Payer les riches hommes pour que leurs femmes restent à la maison

Les sondages sont inquiétants, concernant l’initiative sur les familles, mais ils sont logiques. Dans l’absolu, tout le monde veut que l’on fasse quelque chose pour les familles. Malheureusement, l’initiative extrêmiste, d’un autre âge, de l’UDC fait le contraire de ce que l’on pourrait croire.

Il y a 4 raisons principales :

  1. Elle coûte très, très cher

  2. Elle distribue de l’argent à des gens qui n’en ont pas besoin (voir graphique)

  3. Elle incite les femmes à rester à la maison, en payant leur mari pour ça

  4. Elle mettra les familles monoparentales ou celles ou les deux parents travaillent en difficulté

Rappelons ce que l’initiative fait : elle permet de déclarer aux impôts un revenu plus bas si on garde ses enfants soi-même.

1'500'000'000.- de recettes en moins

La confédération a estimé à environ un milliard et demi le coût de l’initiative. C’est difficile à estimer précisément, car un tel texte pourrait coûter beaucoup plus cher. En incitant les femmes à ne plus travailler, on perd sur deux plans. Elles ont moins de revenus et donc ne paient pas d’impôt, mais de plus leur mari peut déduire les frais de garde fictifs de sa propre facture. 1.5 milliard, c’est vraiment beaucoup. A l’heure où les pays européens sont en crise difficile, ce n’est pas le moment de mettre l’état dans les chiffres rouges.

Distribuer à ceux qui n’ont pas besoin

Beaucoup de familles recevront peu d’argent à cause de l’initiative. En effet, celle-ci introduit une déduction fiscale. Comme l’impôt est progressif, cela veut dire que plus on a un revenu élevé, plus la même déduction rapporte d’argent. Ainsi, comme on le voit dans le graphique ci-dessus, une famille avec un homme qui travaille et qui a un bas revenu (30 ou 40 mille francs) ne gagne rien, ou quasiment rien, même si la femme reste à la maison. Par contre, si le mari gagne 500'000 francs, alors il gagne plus de 4'000 francs de réduction d’impôt. Plus le salaire du mari est élevé, plus l’état lui fera un cadeau élevé. C’est injuste. Ce sont les familles de la classe moyenne et à bas revenus qui ont besoin de soutien, pas celles qui gagnent déjà un demi-million par an.

Reste à la maison, je gagnerai plus !

Bien sûr, techniquement, l’initiative de l’UDC permettrait à l’homme de rester à la maison et à la femme de travailler. Malheureusement, la réalité des conditions de salaire et de travail, fait que l’incitatif est plus fort dans l’autre sens. Comme les hommes gagnent encore, de façon injustifiée, plus que les femmes, il est plus économique pour une famille d’avoir un homme qui travaille que l’inverse. C’est le genre d’injustice qu’une vraie initiative sur les familles devrait combattre. Comme la femme n’a plus de revenu, c’est sur le revenu du mari que la déduction fiscale est faite. Donc, en gros, on paye les riches hommes s’ils persuadent leur femme de rester à la maison… Rappelons qu’il y a beaucoup de bonnes raisons qui font qu’il est sain que les deux personnes d’un couple travaillent, notamment l’équilibre personnel, éviter une trop forte dépendance.

Les autres familles payeront

A cause du coût extrême de l’initiative, il y a un risque fort de contre coup. Il sera beaucoup plus difficile de financer des aides pour les familles qui ont pour de vrai des frais de garde, et ce genre de déduction seront réduites ou disparaitront. Aussi, les subventions pour les crèches seront menacées.

Pour ces raisons, notamment, il est très important de combattre l’initiative et de lui proposer dans le futur des alternatives qui réduisent les disparités et les inégalités qui concernent les familles. Aujourd’hui, déjà, les couples mariés ont un incitatif fiscal à avoir une personne qui ne travaille pas. Il ne faut pas le renforcer, mais le supprimer complètement. Si on veut vraiment dépenser autant d’argent, voici quelques idées : crèches gratuites pour tout le monde, réduction des primes d’assurance maladie, taxation individuelle. Mais je crains que l’UDC ne soit pas d’accord…

Ouverture nocturne : zéro valeur ajoutée !

Nous voterons le 22 septembre sur la libéralisation des horaires d’ouverture des shops de stations-service. Alors, ça vaut la peine ? On peut voter là-dessus en se basant sur nos valeurs personnelles, mais on peut aussi se poser la question de l’apport économique d’une telle mesure. Voici une petite analyse économique de la question.

