Cet arc-en-ciel si universel…

La télévision, et même les compétitions de football, ont parfois du bon, si, si, croyez-moi! Hier j’ai appris quelque chose. Sur fond de polémique sur la question de savoir si le stade de Munich devait se mettre « aux couleurs de l’arc-en-ciel », une journaliste TV a rappelé l’histoire de ce drapeau symbolisant le mouvement LGBT. A l’origine, en 1978, il avait 8 couleurs et a été conçu, puis réalisé à la main par le graphiste et militant américain Gilbert Baker, qui avait 27 ans à l’époque. Il lui aurait été inspiré par la chanson Over the Rainbow chantée dans le film Le magicien d’Oz.

Mais plus intéressant encore, Gilbert Baker donne à chacune des huit couleurs une signification, que j’ai eu grand intérêt à découvrir et qui, après un rapide sondage autour de moi, me semblent méconnue. Je vous les livre, commentaire spontané plus ou moins sérieux compris…

 

 

Le rose pour la sexualité. Et je comprends bien là toutes les sexualités.

Le rouge pour la vie et la guérison. J’ajouterais l’amour, la passion.

L’orange pour la santé et la fierté. Et pas seulement celle des footballeurs hollandais… 😉

Le jaune pour la lumière du soleil. Et de l’indispensable vitamine D qui va avec…

Le vert pour la nature. Quoi de plus actuel et fondamental que l’écologie, au sens du savoir-vivre en entre terre, animaux et humains.

Le turquoise pour la magie et l’art. De mon avis des ingrédients fondamentaux de nos vies même si nous ne les cultivons pas assez.

Le bleu pour la sérénité et l’harmonie. Ce que je souhaite à chacune et chacun en ces temps troubles.

Enfin, le violet pour l’esprit. Et le droit pour chacun de choisir sa forme de spiritualité.

 

De bien belles intentions déposées par ce créateur dans chacune des couleurs, vous ne trouvez pas? L’arc-en-ciel s’est toujours prêté à une valeur symbolique, de paix et de prospérité, de l’union du ciel et de la terre, ou chez les amérindiens il est le pont entre le monde des humains et celui des morts. Au-delà de légitimement servir les défenseurs de la cause LGBT, ce drapeau se révèle en fait bien plus universel. Il délivre un message de tolérance, pas seulement vis-à-vis des minorités, mais de l’Humanité d’une manière générale. Par ailleurs il met en lumière, au travers de chacune de ces couleurs, des questions, voire des chantiers, sur lesquels nous pouvons tous nous interroger, nous remettre en cause, à titre personnel comme à titre collectif.

Pour une si belle cause et avec un brin d’idéalisme assumé, je retourne volontiers à mon cahier de coloriage, pas vous?

 

Sabrina Pavone

 

Image: Wikipedia

 

#Me(n)too | L’homme aussi…

 

La parole des femmes s’est libérée, et c’est heureux. Abus et maltraitances subis face à des hommes manipulateurs, séparations les plongeant dans la précarité, travail sous-payé, hiérarchies dysfonctionnelles. Tous ces cris du cœur sont autant d’actes courageux et une évolution remarquable qui contribue à casser des structures historiques et culturelles machistes. Ce nouvel esprit consistant à «oser dire» est aussi un espoir pour toutes les jeunes femmes, nos filles et nos petites filles à venir.

Parallèlement, dans ma pratique quotidienne, je rencontre bien des hommes qui ont subi des incestes ou des viols, par des hommes ou des femmes, ou qui souffrent de se retrouver dans leurs relations face à des modèles de femmes «castratrices». D’autres ont été «cassés» par des divorces, parfois à charge et toujours difficiles à trancher de manière équitable.

Pour ces hommes qui, statistiquement, ne sont pas représentatifs, la souffrance est réelle. Elle entraîne une grande confusion quant à leur virilité, les qualités masculines qu’ils peuvent cultiver sans tomber dans la phallocratie, leur équilibre intérieur féminin-masculin et surtout comment se comporter dans les rapports avec les femmes.

