Le Département du Trésor états-unien a publié un rapport dans lequel il reproche à l’Allemagne d’avoir une demande intérieure trop faible et de faire reposer la croissance de son économie sur les exportations, au détriment de l’ensemble de la zone euro: «Le rythme anémique de croissance de la demande en Allemagne et sa dépendance des exportations ont entravé le rééquilibrage à une période où beaucoup d’autres pays de la zone euro ont été sous forte pression pour réduire leur propre demande et comprimer les importations afin de promouvoir l’ajustement. Le résultat net a comporté un biais déflationniste pour la zone euro ainsi que pour l’économie mondiale.»
L’importance du rééquilibrage des déséquilibres internationaux par les pays excédentaires et pas seulement par les pays déficitaires avait été déjà mise en exergue lors de la conférence de Bretton Woods en 1944 et notamment dans le cadre du fameux «Plan Keynes» pour la réforme du système monétaire international. Si à l’époque ce plan avait été vite écarté au profit du «Plan White» mettant le dollar états-unien au centre du «non-système» monétaire international (John Williamson) que nous connaissons encore de nos jours, il pourrait refaire surface à présent et rendre service à l’économie états-unienne dont le déficit courant face à bien des pays, notamment la Chine, ne pourra pas être réduit sans que les pays excédentaires contribuent au processus de rééquilibrage.
Le Département du Trésor états-unien s’inscrit dans cette démarche et fait remarquer dans son rapport qu’«une croissance plus forte de la demande intérieure dans les économies européennes excédentaires, en particulier en Allemagne, aiderait à faciliter un rééquilibrage durable des déséquilibres dans la zone euro.»
Cela serait d’ailleurs conforme aux règles de la Procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques faisant partie du paquet législatif («six-pack») qui est entré en vigueur le 13 décembre 2011 en vue de renforcer la surveillance budgétaire et macroéconomique dans la zone euro et dans l’ensemble de l’Union européenne. Parmi les indicateurs prévus dans le tableau de bord pour la réduction des déséquilibres macroéconomiques se trouve, en effet, la moyenne mobile sur trois ans du solde des transactions courantes en pourcentage du Produit intérieur brut (PIB), qui doit se situer «dans une fourchette comprise entre +6% et –4% du PIB.»
Même en acceptant l’asymétrie des bornes positives (+6 pour cent) et négatives (–4 pour cent), qui relève d’une vision dogmatique, force est de constater que l’excédent courant de l’Allemagne ne respecte pas ce critère déjà depuis 2007. Il faudra vérifier si elle est amenée à réduire son excédent courant pour respecter la fourchette prévue à cet égard, mais il est fort probable qu’il n’en sera rien car, à l’instar des excédents budgétaires, les excédents courants sont considérés comme étant des vertus indépendamment de leurs conséquences négatives à travers le système économique global.