Tout ce qui brille n’est pas or

Le premier janvier 2013 a marqué l’entrée en vigueur du «Fiscal compact» dans les pays membres de la zone euro. Le principe de base sanctionné par ce «Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire» européenne consiste à ancrer dans une loi fondamentale (comme la Constitution) au plan national l’obligation d’assurer l’équilibre budgétaire pour les finances publiques. Cela est censé traduire en pratique la «règle d’or» qui vise à empêcher les dérapages budgétaires et le surendettement public.

En fait, la «règle d’or» classique des finances publiques ne peut pas être réduite à l’équation «recettes fiscales = dépenses publiques» sans perdre sa dimension éthique. S’il convient de financer les dépenses de fonctionnement du secteur public par un montant équivalent d’impôts car cela permet de faire coïncider les payeurs avec les bénéficiaires de ces dépenses (pensons, par exemple, aux dépenses d’amortissement des infrastructures publiques ou aux dépenses des services généraux de l’État), il en est autrement pour les dépenses d’investissement dont les bénéficiaires sont en général répartis sur plusieurs générations de contribuables.

En clair, pour ne mentionner que deux exemples, la construction d’un pont autoroutier ou celle d’un réseau «wireless» à haut débit peuvent répondre à des besoins d’une collectivité publique à travers le temps. Ces dépenses d’investissement doivent donc être supportées par les contribuables selon le principe du payeur–utilisateur: les impôts que chaque contribuable paie doivent inclure également les bénéfices que celui-ci retire de l’utilisation des infrastructures qui sont financées par l’endettement public dont l’amortissement et le paiement des intérêts seront dès lors assurés par ce prélèvement fiscal.

En attendant que les dépenses liées à l’instruction soient considérées comme étant des investissements, de manière similaire aux dépenses pour les infrastructures physiques de l’État, la zone euro doit éviter que la vision néolibérale prônant «moins d’État et plus de marché» sape le fondement éthique de l’endettement public pour le financement de ces infrastructures dont bien des pays de l’Euroland ont cruellement besoin pour sortir de la crise économique et accroître le bien-être des peuples victimes de l’idée (devenue une véritable idéologie) consistant à croire que l’endettement de l’État est à condamner a priori.

Certes, la langue allemande utilise le même mot (Schuld) pour indiquer la dette et la faute, mais de là à croire que tout ce qui brille est de l’or, il existe un grand écart qu’il ne faudrait jamais oublier, notamment quand l’on introduit sans discernement des règles de politique économique et des sanctions pour leurs transgresseurs.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.