1 Défaite, 12 Victoires ?

Le peuple a dit non à 1 :12. Les arguments contre l’initiative étaient notamment les suivants :

a)      Les bas salaires ne changeraient pas,

b)      Les hauts salaires ne changeraient pas, car on peut contourner la loi et en plus cela coûterait cher à l’état et aux assurances sociales

c)       Cela ferait du mal à l’économie

d)      Si le peuple accepte l’initiative, des entreprises menacent de partir

Voici douze propositions qui répondent à ces arguments, et qui peuvent donner un peu d’espoir à celles et ceux qui, comme les initiants d’1 :12, aspirent à une société plus juste. Il reste beaucoup de choses que l’on peut faire dans ce sens, et si l’échec de l’initiative 1 :12 n’est pas agréable pour la gauche, nous pouvons avoir espoir que d’autres mesures pourront atteindre les mêmes buts, peut-être même mieux.

A)     Concernant les bas salaires et les plus défavorisés :

1)      Salaire Minimum 

L’instauration d’un salaire minimum est fondamentale, car elle touche aux personnes précarisées qui travaillent. Il n’est pas acceptable que dans notre société, quelqu’un qui travaille à 100% n’ait pas les moyens de vivre décemment. Une mesure comme celle-ci est facile à appliquer

2)      Soutenir l’économie sociale et solidaire

Il existe beaucoup de potentiel dans l’économie sociale et solidaire, qui n’est pas encore exploité. On pourrait par exemple développer le financement du microcrédit pour soutenir les personnes en difficulté dans la création d’entreprises. On dit que les banques ne prêtent qu’aux riches, mais ça pourrait changer. Aussi, il faut soutenir l’économie réelle, particulièrement lorsqu’elle aide à l’insertion.

3)      Stopper la spéculation sur les biens alimentaires et autres sources de revenus non éthiques

La spéculation sur les biens alimentaires permet à certaines personnes de gagner beaucoup d’argent au détriment de personnes très défavorisées, ayant parfois des conséquences désastreuses comme des crises alimentaires. Les activités financières doivent être encadrées pour éviter qu’elles ne causent la ruine des plus faibles.

B)      Concernant les abus des hauts revenus

4)      Instaurer des cotisations sociales sur les dividendes

On a accusé l’initiative 1 :12 de causer des pertes pour l’AVS. C’est parce que les gains que les actionnaires font lorsqu’ils ne payent pas assez de salaires ne sont pas soumis aux cotisations sociales. Nous pourrions mettre les salariés et les actionnaires sur pied d’égalité en soumettant aussi les revenus des actionnaires aux cotisations sociales. Finalement, n’est-il pas injuste de taxer davantage quelqu’un qui gagne de l’argent en travaillant que quelqu’un qui gagne de l’argent sans travailler ?

5)      Supprimer les forfaits fiscaux et autres privilèges injustes pour les riches

Aujourd’hui, les personnes les plus riches ne sont pas à la même enseigne que les autres. Par exemple, il y a la pratique des forfaits fiscaux qui font que des riches étrangers qui gagnent beaucoup plus que d’autres payent toutefois moins d’impôt. Aussi, entre riches et pauvres, il n’y a pas toujours les mêmes règles qui s’appliquent en matière de déductions fiscales.

6)      Taxer les transactions financières

De nombreuses personnes sur les marchés financiers font de nombreuses transactions par jour (parfois par seconde), en gagnant ainsi des sommes considérables sans produire de valeur. Taxer, faiblement, les transactions financières est une solution intelligente pour dissuader ces comportements purement spéculatifs, sans réduire l’intérêt des véritables investisseurs.

C)      Concernant le développement de l’économie

7)      Soutenir les entreprises qui ont un véritable ancrage local

Les entreprises qui peuvent menacer de partir du jour au lendemain constituent un gros risque pour nos recettes fiscales, mais aussi pour l’emploi. En plus, elles n’ont pas tendance à beaucoup engager de main d’œuvre locale en comparaison des autres. Il faut favoriser le développement et la création d’entreprises qui s’engagent à rester durablement et qui investissent suffisamment pour ne pas pouvoir partir sans que cela ne représentent un grand coût pour elles.

8)      Innover le financement des entreprises

C’est une excellente chose de soutenir l’innovation, notamment technologique, mais l’innovation peut aussi se trouver dans la manière d’organiser l’économie. Il faudrait d’avantage promouvoir le crowdfunding (financement par les foules), et le développement de sociétés coopératives.

9)      Soutenir les familles

Les familles, dans toutes leurs diversités (notamment les familles monoparentales et celles dont les deux parents travaillent) ont besoin de soutien. Mais ce soutien ne doit pas se faire sur la fiscalité, mais à travers des aides directes, comme les allocations familiales qui doivent être augmentées. Par contre, lorsque la fiscalité est injuste, elle doit être corrigée. Aujourd’hui, l’imposition de la famille profite toujours aux ménages dont un seul des deux membres travaille. Il faudrait, par exemple, en venir à l’imposition individuelle qui assurerait que la fiscalité ne dépende pas de nos choix de couple.

D)     Concernant la démocratisation de la société

10)   Transparence du financement des partis

On a pu constater que certains partis défendaient très ardemment les grandes entreprises qui versaient des salaires mirobolants.  La Suisse est continuellement épinglée pour l’opacité du financement des partis politiques. Aujourd’hui, il est impossible de savoir qui finance les partis, et quels sont leurs véritables liens d’intérêt. Le premier pas vers une meilleure démocratie serait de permettre aux électeurs de savoir qui finance leurs élus.

11)   Démocratiser les entreprises

On voit bien à quel point les entreprises défendent souvent des politiques qui vont à l’encontre de l’intérêt de leurs salarié-e-s, par exemple en s’opposant à toute politique visant à garantir des salaires décents. Il est temps de renforcer le pouvoir de représentation des employés au sein des entreprises, car ils ne sont pas suffisamment écoutés. J’avais d’ailleurs déjà proposé d’instaurer un système qui ferait que chaque année, petit à petit, la gouvernance des entreprises passe aux mains de leurs salarié-e-s.

12)   Arrêter le dumping fiscal et la concurrence fiscale abusive.

Aujourd’hui, une des raisons pour lesquelles la société n’est pas démocratique, est que les entreprises ont tendance à dicter leur volonté, notamment fiscale. La concurrence fiscale entre les cantons et entre les pays permet à ces sociétés de ne payer que très peu d’impôts, tout en profitant des infrastructures publiques et du pouvoir d’achat de la population. Il faut donc empêcher aux cantons et aux paradis fiscaux de permettre aux entreprises d’abuser de le pouvoir de délocalisation, en  harmonisant mieux la fiscalité.

Ce ne sont que douze idées plutôt de nature économique, mais elles montrent qu’un échec n’est pas un arrêt. Petit à petit, nous pourrons renforcer la démocratie de notre pays et pourquoi pas de notre monde, en instaurant plus d’équité, et sans que cela n’empêche le progrès. 

Samuel Bendahan

Conseiller national socialiste vaudois et Docteur en sciences économiques, Samuel Bendahan enseigne à HEC Lausanne (UNIL) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), au Collège des humanités et y fait de la recherche. Il est également président de BSC Association, une entreprise organisée sous forme d'association à but non lucratif.