Compétitivité et coût du capital

La majorité des économistes et des politiciens à l’échelle mondiale est obnubilée par la «compétitivité» de leur pays. Celle-ci est devenue une obsession désormais, notamment pour les pays «périphériques» de la zone euro, confrontés à des difficultés dramatiques et monumentales à la fois, suite à l’éclatement de la crise et à la mise en œuvre des plans d’austérité qui, en fait, ont aggravé la situation socio-économique dans ces pays, comme l’a clairement mis en exergue «L’avertissement des économistes» publié dans le Financial Times du 23 septembre 2013.

Le mantra des économistes alignés pour défendre mordicus l’idéologie néolibérale est celui des «réformes structurelles», en particulier celles touchant au «marché du travail». Il s’agirait de libéraliser davantage ce marché, pour réduire le coût du travail (entendez les salaires ainsi que les cotisations sociales des employeurs) afin que les prix des produits vendus par les entreprises concernées puissent diminuer. Mis à part le fait incontournable que la diminution des salaires réduit la capacité des salariés pour acheter les biens et services auprès des entreprises (qui, à défaut de pouvoir écouler leurs produits par ailleurs, devront réduire alors la production et le niveau d’emploi), il reste que le coût du travail n’est pas la seule composante des coûts de production et, par là, de la «compétitivité» d’une firme ou de l’ensemble de l’économie nationale.

Si l’on considère la totalité des coûts de production qu’une entreprise doit supporter, force est de constater que le coût du capital joue un rôle majeur dans la «compétitivité» nationale et internationale de celle-ci. À bien regarder, c’est le coût du capital qui, dans les pays en détresse au sein de la zone euro, empêche leur économie nationale d’augmenter le degré de «compétitivité» par rapport au reste du monde: les banques et les autres bailleurs de fonds exigent des rendements financiers que les entreprises dans ces pays ne peuvent aucunement payer dans la situation actuelle et au vu des perspectives sur un horizon temporel de moyen terme. S’il faut dès lors mettre en place des «réformes structurelles» visant à accroître la «compétitivité» des pays méditerranéens au sein de l’Euroland, il est nécessaire de réduire le coût du capital plutôt que le coût du travail: les titulaires de rentes financières, en effet, ont en général une propension à consommer moindre que celle des travailleurs dépendants – dont les dépenses de consommation sont le tenant et l’aboutissant des activités économiques dans n’importe quel pays. Il est urgent de considérer ce principe élémentaire de l’économie politique, si l’on veut éviter une recrudescence des tensions sociales qui pourraient amener les nations européennes dans un gouffre similaire à celui des années 1930.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.