Cher Alex W. Inker,

Frappez ! Cognez ! Donnez et recevez des coups ! Tombez, relevez-vous ! Allez chercher au plus profond de vos tripes ce qu’il vous reste d’honneur. Votre adversaire va sentir l’odeur de la défaite. Et puis levez les bras au ciel pour remercier Dieu d’être encore vivant.
La boxe, cher ami, la boxe. Pas un sport, un art… de la déchéance, souvent, et de l’oubli, parfois. Quand ce n’est pas les deux à la fois !
Alex W. Inker, il nous faut vous remercier, d’avoir sorti de nos mémoires perméables et de nos pitoyables connaissances sportives ce Panama Al Brown. De son vrai nom : Alfonso Teofilo Brown. Champion du monde des poids coqs, mon frère !
Mais évoquons d’abord la forme, pas du boxeur mais de la bande dessinée. Il fallait un ouvrage à la mesure de l’élégance du dandy. C’est le cas. C’est soigné, travaillé, rondement bien fabriqué. Magnifique objet graphique. En noir et blanc, évidemment ! Et il pèse son poids…d’histoires. Celles d’un homme qui a eu mille vies. Les chats peuvent aller miauler chez la mémère du coin de la rue.
Arrivé en France, entre deux guerres, sa traversée de Paris est une liste à la Prévert : boxeur, saxophoniste, danseur, chef d’orchestre, claquettiste, mécène, amant d’un poète (un certain J.C.), grand frère, amis, distributeur de billets de  banque… Il fut Pharaon noir de la capitale. Il ne vivait pas il volait de ring en boîtes à musiques. Pour Panama, Paname était une fête ! D’ailleurs Jean Cocteau ne s’y est pas trompé « Je me suis attaché au sort d’Al Brown d’abord parce que Brown me représente le sommet de la boxe, une sorte de poète, de mime, de danseur et de magicien qui transporte entre les cordes la réussite parfaite et mystérieuse d’une des énigmes humaines : l’énigme de la force. » peut-on lire dans l’Auto le 16 avril 1938.
Sur scène ou sur un ring, Panama danse. Son jeu de jambes c’est Keith Jarrett dans ” Trio Japan 1993″, c’est envoutant, mystique et terriblement efficace.
Mais il est écrit qu’un boxeur qui réussit est un boxeur qui va mourir, ruiné, malade et oublié de tous. Panama All Brown n’est pas l’exemple qui confirme la règle, il meurt à 51 ans d’une tuberculose dans un quartier miteux chantant “Vous m’auriez vu hier soir, j’étais formidable, formidable…” Stromae.
« Maintenant, Al Brown est une sombre fumée dans quelques mémoires ». Plus maintenant cher Jean Cocteau, Alex W. Inker et Jacques Goldstein ont le don de résurrection. Et désormais, bien rangé, entre Rahan et Corto Maltese, dans notre bibliothèque, trône à jamais, Alfonso Teofilo Brown dit Panama All Brown, Champion du monde des poids coqs, mon frère !

Panama All Brown
Alex W.Inker
Editions Sarbacane

P.S. : Panama All Brown c’est aussi une web application, à savourer sans modération : Panama All Brown

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.