Comprendre les coûts

Au fait, on peut prendre la question sous deux angles différents. D’abord, on peut se poser la question de la valeur ajoutée économique. En d’autres termes, est-ce que de vendre plus de produits dans les shops la nuit va créer de la valeur, de l’argent. La seconde question est la plus fondamentale pour les économistes : celle de l’utilité. Sera-t-on globalement plus heureux avec cette mesure ?

Ce qu’apporte la mesure

Il est indéniable que cette mesure changerait certaines données financières. Par exemple, plus de produits frais seraient vendus la nuit à toute heure, ce qui augmenterait le chiffre d’affaires de nuit des stations service. Aussi, des salaires supplémentaires seraient versés la nuit, puisque l’augmentation de l’assortiment causera une augmentation (probablement assez légère) des coûts logistiques, et des présences (plus de stations pourraient être incitées à ouvrir leur shop plus longtemps). La rémunération horaire de ces salaires est souvent plus élevée que de jour. Les consommateurs dépenseraient moins d’argent le jour. C’est mécanique, puisqu’ils peuvent acheter des choses de nuit plus tard, ou alors car ils ont déjà dépensé la nuit leur argent. Enfin, les marges de profits des entreprises comme les stations-service sont différentes de celles d’autres acteurs économiques, et probablement que leurs profits augmenteront.

Ce que coûte la mesure

Le problème de tous ces apports, c’est qu’ils sont mécaniquement compensés. En effet, la vente la nuit ne produit rien. Il s’agit juste d’opérer des transactions, pas de créer de la valeur. Ainsi, cette loi ne crée pas de valeur monétaire, mais la répartit simplement autrement. Les ventes de jour diminueront mécaniquement. D’ailleurs, ce qui profite aux stations-service coûtera aux commerces locaux qui ne peuvent ouvrir la nuit. Evidemment, une partie du personnel travaillant le jour sera réorienté la nuit : comme on ne crée pas de valeur supplémentaire, pour être rentables, les opérateurs n’engageront pas de personnel en plus. S’ils en engagent, c’est que d’autres commerces de jour auront dû fermer car la clientèle s’est déplacée. Enfin, les gens dépenseront plus d’argent la nuit pour ces achats. Souvent, le rapport qualité-prix dans les stations-service est moins bon qu’ailleurs, et les coûts logistiques personnels ou des entreprises pour nous permettre ces achats à tout moment sont élevés.

Donc comme il n’y a pas de production supplémentaire, il n’y a pas de vraie valeur ajoutée. Mais dans l’ensemble, que dire de la mesure du point de vue humain ?

Rendre tout le monde plus malheureux

Au niveau du travail, il n’y a pas photo. Normalement, les salaires versés devraient être équivalents au total, puisque la vente la nuit ne produit rien de plus. Par contre, le travail de nuit est plus pénible que le travail de jour, pour toutes les personnes impliquées, et plus compliqué logistiquement. Du point de vue du travailleur, il est évident que c’est une mesure détestable, puisqu’il a plus de chances de se faire imposer des horaires désagréables. Certes, il y a des corps de métier à qui l’on impose cela. Certes, les policiers travaillent la nuit, ce qui n’est franchement pas évident. Mais considère-t-on qu’acheter une saucisse à 4h du mat est aussi important que notre sécurité ? Enfin, n’oublions pas qu’à cause des coûts logistiques et de transports et des profits, l’achat de nuit est plus cher que l’achat de jour. En achetant plus la nuit, nous diminuerons encore plus nos achats de jour. Globalement, nous pourrons moins profiter de biens et services pour la même somme d’argent. C’est vrai que c’est un peu plus embêtant de planifier un peu, mais honnêtement, c’est à notre portée.

Tout à un prix

En réalité, il y a des millions de choses que l’on veut. Mais elles ont toutes un coût pour la société. Il faut se poser la question de savoir lesquelles des choses dont on a envie valent la peine. Je peux comprendre que pouvoir acheter de l’essence à 3 heures du matin peut-être utile, que de pouvoir appeler la police ou les pompiers est important, ou que de pouvoir se faire soigner est primordial. Je suis d’accord que des gens sacrifient leurs nuits pour nous car la société a ces besoins (et je crois que nous ne sommes pas assez reconnaissants avec le travail pénible). Mais franchement, je ne ferai pas payer à la société le fait que j’ai envie d’un sandwich thon-mayo à 3h40, que je ferai 3 km en voiture pour aller acheter…

A lire également, le billet de Jacques Neirynck, "Saucisse fraîche ou saucisse sèche?"

