Les étudiants en sciences économiques réclament d’être mieux formés à l’université: en Europe comme aux États-Unis ils sont de plus en plus nombreux à demander un profond renouvellement de l’enseignement à partir de la première année d’études, «dominée par les mathématiques et les questions à choix multiples» qui les empêchent de «développer les capacités nécessaires pour interroger de façon critique, évaluer et comparer les différentes théories économiques», comme l’a rapporté The Guardian le 24 octobre 2013 et a ensuite été étayé par un certain nombre d’enseignants–chercheurs qui défendent une autre approche aux questions d’ordre économique.
Cette demande «par le bas» existe aussi en Suisse et notamment à l’Université de Zurich, où des étudiants ont écrit récemment une lettre ouverte à la Faculté des sciences économiques, afin que l’économie devienne une discipline d’études comme les autres, c’est-à-dire qu’elle considère différentes explications du même phénomène au lieu d’être enseignée à partir d’une pensée unique – celle de l’école néoclassique qui domine aujourd’hui de manière écrasante et évite, par conséquent, de se remettre en question face à la crise actuelle.
Cette remise en question est d’autant plus urgente que, comme l’a fait remarquer Paul Krugman dans son op-ed pour le New York Times, «ce que le top 1 pour cent veut devient ce que la science économique nous dit qu’il faut faire». Il en veut pour preuve les mesures d’austérité qui à travers les pays «avancés» ont permis aux plus riches de s’enrichir par l’augmentation des profits et des cours boursiers, au détriment du reste de la population dont le taux de chômage est inquiétant pour la société dans son ensemble.
Certes, tant que nous aurons «une politique [économique] du 1%, par le 1% et pour le 1%, nous n’allons avoir que de nouvelles justifications pour les mêmes vieilles politiques» (Krugman, ibidem). En fait, comme l’affirmait Max Planck (Prix Nobel de physique en 1918) dans sa Wissenschaftliche Selbstbiographie (1948, p. 22, nous traduisons), «[u]ne vérité nouvelle, en science, n’arrive jamais à triompher en convainquant les adversaires et en les amenant à voir la lumière, mais plutôt parce que finalement ces adversaires meurent et qu’une nouvelle génération grandit à qui cette vérité est familière». Or, cette nouvelle génération (d’économistes) doit être formée, mais pour ce faire les enseignants–chercheurs doivent placer le bien commun au-dessus de leurs propres intérêts et des intérêts du «top 1 pour cent». Dans le cas contraire, l’économie restera une «science lugubre» (P. Samuelson) et continuera à inquiéter le 99 pour cent de la population.