Cinq ans après Lehman Brothers

Le 15 septembre 2008, le monde entier se réveilla en apprenant que Lehman Brothers, l’une des plus grandes banques d’affaires au plan global, avait été déclarée en faillite aux États-Unis. C’était le début de la crise globale et systémique. Cinq ans après, le monde est toujours confronté aux conséquences directes ou indirectes de cette crise, qui pourrait marquer le début de la fin du régime de «financiarisation» de nos systèmes économiques.

Or, les tenants de ce régime ne cessent d’œuvrer pour en retarder sa disparition car celle-ci limiterait beaucoup leurs privilèges, même s’ils sont incompatibles avec les principes du libéralisme économique. En effet, les banques qui étaient «trop grandes pour faire faillite» le sont restées, voire elles ont augmenté leur importance systémique suite à l’intégration de sociétés financières de plus petite taille menacées par la faillite. Les médias, politiciens et enseignants–chercheurs soudoyés par les milieux d’affaires continuent de considérer les marchés comme étant des personnes, qui au demeurant ont toujours raison: il serait dès lors vain et sacrilège de s’opposer à la «loi du marché» (qui, en fait, est une «loi de la jungle» sous le régime de la financiarisation, où les plus gros acteurs dévorent les plus petits sans égard aux conséquences de leurs actes pour la diversité des espèces ainsi que pour la durabilité de l’ensemble de la société).

Il suffit, par ailleurs, d’entrer dans une salle de cours d’une quelconque faculté des «sciences économiques» (l’année académique commence aujourd’hui dans les universités suisses) pour se rendre compte à quel point rien n’a changé, sur le fond, dans la recherche et l’enseignement d’une discipline si importante pour le développement et le bien-être de l’humanité. La population et les autorités politiques dans les pays soi-disant avancés devraient exiger l’introduction d’une sorte de serment d’Hippocrate pour tout(e) économiste formé(e) grâce aussi à l’argent des contribuables. Ce serait une étape importante pour éradiquer ce que certains appellent désormais «l’économie guépard», à savoir les changements de façade que les économistes néolibéraux ont apportés à leur propre doctrine (à l’origine du régime de la financiarisation et de sa crise), pour que «tout change, afin que tout reste comme avant» en réalité.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.