Finance virtuelle et risques réels

De plus en plus de banques suisses étudient volens nolens comment profiter de l’économie «numérique» (entendez par cela les possibilités de faire des profits en exploitant les technologies de la communication moderne, comme Internet et les réseaux sociaux à l’instar de Twitter et Facebook).

Ces dernières semaines, les annonces des possibilités de mener à bien des paiements par les téléphones portables dits «intelligents» (qui sont connus par l’expression «smartphones») se sont multipliées en Suisse et ailleurs. On sent que le secteur bancaire cherche une nouvelle poule aux œufs d’or. Or, la prudence serait de mise, aussi bien du côté de la clientèle bancaire que des institutions de crédit à la consommation.

Il est indubitable que l’avènement et la diffusion des technologies pour les paiements par «smartphones» permettront une forte croissance du volume des ventes de ces téléphones portables ainsi que de l’émission de nouvelles cartes de crédit, avec comme corollaire l’augmentation du nombre de titulaires d’un compte bancaire. Si cela est, théoriquement, un moyen d’inclusion financière pour les catégories de personnes qui, autrement, auraient bien plus de peine à participer à la vie économique contemporaine, cela comporte aussi, en réalité, un risque considérable qu’une partie non-négligeable des utilisateurs de «smartphones» se laissent fourvoyer et négligent par conséquent d’utiliser leur capacité financière de manière soutenable.

En clair, s’il suffit de rapprocher son téléphone portable d’un écran à la caisse du magasin concerné afin de payer ses achats (de petit ou gros montant), cela peut faire oublier la contrainte de dépense (à savoir, les revenus qu’il faut gagner tôt ou tard pour régler ses dettes). Il n’y a rien de mieux que le contact visuel et manuel avec la monnaie sonnante et trébuchante (pièces et billets de banque) pour rappeler régulièrement aux agents leur contrainte à cet égard.

Après la crise des «subprime» éclatée en 2007 y aura-t-il dès lors une crise des «smartphones» avant la fin de cette décennie?

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.