Les non-dits du sauvetage d’UBS

Le 16 octobre 2013 a marqué le cinquième anniversaire du sauvetage d’UBS par la Confédération et la Banque nationale suisse. Nombreux commentateurs ont fait remarquer le succès de ce montage financier, échafaudé dans l’urgence durant les semaines qui suivirent la mise en faillite de Lehman Brothers aux États-Unis.

Il existe toutefois des zones d’ombre dans ce sauvetage, qu’il faudrait éclairer par souci d’honnêteté intellectuelle et de transparence face au contribuable helvétique.

Premièrement, comment est-il possible que la Confédération ait obtenu un bénéfice net de quelque 1,2 milliard de francs du prêt de 6 milliards de francs que le 16 octobre 2008 elle avait octroyé à UBS pour une durée de 30 mois, au taux d’intérêt de 12,5 pour cent, sachant que durant l’été 2009 cet emprunt a été converti en actions (à un prix de 18,06 francs par action), que la Confédération a aussitôt vendu à un prix de 16,74 francs par action?

En réalité, la Confédération a essuyé une perte lors de la vente de son paquet de 332,2 millions d’actions UBS, étant donné qu’elle a encaissé 16,74 francs par action, qu’elle avait payée 18,06 francs. Cela fait alors une perte de (332,2 millions d’actions x 1,32 francs =) 438,5 millions de francs, sans compter les commissions et autres frais qu’elle a dû payer aux cinq banques d’investissement par le truchement desquelles elle a vendu son paquet d’actions UBS.

Qui plus est, pourquoi UBS a été d’accord de verser une indemnisation de quelque 1,8 milliard de francs à la Confédération, pour lui racheter le droit au paiement des coupons de l’emprunt contracté, sachant que cette somme correspond aux intérêts dus pour la durée de 30 mois de l’emprunt, alors que celui-ci a été remboursé bien avant l’échéance?

Deuxièmement, qui a été en charge d’évaluer la valeur des titres «illiquides» que le StabFund de la Banque nationale suisse a repris d’UBS et quelles hypothèses de travail ont été émises pour ce faire? De surcroît, qui va déterminer – et sur quelles bases méthodologiques – la valeur des actifs se trouvant dans le portefeuille du StabFund lors de son rachat par UBS, qui a annoncé vouloir le conclure avant la fin de cette année?

Ces questions ne relèvent pas simplement d’une curiosité historique. Il en va de la stabilité financière de l’ensemble de l’économie nationale, à commencer par les banques qui sont encore «trop grandes pour faire faillite» et qui pourraient être aussi «trop grandes pour être sauvées» lors de la prochaine crise financière.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.