Dura Lex USA, Sed Lex USA

Toutes ces affaires bancaires qui nous occupent depuis des années sont déjà compliquées, mais alors en plus quand on ne nous dit pas tout, ça devient impossible!

C’est ce que doivent se dire bien des personnes depuis l’épisode de la « Lex USA ». Comment alors juger nos parlementaires qui ont du se décider, pour certains avec pas beaucoup plus d’informations que nous ?

Une question de risque

On peut commencer par raisonner avec ce que l’on sait. Il y a un principe très important en finance, celui du rapport entre rendement et risque. Les acteurs économiques choisissent le niveau de risque qu’ils veulent prendre. En général, comme nous n’aimons pas ce risque, les comportements les plus risqués sont aussi les plus rentables. Comme on peut le constater sur le schéma ci-dessus, si vous placez votre argent en prenant très peu de risque, vous pouvez espérer un retour sur investissement très faible.

Plus de risque, plus de profits

Plus vous prenez de risque, plus vous pouvez attendre de rendement. Des actions sont plus risquées que des obligations des confédérations. Les produits dérivés, eux, peuvent-être plus risqués, mais rapporter beaucoup plus. En effet, certains d’entre eux sont basés sur l’effet de levier, qui consiste à amplifier les effets de rendement d’un autre titre boursier. En achetant une Option sur une action, par exemple, on peut gagner beaucoup si cette action monte que si on avait acheté l’action.

Le summum du risque

Le summum du risque, consiste à se lancer dans des activités illégales. Les risques sont élevés, mais les rendements sont souvent, eux aussi, très juteux. C’est probablement pour cela que des banques se sont lancées dans ces activités : les profits promis ont fait oublier un peu les risques de sanctions. C’est aussi ce qui se passe dans l’économie souterraine en général : l’ensemble des activités criminelles ou illicites sont accomplies parce qu’il s’agit de l’endroit où les rendements peuvent être les plus élevés. Si ce n’était pas le cas, les gens se cantonneraient à ce qui est légal.

Lex USA : réduire le risque qu’on ne veut pas faire prendre…

On peut voir la Lex USA comme une réduction des conséquences pour les établissements qui ont choisi l’activité illicite aux Etats-Unis. On peut comprendre que l’on veuille que les acteurs économiques soient prêts à prendre des risques, mais il y a une limite. S’il est vrai que l’état devrait plus aider les acteurs qui prennent des risques dans les secteurs d’activité légaux (comme par exemple les start-ups qui sont très risquées), il doit être ferme vis-à-vis des acteurs qui ont contrevenu à la loi. Ainsi, Ceux-ci se cantonneront plus tard à l’activité légale, car ils savent que nous ne serons pas là pour les aider.

Les parlementaires aussi n’aiment pas le risque…

Il y a une autre bonne raison pour laquelle le parlement n’avait pas à accepter cette loi. Il ne connaissait pas les tenants et les aboutissants. Il faut être honnête : personne ne sait vraiment ce qui se serait passé dans les deux cas (acceptation, refus). Mais une chose est claire, les personnes qui décident devront répondre des conséquences de leurs actes. Or, peut-on vraiment reprocher à un parlementaire de dire non, alors qu’il aurait du politiquement assumer les conséquences du oui, sans savoir de quoi il s’agit ? 

Candy Crush: du deal de drogue?

Un jeu qui est conçu pour traire les gens comme des vaches à lait sans contre-prestation valable: voilà le modèle d’affaires vers lequel tend malheureusement aujourd’hui une grande partie de l’industrie du jeu vidéo.

Particulièrement énervé contre ce «business model» honteux et inapproprié, je vous explique pourquoi, à mon avis, si la production artistique et ludique continue à aller dans ce sens, nous sommes mal. Et j’en profite pour vous dire (si vous ne savez pas déjà) comment faire pour contourner sur l’iPhone ou l’iPad la plupart des barrières absurdes qui vous obligent aujourd’hui à payer pour continuer de jouer à ce jeu.

Rémunerer le travail

Il en a déjà été question dans un précédent billet, il est normal qu’un travailleur reçoivent une rémunération lorsqu’il produit quelque chose, et il en va de même dans le domaine des jeux vidéo.

