Judoka

Judoka – Thierry Frémaux

Judoka

Tapis volant

Et deux êtres vont en découdre. Deux hommes pieds nus, dans la neige. Lequel sortira vainqueur ? Pour le savoir, il faut visionner, “La Nouvelle Légende du grand judo” d’Akira Kurosawa. L’image de couverture est tirée de ce film sorti en 1945. Il fait suite à “la légende du grand judo”, œuvre magistral du même réalisateur japonais.
Ce n’est pas moi qui le dis, mais Thierry Frémaux. Et le Monsieur en connaît un rayon. Cinéphile averti, docteur es 7ᵉ art, il est le directeur général du Festival de Cannes. Excusez du peu !
Les doux soirs de mai, entre paillette et croisette, il tape la bise aux étoiles “montantes” ou “vieillissantes” du cinéma. Il est leur ami, leur confident. Il a leur 06. Le carnet d’adresses du Monsieur doit valoir son pesant de cacahuètes.

À l’aise sur le tapis rouge, en costard 3 pièces, il fut un temps, tout aussi agile sur un autre tapis. Sur un tatami. Celui qui est aussi, directeur de l’Institut Lumière, à Lyon a eu deux vies, bien remplies. Celle consacrée au cinéma que nous connaissons bien et qui se poursuit. Et une autre, qu’il voua au judo. Ce que l’on ne soupçonnait pas. Du moins, pas avant de plonger dans ce livre “Judoka”.

Il y a donc eu un autre Thierry Frémaux. Plus combatif, plus guerrier, plus sportif aussi. Il traîna son kimono dans de nombreux dojos. C’est ce que l’on apprend à la lecture de ce récit. Durant des décennies, il vivait judo, mangeait judo, dormait judo, gagnait judo, perdait judo et enseignait le judo. Dans ces salles de sport transpirantes de traditions, de respect, de solennité, il fit ses armes. Toujours sous l’œil bienveillant du Maître des lieux : Jigoro Kano. Dans son cadre en bois, le créateur de cet art martial japonais, surveille ses ouailles. S’il pouvait encore, il distillerait, bons conseils et bonnes pratiques. Cet homme, qui vécu entre deux siècles (19ᵉ et 20e), fut l’inventeur du judo.

Et lire “judoka”, c’est aussi découvrir le fabuleux destin d’un homme parti de rien. Et qui, créa, sur les cendres du Jujitsu vieillissant, une nouvelle manière de combattre. Celle qui se sert de la force de l’adversaire pour le mettre au sol. Et c’est pourquoi David pu envoyer à terre Goliath d’un Ippon-Seoi-Nage.
Des noms japonais fleurissent dans ce livre, comme autant de cerisiers en fleurs. D’ailleurs, je soupçonne, le facétieux Thierry Frémaux, d’en avoir glissé un certain nombre, pour troubler celles et ceux qui n’ont jamais mis les pieds dans un dojo. Je suis de cela. Je vous rassure, pas besoin d’avoir pratiqué pour savourer ce livre.

Se serrer la ceinture

Sans prétention, Thierry Frémaux nous raconte son histoire, sa première partie de vie et par là même, l’œuvre de Jigoro Kano. Un voyage dans le temps, incessant, entre le Japon et la banlieue lyonnaise, où il grandit. Il est évident, que la culture nipponne a une grande place dans sa vie. Il en partage, ici, un petit bout. Un ouvrage passionnant, écrit par un passionné.
Et dont, sans doute, on doit l’écriture, à une invitation. Celle de la Fédération Française de Judo. Qui par tradition, fait place, chaque année, à une personnalité (politiques, sportifs acteurs, citoyens du monde…) qui a honoré le kimono, à venir s’exprimer. Un discours devant une assemblée de drôles de Dan. Un moment fort qu’il n’oubliera pas de sitôt. Au sens propre, comme au sens figuré, d’ailleurs.

Chassez le naturel, il revient au galop. Comme dans “la chevauchée fantastique”. Je rassure les cinéphiles, dans ce livre on parle, un peu de cinéma. Comment pourrait-il en être autrement ? Thierry Frémaux dépoussière quelques vieilleries du cinéma japonais. Il nous donne envie de salles obscures et de dernières séances.
Et comme rien ne dure au-dessus de la ceinture, Thierry Frémaux ne pratique plus. Qu’importe, il laisse avec “Judoka”, un livre qui vient, à son humble niveau, perdurer “la légende du grand judo” d’Akira Kurosawa.

“Judoka”
Thierry Frémaux
Éditions Stock

 

 

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.