L’ancien Président de la Commission européenne, Jacques Delors, avait fait remarquer que «peut-être pas tous les Allemands croient en Dieu, mais tous les Allemands croient en la Bundesbank». Il indiquait par là que la banque centrale allemande était réputée pour la ténacité avec laquelle elle luttait mordicus contre l’inflation, indépendamment de ce qui pouvait arriver à l’économie nationale. Une vénération analogue concerne désormais la Banque centrale européenne (BCE) dont les pouvoirs ont été considérablement accrus par la décision de lui confier la supervision bancaire au sein de la zone euro.
Or, comme cela arrive souvent, le diable se cache dans les détails. Le risque que l’Union bancaire européenne s’avère être un enfer pour les banques, et donc pour l’économie et la société de l’Euroland, n’est pas une vue de l’esprit. Les préposés à la supervision bancaire au sein de la BCE pourraient également regretter de devoir assumer cette lourde tâche et les responsabilités que cela comporte nécessairement.
Parmi les problèmes qui ne tarderont pas à surgir, limitons-nous à en relever deux affaiblissant la crédibilité de la BCE. Premièrement, la supervision bancaire exercée par cette dernière sera tributaire des renseignements livrés par les banques aux autorités nationales, qui, pour ne pas porter atteinte à la «compétitivité» de leur propre système économique, seront amenées à cacher une partie des informations cruciales ou à en retarder la transmission à la BCE. Deuxièmement, même pour les banques directement soumises à la supervision de la BCE, le volume des informations transmises à celle-ci deviendra rapidement ingérable par les surveillants bancaires, qui devront alors se contenter de procéder par échantillonnage, avec les risques que cela comporte pour la stabilité financière dans l’ensemble de la zone euro.
Celles et ceux qui croient en la toute puissance des banques centrales, notamment en Europe, risquent d’être gravement déçus avant la fin de cette décennie. Il suffirait pourtant de se rappeler le message de Marc Twain, selon lequel «l’Histoire ne se répète pas, mais elle rime», pour éviter de reproduire à l’échelle de l’Euroland des erreurs analogues à celles observées au sein de bien des pays «avancés» en ce début de siècle. «Errare humanum est, perseverare autem diabolicum, et tertia non datur.»