Le modèle du deal de drogue

Candy Crush, vous connaissez peut-être, on peut y jouer partout ou presque. Et c’est gratuit. Enfin au début. C’est un jeu plutôt amusant, très classique, mais qui a comme la drogue la propriété d’être addictif. On a de la peine à s’arrêter d’y jouer, même si c’est simple. Un peu comme Tetris avant. Comme la drogue, la première dose est gratuite. Mais assez rapidement, si on joue beaucoup et qu’on doit recommencer certains niveaux, il faut payer ou attendre longtemps. Après si on veut aller plus loin, il faut payer ou attendre très longtemps entre chaque niveau. Enfin, certains niveaux sont difficiles et si on veut les passer sans payer, cela peut devenir extrêmement difficile. Et c’est là que vient l’arnaque. Comme la drogue, une fois qu’on est accro, c’est cher.

In-App Purchase

Au fait, si on ne paye rien pour rémunérer le vrai travail (la production du jeu), il y a des gens qui ont programmé le jeu pour le rendre EXPRÈS moins agréable et plus frustrant. Ainsi, en payant, on peut enlever ces barrières que les gens ont pris du temps à ériger… temporairement, parce qu’après il faudra repasser à la caisse. C’est donc ce qui est choquant dans ce type de jeu: ce que vous payez ne coûte rien à produire, et on vous force à prendre une décision d’achat à des moments de faiblesse. Et ce modèle marche bien, la société gagne des millions avec ce jeu.

Une industrie en déroute

Ce qui est dommage, c’est la mauvaise qualité des jeux qui en résulte. Les sociétés ont meilleur temps à passer peu de temps dans la qualité d’un jeu, et beaucoup dans les stratégies pour que les gens jettent des centaines de francs dedans. Il est aujourd’hui plus rentable de faire des jeux moins amusants. C’est encore un bon indice qui montre que notre système économique n’est pas du tout adapté à l’économie numérique, car il incite à la médiocrité.

Jouer gratuit à Candy Crush

Outre militer contre ce genre de modèle et surtout pour une culture de qualité (Ce qui inclut les jeux vidéo), je peux au moins donner un petit conseil à celles et ceux qui ne le savaient pas encore pour pouvoir jouer gratuitement au jeu (sans hacking bien sûr). Si vous jouez sur téléphone mobile, le jeu utilise la montre de votre appareil pour déterminer le temps que vous avez à attendre avant de pouvoir jouer à nouveau (regagner vos vies ou jouer le prochain niveau quand vous devez attendre 24  heures). Il vous suffit pour pouvoir jouer tout de suite de:

–          Quitter le jeu

–          Avancer manuellement la montre de votre appareil de deux jours (sur iPhone : Réglages, Général, Date et Heure)

–          Lancer le jeu

–          Hop, vous avez récupéré vos vies

–          Remettez ensuite la montre à la bonne heure et continuez à jouer J

Amusez-vous, et espérons que d’autres sociétés se battent pour des jeux vidéo de qualité (comme par exemple Valve, dont je parlerai à l’occasion d’un prochain billet, qui est une société qui fonctionne sans chefs)

Croire POUR que ca aille mieux: la méthode Coué de l’économie

 

Oui ! La méthode Coué, ça marche : c’est un phénomène qui a été documenté scientifiquement dans beaucoup de cas. On appelle cela les « Prophéties autoréalistrices ». On fait d’ailleurs souvent référence à Pygmalion. Ce dernier aurait (enfin, c’est de la mythologie donc vous n’êtes pas obligés de me croire sur ce coup-ci) tellement cru en sa statue (Galatée), qu’elle serait devenue réelle. Juste en y croyant, paf, ça devient vrai !

Croire dans l’économie

Au fait l’économie marche souvent comme cela aussi. Prenons l’exemple du graphique ci-dessus. Nous avons constaté une baisse très forte du Franc Suisse sur quelques jours. Qu’est-ce qui peut expliquer cela ? Beaucoup de choses, bien sûr. Mais il y a notamment le fait qu’avec une chute brusque, des gens peuvent voir la baisse du franc. En la voyant, ils se disent que le franc s’effondre, et se disent qu’ils devraient vendre des francs suisses. En faisant cela, ils augmentent le nombre de francs suisses sur le marché. Comme il y a beaucoup de cette monnaie à vendre, elle perd de sa valeur (c’est le mécanisme de l’offre et de la demande). Résultat : parce que des acteurs économiques ont cru que le franc allait baisser, ils ont agi pour le faire baisser.

Casser la boucle

Evidemment, si c’était la seule explication des phénomènes économiques, le franc s’écraserait jusqu’au bout au moindre choc. On n’en est pas du tout là : il y a d’autres facteurs qui donnent à une monnaie son prix, et les gens arrêtent de craindre la chute au bout d’un moment. Au fait, ces effets de prophéties auto-réalisatrices ont certainement un effet amplificateur. Lorsque pour de « bonnes » raisons, il y a une variation sur le marché, les croyances des masses peuvent transformer ce battement d’aile de papillon en tempête. Or, un cataclysme basé sur quelques croyances est sans aucun doute un phénomène un peu exagéré : encore une des imperfections du système économique actuel.

