L’Europe a besoin d’un «New Deal»

Les prévisions économiques publiées par la Commission européenne le 22 février 2013 doivent interpeller l’ensemble des parties prenantes, à commencer par les partisans des mesures d’austérité imposées à la population de l’Euroland par des «experts» envoyés en «mission» par des technocrates ignorant la justice sociale et qui ne connaissent pas les lois de fonctionnement de nos systèmes économiques.

Plutôt que de menacer de sanctions les pays (comme la France) dont le déficit public dépasse la limite de 3 pour cent du PIB (une limite qui n’a aucun fondement dans l’analyse économique), la Commission et le Parlement européens devraient s’attaquer aux facteurs du chômage et de la pauvreté, qui s’aggravent dans l’ensemble de l’Union européenne et que le budget communautaire pour la période 2014–2020 ne pourra aucunement réduire.

Le 80ème anniversaire du lancement du «New Deal» états-unien (1933) offre une occasion de réflexion formidable à cet égard. Non seulement la finance débridée des années 1920 fut strictement réglementée avec, entre autres, la séparation entre les banques de dépôts et les banques d’affaires, mais également les très hauts revenus furent imposés avec des taux marginaux relevés parfois jusqu’à 90 pour cent. Ces mesures visaient la stabilité financière de l’économie américaine et permirent au secteur public de financer des dépenses d’investissement dont le pays avait besoin pour assurer la prospérité et le développement de toute sa population. Cela donna naissance à la classe moyenne dont l’essor fut le moteur de la croissance économique aux États-Unis et dans le reste du monde pour trois décennies.

Durant les «Trente glorieuses» années (1946–1973) qui suivirent la fin de la Deuxième guerre mondiale, et qui coïncident avec le système de Bretton Woods, les pays «avancés» sur le plan économique ont affiché une remarquable stabilité et performance, que le passage graduel aux politiques néolibérales adoptées dès la fin du régime de changes fixes a affaiblies de plus en plus, creusant au demeurant les inégalités sociales jusqu’à faire éclater en 2007 la plus grande crise après celle de 1929.

La conclusion s’impose d’elle-même: si l’Union européenne veut éviter que la crise économique devienne aussi une crise sociale d’envergure continentale, ses dirigeants doivent mettre sur pied un «New Deal» qui réponde aux défis de la modernité tout en contribuant à la construction de la «maison Europe». En admettant leur bonne volonté pour ce faire, il reste à savoir s’ils en auront le temps.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.