La culpabilité de Credit Suisse est «too big to be ignored»

L’aveu de culpabilitéguilty plea») de Credit Suisse aux États-Unis se résume essentiellement en deux points:

  • «Credit Suisse a plaidé coupable d’avoir volontairement conseillé et aidé des clients américains à préparer des “déclarations fiscales tronquées” et échapper aux impôts aux États-Unis» (Agence télégraphique suisse, 20 mai 2014).
  • «Reconnaissant sa culpabilité, le numéro deux bancaire helvétique va au total payer une amende record de 2,815 milliards de dollars (2,51 milliards de francs)» (ibidem).

Cela appelle les remarques suivantes:

  • L’amende colossale que Credit Suisse va devoir payer ne sera pas déduite des rétributions extravagantes des dirigeants (du passé ou du présent) de la banque (qui est encore «too big to fail»).

  • Cette amende ne sera vraisemblablement pas imputée aux cadres de la banque qui ont été impliqués directement dans les affaires de soustraction fiscale aux États-Unis (mais qui risquent d’écoper d’une peine privative de liberté, s’ils sortent des frontières helvétiques).

  • L’amende sera finalement payée par les actionnaires de la banque, par une réduction de leurs dividendes, ainsi que par l’ensemble des contribuables suisses, si Credit Suisse peut insérer une partie (ou la totalité) de cette amende parmi ses coûts et payer ainsi (beaucoup) moins d’impôts en Suisse.

Les actionnaires de Credit Suisse devraient également s’interroger et agir sur la taille de cette banque, qui visiblement est trop grande pour être gérée correctement («too big to be managed»), au vu des propos rapportés à la radio SRF par le Président du Conseil d’administration de la banque lors de l’annonce du «plaider-coupable» de Credit Suisse et que la Sonntagszeitung avait résumés ainsi le jour précédent: «nous menions une activité criminelle, mais nous ne le savions pas». Cela est d’autant plus grave que (selon la plainte des autorités américaines que Credit Suisse a acceptée en plaidant coupable) «pendant des décennies avant 2009 […] Credit Suisse […] a illégalement, volontairement, intentionnellement et sciemment comploté [] pour volontairement aider […] et conseiller [sa clientèle américaine] à préparer et à présenter des fausses déclarations de l’impôt sur le revenu et d’autres documents [aux autorités fiscales des États-Unis]».

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.