Le boycott des Jeux Olympiques n’est pas une solution

Là où Christophe Passer se trompe*

Un Etat peut-il s’accorder le droit de priver ses athlètes de participer au plus grand événement sportif, ces athlètes qui se sont astreints à tant de sacrifices, tant de privation, tant d’effort pour donner le meilleur d’eux-mêmes le jour de leur discipline durant les Jeux Olympiques ?

La réponse est NON !

Oui, Monsieur Passer, le fond de votre pensée et l’idée de faire appel au Conseil fédéral sont louables, mais pas par un boycott.

Pourquoi, à chaque fois que quelque chose ne fonctionne pas ou dérive des buts initiaux, veut-on le sanctionner en aval ?

La responsabilité entrepreneuriale, publique et/ou sociale est justement d’empoigner le problème en amont. C’est dans la vision, dans l’anticipation, dans la stratégie que l’on reconnaît la sagesse du penseur.

En fait, que cela soit pour l’attribution de grandes organisations telles que les Jeux Olympiques, le Mondial, tous les Championnats du monde, il faut que le cahier des charges comporte des clauses permettant de se prémunir contre toute dérive, tout abus. Certes, au CIO, à la FIFA, et dans d’autres grandes organisations sportives ces documents et processus existent, mais il manque encore le concept des contrôles. Les Comités ne doivent pas seulement disposer d’un cahier des charges pour le choix des pays / villes candidats mais également d’un cahier de critères d’évaluation permettant une mesure concrète. Au final, le « boycott » interviendra en amont, en éliminant le pays ou la ville candidat qui ne répondrait pas aux critères d’évaluation (Ex : droits humains – critère d’évaluation tel que l’occupation de pays comme le Tibet pour la Chine, etc.).

En matière de contrôles, ce n’est pas en se focalisant sur un ou deux détails que l’on va réussir, mais bien en y incluant le contrôle des principes de gouvernance et le contrôle des processus de contrôles. Seul un organisme indépendant est en mesure de le faire.

Cet organisme existe. Il s’agit de l’Agence mondiale de la gouvernance du sport (WSGA : World Sport Governance Agency – www.wsga-amgs.org). On peut dès lors s’étonner qu’aucune organisation sportive n’y ait encore adhéré.

Il serait donc plus judicieux d’empoigner le problème en amont en demandant au Conseil Fédéral d’encourager le CIO ainsi que toutes les grandes fédérations internationales sportives qui se trouvent sur notre territoire à adhérer à l’agence (WSGA) et à accepter ses contrôles à l’image du contrôle de révision financière auxquelles elles sont soumises. Si le CIO et les organisations internationales sportives implantées en Suisse disposent d’une multitude d’avantages offerts par la Confédération, elles n’ont pas pour autant pleine liberté dans les contrôles de gouvernance. Il en va de leur responsabilité sociale. Le sport est une « entreprise » d’intérêt public, donc les organes dirigeants ont un devoir éthique, moral, de responsabilité sociale afin de pouvoir évoluer dans une stratégie de développement durable et de reconnaissance de l’imputabilité de leurs dirigeants.

L’acceptation de la part de ces organisations d’évoluer dans un environnement contrôlé par une agence indépendante ne peut que renforcer leur position et leur volonté de meilleure gouvernance, du respect de l’éthique (Droits humains, lutte contre la corruption, trafic d’influence, trucage, etc.), c’est-à-dire l’accroissement de leur crédibilité.

 

* Chronique de Christophe Passer, « Sotchi et le juste mot de boycott », Hebdo No 45 du 7 novembre 2013.

Sandro Arcioni

Sandro Arcioni, Dr ès sciences, lieutenant-colonel, expert en stratégie et en cyberdéfense, directeur de mupex Sàrl et enseignant-chercheur dans le domaine de la gouvernance.