Payer les riches hommes pour que leurs femmes restent à la maison

Les sondages sont inquiétants, concernant l’initiative sur les familles, mais ils sont logiques. Dans l’absolu, tout le monde veut que l’on fasse quelque chose pour les familles. Malheureusement, l’initiative extrêmiste, d’un autre âge, de l’UDC fait le contraire de ce que l’on pourrait croire.

Il y a 4 raisons principales :

  1. Elle coûte très, très cher

  2. Elle distribue de l’argent à des gens qui n’en ont pas besoin (voir graphique)

  3. Elle incite les femmes à rester à la maison, en payant leur mari pour ça

  4. Elle mettra les familles monoparentales ou celles ou les deux parents travaillent en difficulté

Rappelons ce que l’initiative fait : elle permet de déclarer aux impôts un revenu plus bas si on garde ses enfants soi-même.

1'500'000'000.- de recettes en moins

La confédération a estimé à environ un milliard et demi le coût de l’initiative. C’est difficile à estimer précisément, car un tel texte pourrait coûter beaucoup plus cher. En incitant les femmes à ne plus travailler, on perd sur deux plans. Elles ont moins de revenus et donc ne paient pas d’impôt, mais de plus leur mari peut déduire les frais de garde fictifs de sa propre facture. 1.5 milliard, c’est vraiment beaucoup. A l’heure où les pays européens sont en crise difficile, ce n’est pas le moment de mettre l’état dans les chiffres rouges.

Distribuer à ceux qui n’ont pas besoin

Beaucoup de familles recevront peu d’argent à cause de l’initiative. En effet, celle-ci introduit une déduction fiscale. Comme l’impôt est progressif, cela veut dire que plus on a un revenu élevé, plus la même déduction rapporte d’argent. Ainsi, comme on le voit dans le graphique ci-dessus, une famille avec un homme qui travaille et qui a un bas revenu (30 ou 40 mille francs) ne gagne rien, ou quasiment rien, même si la femme reste à la maison. Par contre, si le mari gagne 500'000 francs, alors il gagne plus de 4'000 francs de réduction d’impôt. Plus le salaire du mari est élevé, plus l’état lui fera un cadeau élevé. C’est injuste. Ce sont les familles de la classe moyenne et à bas revenus qui ont besoin de soutien, pas celles qui gagnent déjà un demi-million par an.

Reste à la maison, je gagnerai plus !

Bien sûr, techniquement, l’initiative de l’UDC permettrait à l’homme de rester à la maison et à la femme de travailler. Malheureusement, la réalité des conditions de salaire et de travail, fait que l’incitatif est plus fort dans l’autre sens. Comme les hommes gagnent encore, de façon injustifiée, plus que les femmes, il est plus économique pour une famille d’avoir un homme qui travaille que l’inverse. C’est le genre d’injustice qu’une vraie initiative sur les familles devrait combattre. Comme la femme n’a plus de revenu, c’est sur le revenu du mari que la déduction fiscale est faite. Donc, en gros, on paye les riches hommes s’ils persuadent leur femme de rester à la maison… Rappelons qu’il y a beaucoup de bonnes raisons qui font qu’il est sain que les deux personnes d’un couple travaillent, notamment l’équilibre personnel, éviter une trop forte dépendance.

Les autres familles payeront

A cause du coût extrême de l’initiative, il y a un risque fort de contre coup. Il sera beaucoup plus difficile de financer des aides pour les familles qui ont pour de vrai des frais de garde, et ce genre de déduction seront réduites ou disparaitront. Aussi, les subventions pour les crèches seront menacées.

Pour ces raisons, notamment, il est très important de combattre l’initiative et de lui proposer dans le futur des alternatives qui réduisent les disparités et les inégalités qui concernent les familles. Aujourd’hui, déjà, les couples mariés ont un incitatif fiscal à avoir une personne qui ne travaille pas. Il ne faut pas le renforcer, mais le supprimer complètement. Si on veut vraiment dépenser autant d’argent, voici quelques idées : crèches gratuites pour tout le monde, réduction des primes d’assurance maladie, taxation individuelle. Mais je crains que l’UDC ne soit pas d’accord…

Samuel Bendahan

Conseiller national socialiste vaudois et Docteur en sciences économiques, Samuel Bendahan enseigne à HEC Lausanne (UNIL) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), au Collège des humanités et y fait de la recherche. Il est également président de BSC Association, une entreprise organisée sous forme d'association à but non lucratif.