Documenté scientifiquement

Pourtant, on pourrait utiliser ce phénomène pour le bien commun. Au travers d’une étude très connue en psychologie, on a par exemple fait passer un test de « quotient intellectuel » à des élèves. Les résultats du test ont été donné à leur enseignant (mais pas aux élèves). Conformément aux attentes, les élèves qui avaient bien réussi le test ont aussi eu un an après de meilleures notes. Or, il s’est avéré que le résultat du test qui a été donné à l’enseignant était faux : on a attribué son résultat au hasard  chaque élève. Pourtant, ceux qui avaient reçu un bon résultat ont fait de meilleures notes, car l’enseignant a eu un comportement et des croyances différentes envers ces élèves, qui les ont poussés à devenir meilleurs.

Donner confiance

Un des remèdes qui marcherait sans doute pour assurer à notre économie de meilleurs jours, c’est celui de la croyance : il faut que les gens aient confiance que cela peut aller mieux. Mais pour cela, il faut que le système économique soit perçu comme juste, que l’on pense vraiment avoir sa chance, et qu’il existe des instruments de soutien en cas de coup dur. La politique économie néolibérale qui consiste à pousser les pays vers l’austérité massive, à démolir les prestations sociales et à appauvrir les peuples fait tout le contraire. Elle vaporise les espoirs et désespère les plus motivés. Elle tue ainsi la créativité et la valeur des gens. Alors tout le monde pense que demain sera pire. Et ça le sera.

A nous de faire l’inverse :donner à chacun la justice, l’espoir et par conséquent, la volonté

Légaliser la piraterie intellectuelle?

De temps en temps, dans cette rubrique, je souhaite proposer des moyens crédibles, faisables et concrets de réaliser des changements qui paraissent utopiques à la majorité d’entre nous.

Quel mauvais terme : la piraterie. Cela fait immédiatement penser à la criminalité. Mais est-elle mauvaise ? Vous entendrez souvent une chose : si l’on pirate, par exemple les biens culturels ou les logiciels, nous n’arriverons pas à financer les artistes. Mais existerait-il un autre système, meilleur ? Est-il possible à la fois de s’assurer de la diversité culturelle, de financer les producteurs, et de garantir l’accessibilité pour toutes et tous, gratuitement ?

Un système inadapté

Premièrement, il faut constater à quel point le système actuel est totalement inadapté aux biens culturels, et à toute la production intellectuelle en général. Pour un bien classique (par exemple une chaise), vous avez un coût de production qui est fortement dépendant de la quantité que vous produisez. Plus vous produisez de chaises, plus cela coûte : c’est normal. Ainsi, cela se reflète dans le système traditionnel de formation des prix : si vous voulez 100 chaises, c’est normal que vous payez beaucoup plus. Dans le premier graphique ci-dessus, on peut voir que le coût de production de biens accompagne globalement le chiffre d’affaires. Un producteur qui vend 1'000'000 de chaises recevra beaucoup d’argent, mais cela lui coûtera très cher.

Par contre, pour une production intellectuelle, comme un morceau de musique, ou un épisode de série, vous avez un coût fixe de production qui est très élevé. C’est très cher de faire une série télévisuelle. Mais ce coût est le même, quel que soit le nombre de spectateurs : une fois que l’idée a été générée, qu’un film a été produit, le visionnage du film ne coûte quasiment rien. Pourtant, le modèle actuel fait qu’un film qui a du succès recevra beaucoup de recettes, alors que celui qui en a moins ne pourra pas couvrir ses coûts. C’est pourquoi beaucoup d’artistes n’arrivent pas à joindre les deux bouts : les recettes sont concentrées sur une minorité des productions. Pourtant l’existence de la diversité est importante et garante du développement de nouvelles productions à succès.

Un nouveau système : qui paye ? (1)

Bien sûr la gratuité pure n’est pas possible. Il faut financer les personnes qui produisent des biens « intellectuels ». On peut imaginer que les gens paient, chacun, une taxe déterminée, par exemple dans les impôts, ou sur le modèle de l’AVS. Cela permettrait de récolter au niveau national (et international si cela était appliqué au-delà) une grande somme d’argent, pour financer la production intellectuelle.

