La crise financière globale éclatée après la mise en faillite de Lehman Brothers aux États-Unis, le 15 septembre 2008, est en train d’avoir un effet structurel sur le marché du travail: les jeunes n’ont plus autant d’aspiration de travailler dans le secteur financier et notamment dans le domaine bancaire que cela était encore le cas au début du XXIème siècle.
Selon un sondage publié le 29 octobre 2013 par Deloitte, en Suisse les étudiants en sciences économiques sont moins attirés qu’avant la crise par les professions de l’industrie bancaire, dont l’image a été ternie par les scandales récents (manipulations des taux d’intérêt et des taux de change, aide proactive à la soustraction d’impôts par la clientèle «off-shore», délits boursiers et fraudes dans la titrisation des créances). Si, autrefois, le travail à la chaîne de production au sein d’une fabrique de n’importe quelle branche industrielle était considéré comme une forme d’aliénation des travailleurs, aujourd’hui il suffit de jeter un coup d’œil à n’importe quelle photo d’une «salle de marchés» d’une grande banque (dont la surface utile équivaut à celle de deux terrains de football) pour comprendre la perte d’attrait de la profession bancaire.
Il est vrai que la rémunération des collaborateurs d’une banque comme de bien d’autres institutions financières demeure intéressante lorsqu’on la compare aux rétributions versées dans beaucoup d’autres branches d’activité. On peut également admettre que, comme le prétendent les économistes néoclassiques, le salaire doit correspondre à la désutilité du travail accompli (lorsque celle-ci augmente, celui-là doit augmenter aussi). Mais il est tout aussi vrai que la rémunération d’un travailleur ne doit pas être le seul moment de bonheur de celui-ci durant son activité professionnelle, a fortiori si, comme il semblerait être le cas des jeunes générations, un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle est plus important que la rémunération pour les choix de carrière.
Ce retour du balancier aura des effets positifs sur la croissance économique et sur la qualité de vie de l’ensemble de la population, dans la mesure où il contribuera à réduire l’instabilité financière systémique et à réorienter les jeunes talentueux vers des professions à haute valeur ajoutée dans le domaine industriel.