L’analyse économique souffre de beaucoup de défauts fondamentaux malheureusement. L’un d’entre eux est particulièrement fâcheux car il concerne l’honnêteté intellectuelle des économistes qui s’alignent très souvent sur des positions idéologiques ou sur les intérêts des groupes d’influence au sein d’un pays ou de l’économie «globalisée». Sous les apparences d’un travail (pré)scientifique, ces économistes prétendent (dé)montrer, par exemple, qu’une branche d’activité économique, voire une économie nationale dans son ensemble, doivent réduire les «coûts du travail» (entendez les salaires bruts et les assurances sociales) afin d’augmenter leur degré de «compétitivité» face à la concurrence.
Il en est ainsi, entre autres, pour le système économique en Grèce et en Italie dont la très grande majorité des économistes estiment que la «compétitivité» serait tributaire d’une réduction des rémunérations sur le marché du travail allant de pair avec une augmentation de ce qu’il a été coutume d’appeler la «productivité» des travailleurs (oubliant que, dans une économie de services, la mesure de cette productivité n’est pas possible objectivement). Des «réformes structurelles» du marché du travail, consistant à réduire les assurances sociales et à libéraliser et déréglementer ce marché, permettraient ainsi à l’ensemble du pays de se développer en termes économiques, notamment grâce aux biens que ses entreprises pourraient exporter suite aux dites «réformes».
Or, mis à part le fait incontournable que les pays ne peuvent pas être tous des exportateurs nets logiquement, et que pour le développement de certains pays il est bon d’importer davantage de produits de ce que ces pays exportent, il y a un élément qui dérange la conscience dans le discours des économistes alignés sur la pensée néolibérale: lorsque ces économistes «analysent» la place financière suisse, ils exigent que l’État assure les meilleures «conditions-cadre» (stabilité économique et des institutions politiques, fiscalité modérée, protection de la sphère et des données privées, sécurité juridique, faible bureaucratie), sans que, jamais, ils remettent en question les «coûts du travail» exorbitants de la catégorie des hauts dirigeants au sein de l’industrie financière.
Le débat autour de l’initiative Minder devrait représenter l’occasion de «mesurer» la productivité de ces «top managers» avec les instruments utilisés pour licencier ou réduire le salaire des personnes qui travaillent au sein des sociétés financières et ne font qu’obéir aux ordres de leur hiérarchie. On pourra alors comprendre que sur le «marché du travail» la relation salariale n’est aucunement une relation fondée sur la liberté d’échanger des parties contractantes, parce que les salariés n’ont pas de liberté d’action face à leurs dirigeants, qui les utilisent uniquement comme des moyens pour atteindre leurs propres objectifs personnels.
La responsabilité des collaborateurs n’est donc aucunement engagée, lorsque ceux-ci exécutent les tâches commandées par leur hiérarchie. Les listes des noms de collaborateurs des banques suisses envoyées aux États-Unis n’ont ainsi aucune importance juridique: leur existence ne fait que mettre davantage de pression sur ces collaborateurs, alors qu’il faudrait commencer à s’inquiéter de la fonction dirigeante au sein de leurs établissements dont certains demeurent à la fois «trop grands pour faire faillite» et «trop grands pour être gérés correctement» (selon l’aveu de Marcel Rohner, ancien CEO d’UBS, devant la commission du Parlement britannique sur les standards bancaires, le 10 janvier 2013).