Qui distribue ? (2)

Il serait évidemment dangereux qu’un seul organisme (par exemple l’état) distribue l’entier de la somme. Il faudrait créer de nombreuses associations libres, ou chaque citoyen peut adhérer, et qui se réunissent par sensibilités culturelles. La somme d’argent collectée ci-avant serait distribuée à ces associations, par exemple en fonction de leur nombre de membres.

Qui reçoit ? (3)

Chaque association, avec ses sensibilités artistiques, pourra soutenir un certain nombre d’artistes, en fonction de ses moyens. Evidemment, elle peut à la manière d’un employeur, évaluer la qualité de la production artistique, et faire des réorientations si elle le souhaite, mais il faudrait garantir une certaine sécurité de l’emploi pour les artistes financés.

Que font les producteurs ? (4)

Que font les artistes ? Ils pratiquent leur art, en recevant des associations, pour cela, un salaire. La seule exigence : ce qu’ils font doit être accessible gratuitement pour toutes et tous.

Une avancée dans tous les domaines

Un tel système supprimera les barrières d’accès à la culture, puisque tout le monde a accès à tout. Le montant global perçu permet de garantir que suffisamment d’artistes peuvent vivre de leur art. La diversité de la culture est garantie puisque la création d’associations qui soutiennent les artistes est libre, et chacun peut à travers son adhésion soutenir une ou plusieurs d’entre elles.

Au fait, c’est un système qui ressemble à un autre qui ne fonctionne pas si mal : la production de la recherche universitaire. Ce sont les états qui financent des Universités fortement indépendantes dans leurs agendas de recherche, mais dont le travail est disponible publiquement, et d’utilité publique.

Evidemment, un tel modèle pourrait être appliqué totalement et partiellement à beaucoup de domaines, comme la presse, la recherche sur les médicaments et la production télévisuelle.

Comment s’enrichir sur la faim

Une étude vient d’être rendue publique, qui indique qu’environ 60% à 70% de la variation des prix sur les denrées alimentaires seraient due à des facteurs « endogènes » au système de trading. Qu’es-ce que cela veut dire ? Que seulement 60 à 70% des variations des prix des denrées alimentaires sont liées à des facteurs qui n’ont rien à voir avec l’économie réelle, mais qui sont uniquement liés à la spéculation financière. Pire, l’étude montre que cette influence des marchés financiers sur les biens alimentaires va en augmentant depuis les années 2000.

S’enrichir

Le procédé est simple : des spéculateurs vont acheter des biens alimentaires, parfois à terme. Un achat à terme consiste à acheter aujourd’hui quelque chose qui ne sera délivré que plus tard. Une telle opération financière à forcément un objectif : gagner de l’argent dans la transaction. Le spéculateur ne va pas manger lui-même 50'000 tonnes de blé, mais plutôt le revendre avec une marge. Le problème, c’est que si il gagne de l’argent sans produire quoi que ce soit (ni du pain ni du blé), c’est que quelqu’un d’autre doit payer ce spéculateur : soit le producteur, soit le consommateur.

Sur la faim

Or, sur les marchés internationaux, les producteurs sont souvent des personnes particulièrement pauvres, ou alors des entreprises qui exploitent de la main d’œuvre sous-payée dans des pays offrant des conditions de travail difficiles. Les consommateurs, eux, sont techniquement partout. Mais si les prix flambent, dans certains pays, ceux-ci n’ont plus les moyens d’acheter les produits au prix que les traders demandent. C’est là le paradoxe : des personnes souffrent de malnutrition, de sous-alimentation voire de famine à côté des champs qu’ils ont exploités pour nourrir les consommateurs qui ont eu les moyens de financer les traders.

Supprimer une activité parasitaire

Il va falloir se débarrasser des activités financières sans utilité, mais ayant des conséquences dévastatrices sur la population. Bien sûr, la  spéculation financière n’est de loin pas la seule cause de la famine, mais si l’on peut utiliser l’argent qu’on donne au traders et à leurs capitaux pour mieux payer les producteurs et éviter que la population n’ait pas les moyens de se nourrir, nous aurons fait une bonne action.

 

MERCI pour cette vision rétrograde

C'est vrai, comme personne de gauche je devrai être content du succès de la LAT et de l'Initiative Minder. Et je le suis. Mais quelle BAFFE, que ce rejet des cantons de l'article constitutionnel sur la famille!!

