de banquier central ces derniers temps, force est de constater le manque de recul et de remise en question de la prétendue scientificité des modèles proposés par des économistes ayant le «syndrome de la prétention de la connaissance» (Ricardo Jorge Caballero, 2010, p. 87).
Qui plus est, un bon banquier central connaît l’histoire monétaire ainsi que l’histoire de la pensée monétaire et reconnaît l’importance de ces connaissances pour (1) la compréhension de la réalité contemporaine et (2) la prise de décisions éclairée et contribuant à garantir la stabilité financière du système économique dans son ensemble.
Or, à en juger par les déclarations de quelques banquiers centraux «en devenir», il est à craindre que leur épaisseur culturelle soit inversement proportionnelle à leur foi en la modélisation économique comme outil à même de remplacer la connaissance de l’histoire et des institutions qui ont façonné la trajectoire de l’économie contemporaine depuis la fin de l’étalon-or.
Il serait bon de soumettre les futurs banquiers centraux à des examens d’histoire monétaire et d’histoire de la pensée monétaire, même si cela comporte le risque de n’avoir pas suffisamment de candidats promus…