Le faux dilemme de la BCE

L’été a été chaud et perturbé dans la zone euro. Nous l’avions anticipé. En fait, cet été a été frappé par une tempête dans un verre de… bière. La Banque centrale européenne (BCE) ainsi que les intervenants sur les marchés financiers de la zone euro ont été secoués par des propos de Mario Draghi appuyés par ceux de deux membres du Directoire de la BCE, qui ont tous plaidé pour la publication des procès-verbaux des réunions du Conseil des gouverneurs de la BCE, qui décide la politique monétaire pour l’ensemble de l’Euroland.

Cette «transparence» du processus de décision de l’autorité monétaire est censée accroître la crédibilité mais aussi la responsabilité de la BCE à l’instar de ce qui se fait déjà, à première vue, dans d’autres banques centrales importantes – comme la Réserve fédérale américaine, mais pas la Banque nationale suisse (qui ne souhaite pas publier les traces des discussions se déroulant au sein de son Directoire, avant un délai de trente ans qui ne peut donc intéresser que quelques historiens).

Or, à bien y regarder, la publication des «minutes» n’a pas une grande importance en réalité: comme le savent les membres de n’importe quel parlement (ou de n’importe quelle faculté universitaire), les discussions importantes sont très souvent menées avant – plutôt que pendant – les séances officielles, qui impliquent la rédaction d’un procès-verbal. Ceci a l’avantage de pouvoir arriver en séance avec une position commune rassemblant un nombre suffisamment élevé de voix pour emporter tout vote à ce sujet afin que la discussion officielle puisse être très courte et sans trop d’affrontements personnels (qui feraient mauvaise presse, au détriment de la stabilité institutionnelle).

Au-delà des questions de «façade», qui relèvent hypocritement de ce qui est «politiquement correct», ce qui compte vraiment, au final, c’est l’attitude (éthique) et l’approche (systémique) par rapport à n’importe quel choix de société. La formation et le parcours professionnel de tout économiste – pas seulement des banquiers centraux – devraient être marqués par ces deux capacités. Tout le reste, y compris les procès-verbaux, est insignifiant dans la réalité des faits.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.