Comment se fait-il qu'il soit encore possible de faire campagne avec un slogan aussi réducteur et absurde que l'étatisation des enfants, alors que des milliers de personnes et il est vrai surtout de femmes, souffrent des manques de structures d'accueil appropriées? Les milieux de droite qui se sont mobilisés contre cet article avec des arguments fallacieux, devront porter la responsabilité de ce coup de semonce.

Heureusement, le peuple a dit oui, assez largement. J'espère que les cantons qui ont accepté ce texte se mettront au travail demain pour au moins offrir dans leurs frontières une vraie politique familiale qui donne à chacune et à chacun ses chances. J'espère que les cantons progressistes pourront dans le futur montrer que cette politique familiale, et que des structures d'accueil par exemple, sont un besoin pour notre société comme pour notre économie.

Juste pour vous expliquer mon énervement, voici l'article qu'on a refusé. COMMENT PEUT-ON REFUSER CA AUJOURD'HUI?

Art. 115a Politique de la famille

1 Dans l’accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les besoins des familles. Elle peut soutenir les mesures destinées à les protéger.

Donc, le peuple suisse voudrait quoi. Que la confédération ne prenne pas en considération les besoins des famille et qu'elle ne puisse pas soutenir les mesures destinées à les protéger??

2 La Confédération et les cantons encouragent les mesures permettant de concilier la vie de famille et l’exercice d’une activité lucrative ou une formation. Les cantons pourvoient en particulier à une offre appropriée de structures de jour extrafamiliales et parascolaires.

Donc, la droite ne veut pas encourager les mesures permettant de concilier la vie de famille et l'exercice d'une activité lucrative et de formation. Donc les femmes à la maison. Et attention, surtout pas d'offre APPROPRIEE de structures de jour et parascolaires. Ils veulent quoi, une offre INAPPROPRIEE?

3 Si les efforts des cantons ou de tiers ne suffisent pas, la Confédération fixe les principes applicables à la promotion des mesures permettant de concilier la vie de famille et l’exercice d’une activité lucrative ou une formation.

Bref, on ne veut pas s'engager pour l'égalité. J'espère que nous reviendrons à la raison dans quelques temps, et que nous revoterons, et qu'au moins certains cantons fassent le plus possible en la matière, avant qu'on se retrouve projeté au Moyen-âge.

La rémunération doit rester secondaire!

Ca y est, l’Union Européenne s’est engagé à encadrer les bonus dans les banques, avec une mesure restrictive. Alors qu’en Suisse l’initiative Minder propose simplement de donner un peu plus de pouvoir à l’assemblée générale en la matière, l’Union Européenne propose de limiter de façon dure les bonus. Cela pourrait bien tordre le coup aux personnes qui pensent que les entreprises pourraient déménager à côté si l’initiative était acceptée en Suisse…

Des bonus qui font du mal

Au fait, de nombreux négociateurs et responsables politiques se sont rendu compte que des politiques de rémunérations extrêmes avaient un énorme défaut et qu’elles causaient également du tort aux entreprises, en plus de démolir la cohésion sociale. C’est pourquoi la proposition européenne consiste à bloquer les bonus, dans le pire des cas, au double du salaire de base. Evidemment, cela n’empêche pas de très grosses rémunérations, mais cela limite un peu les bonus explosifs.

Démotivant et stressant

Mais que sait-on sur les bonus et les salaires? De nombreuses études ont montré des effets négatifs des très hautes rémunérations variables sur la performance. Cela est essentiellement lié à deux phénomènes. Premièrement, lorsque l’on utilise l’argent pour motiver les gens, ils s’intéressent beaucoup moins à la tâche qu’ils font et apprécient moins leur travail. Aussi, lorsque les bonus sont très grands, les gens sont ultra-stressés par l’enjeu. En somme, au lieu de travailler parce qu’ils aiment ce qu’ils font, qu’ils aiment leur entreprise ou pour se réaliser, ils font tout ce qu’il faut pour gagner de l’argent, ce qui les rend moins efficace.

L’étude de Dan Ariely

Dan Ariely par exemple a fait une étude édifiante à ce sujet, en Inde. Il a comparé trois groupes de personnes à qui l’on avait demandé de faire une série de tâches. A un groupe, il a promis un petit bonus si la performance était bonne. A un autre groupe, le bonus promis était beaucoup plus gros (équivalent à 2 semaines de travail). Le troisième groupe s’est vu promettre un bonus stratosphérique: l’équivalent de 5 mois de salaire. Le résultat est clair: plus le bonus était élevé, moins les gens ont réussi à accomplir la tâche, plus la performance était basse, et moins les gens ont apprécié la tâche.

