Les flagrantes contradictions de la BCE

La décision de ne pas réduire les taux d’intérêt dans la zone euro, que la Banque centrale européenne (BCE) a annoncée le 7 mars 2013, est contraire à la stratégie de politique monétaire de cette institution. Cela confirme et renforce son biais contre la croissance économique au sein de l’Euroland, notamment à une période de grande récession, voire de dépression économique dans bien de ses pays membres.

La stratégie adoptée officiellement par la BCE repose sur deux piliers et une cible pour le taux d’inflation, qu’elle souhaite voir proche mais en deçà de 2 pour cent sur base annuelle (il existe désormais un vaste consensus à cet égard selon lequel la BCE viserait en général un taux d’inflation de 1,9 pour cent). Le premier pilier réunit les informations sur l’état et l’évolution prévue des grandeurs macroéconomiques à travers la zone euro. Le deuxième pilier porte sur le niveau et la variation de la «masse monétaire» dans l’Euroland.

Cette stratégie est censée être symétrique: quand l’analyse découlant de ses deux piliers affiche un risque d’inflation, la BCE augmente les taux d’intérêt directeurs, qu’elle réduit lorsque son analyse indique qu’il y a un risque d’être bien au-dessous du taux d’inflation visé.

Or, en réalité, les choix de la politique monétaire européenne ont été et sont asymétriques, c’est-à-dire qu’ils poussent les taux d’intérêt vers le haut lorsque la BCE prévoit des pressions inflationnistes, mais ne font pas diminuer les taux d’intérêt lorsque le taux d’inflation prévu est plus bas que la cible d’inflation. Le premier Président de la BCE l’avait bien reconnu, implicitement, lorsqu’il avait affirmé, dans une audition devant la Commission économique et monétaire du Parlement européen, que «dans la pratique, nous sommes davantage enclins à agir lorsque l’inflation tombe en dessous de 1% ou menace d’excéder les 2% à moyen terme».

Cela signifie qu’il suffit pour la BCE de prévoir que le taux d’inflation va dépasser 2 pour cent pour augmenter ses taux d’intérêt, alors qu’il faut que le taux d’inflation mesuré au sein de l’Euroland tombe au-dessous de 1 pour cent avant que la BCE ne décide de réduire ses propres taux d’intérêt. Cette attitude freine la croissance économique et n’allège pas le service de la dette publique, contribuant par là aux effets négatifs de l’austérité imposée à la population européenne.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.