La motivation réelle

Qu’on arrête de nous faire croire qu’il faut payer les managers très cher pour qu’ils fassent du bon travail. C’est le contraire: il faut que la rémunération soit secondaire dans leur motivation.

Démocratiser les entreprises – Nouveau Monde

 

De temps en temps, dans cette rubrique, je souhaite proposer des moyens crédibles, faisables et concrets de réaliser des changements qui paraissent utopiques à la majorité d’entre nous.

Aujourd’hui, je vous propose une idée de mesure qui pourrait mener, à long terme, à démocratiser un peu notre système économique.

Un actionnariat tout puissant

L’un des problèmes fondamentaux de notre système économique, est qu’il y a une différence entre les actionnaires et les travailleurs. Comme montré dans la première partie du schéma ci-dessus, les travailleurs, par leur travail, apportent de la valeur à une entreprise. Une partie de cette valeur lui est rendue sous forme de travail, l’autre partie est prise par des actionnaires sous forme de profit. Le dividende, c’est l’argent que prennent les actionnaires des sociétés anonymes, par exemple. En plus de recevoir le dividende, les actionnaires possèdent l’entreprise et peuvent prendre toutes les décisions. La raison pour laquelle les actionnaires bénéficient de ces avantages, c’est qu’ils ont de l’argent, et qu’ils l’ont investi dans l’entreprise. Il y a donc deux façons de gagner de l’argent. Soit vous travaillez, et vous recevez une contrepartie. Soit vous ne travaillez pas, mais vous avez de l’argent, et vous recevez du profit.

Un glissement progressif

Sans bouleverser le système actuel, et sans même vraiment changer la situation pour les actionnaires actuel, il serait possible de démocratiser très fortement le fonctionnement des entreprises en quelques dizaines d’années. La solution est simple : ponctionner une petite part de la masse salariale ou du profit, utiliser cet argent pour créer un fond, et racheter des actions de l’entreprise avec ce fond. Ce fond, sera alimenté chaque année un peu plus, et possèdera de plus en plus d’actions de l’entreprise. Si, de par la loi, chaque employé possède une part et une seule du fond, quel qu’il soit, l’entreprise sera démocratiquement contrôlée par ses employés au bout d’une longue période de temps, alors que les actionnaires auront largement récupéré leurs billes.

Un exemple concret : Nestlé

Pour voir si c’est vraiment possible, prenons une entreprise concrète, que nous connaissons bien en Suisse : Neslté.

En 2011, Nestlé a versé 13.6 milliards de salaires et a fait 9.4 milliards de bénéfices, sur un chiffre d’affaires de 83.6 milliards. Enfin, la capitalisation boursière, c’est-à-dire le prix de toutes les actions de l’entreprise, est de 171.2 milliards. Si, de par la loi, 1% de la capitalisation boursière devait être redistribué à un fond possédé par les employés, cela coûterait donc 1.7 milliards en 2011.

Quand un distributeur achète un produit Nestlé pour 10.-, 1 franc 10 est utilisé pour payer le profit des actionnaires, 1 franc 60 pour les salaires, 5 francs 20 servent à acheter les matières premières. Pour 20 centimes supplémentaires, nous pourrions mettre en place ce système. N’oubliez pas que quand nous achetons un produit Nestlé dans la grande distribution, nous payons en plus une grosse marge que fait le magasin. En somme, cela causerait à peu près les mêmes dégâts au consommateur qu’une augmentation de la TVA d’un peu plus de 1%.  

Par contre, en 20 ans, les employés de leurs entreprises auraient déjà un pouvoir significatif sur leur société. En 50 ans, ils y seraient majoritaires, et pourraient prendre les décisions qui les concernent. Qui sait, alors, si nous aurions toujours des salaires aussi abusifs ?

1% de TVA pour rendre à toutes et tous leurs richesses

Il va de soi qu’on peut aller plus vite ou plus lentement, et on peut aussi mettre en place un système qui donne les entreprises à la population générale plutôt qu’à leurs employés. Par contre, on peut constater qu’en mettant en place une politique très douce aujourd’hui, nous pouvons radicalement changer un gros problème de la société d’aujourd’hui : une toute petite minorité concentre le pouvoir et en extrait beaucoup (trop) de profit. Pour 1% de TVA, nous pourrions aujourd’hui mettre en place une mesure, pour les générations futures, qui permettrait peut-être aux humains d’avoir un peu plus de pouvoir sur leur destin. Evidemment, ce n’est qu’une mesure qui ne règlerait de loin pas tous les problèmes, mais qui permettrait à notre société d’être un peu moins injuste et moins inégale.