 

Pourtant, l’opposition des genres, voire la guerre des sexes, n’est pas forcément inévitable. J’ai eu la chance, dans ma famille comme dans ma vie sentimentale, d’avoir affaire à des modèles d’hommes à la fois très bienveillants et assumant sereinement leur virilité. Je les en remercie, ils m’ont permis de vivre pleinement mes qualités féminines, tout en me sentant en harmonie relationnelle.

Comme si souvent, c’est dans l’éducation que réside la clé. La culture de l’égalité, du respect, du non-jugement nous aidera, avec le temps, à changer les mentalités. Il ne s’agit pas de transformer symboliquement la femme en homme ou l’homme en femme, ni de poursuivre une vision «non-genrée» de notre civilisation. La quête, personnelle et collective, devrait plutôt être la recherche de l’équilibre entre ces belles qualités complémentaires du féminin et du masculin.

Évitons qu’une attitude trop radicale et «clichéiste» des relations entraîne la destruction de toute «saine séduction» entre hommes et femmes. Car le désir naît de la différence. Ce serait dommage de la gommer. Et reconnaissons aux hommes aussi leur capacité de bienveillance, la réalité de leurs souffrances et leur besoin de les exprimer.

 

Sabrina Pavone

 

Illustration: Thomas Ulrich | Pixabay

Saint-Valentin ou la célébration du « ménage à trois » …

Une des légendes autour de la St-Valentin dit qu’au XIVe siècle, on croyait en Angleterre que le 14 février était le jour où les oiseaux s’accouplaient. Pendant cette période, les amoureux avaient coutume de s’échanger des poèmes d’amour et de s’appeler « Valentin ». De nos jours, moins de poèmes, mais il règne en revanche une grande attention sur les gestes, les mots, les cadeaux et avec tout ça, souvent un peu de stress et de pression ; eh oui, c’est qu’aujourd’hui il faudra que tout soit parfait, sinon gare !

 

 

Après les fleurs, les chocolats, les petites bulles et autres, il reste un peu de temps pour se demander, ensemble, ce qu’est un couple et surtout un couple parfait ? Même en amour, j’observe souvent que nous avons tendance à imiter nos modèles et répéter des schémas du passé ; ou alors nous courrons après une certaine idée du couple que nous nous construisons par comparaison, par prestige sociétal ou autre.

« L’amour est enfant de bohème, il n’a jamais connu de loi… » Carmen a raison, l’amour n’est pas de l’ordre du rationnel, les fonctionnements d’attirance sont parfois incontrôlables, chimiques, inconscients et j’ajouterais magiques. Surtout, il n’est pas toujours là où on l’attend et n’arrive que rarement quand on cherche à le forcer…

Pourtant, je vais vous révéler un secret : dans le couple nous sommes toujours trois et je ne vous parle pas ici d’une éventuelle triangulation coupable… En effet, moi-même, en tant qu’individu unique et incomparable j’y participe ; il y a l’autre personne bien entendu, que j’accueille dans toute sa diversité, dans toute son unicité ; et puis il y a le « troisième élément », c’est-à-dire cette combinaison, ce binôme unique, qui a ses propres spécificités, son propre équilibre, et qu’il s’agit de préserver, de nourrir, de soigner.

Alors comment deux individus qui, amoureux, se lancent dans ce pari fou que d’être en couple, peuvent-ils nourrir ce lien sans se perdre, se soumettre, dominer ou jouer à être quelqu’un d’autre ? Les « meilleurs couples » ne sont pas forcément ceux qui vivent en permanence dans une harmonie de bon ton, mais souvent ceux qui échangent, discutent, bataillent parfois, pour ne pas perdre leur propre individualité dans le couple et entretenir cette passion au quotidien.

Bonne St-Valentin, que vous soyez en couple… ou même seul(e), car ne dit-on pas que « charité bien ordonnée commence par soi-même » ? Aucune raison de ne pas célébrer aussi l’amour et la tendresse envers soi, avant de la partager avec l’autre. Conseil valable 365 jours par an. 😉

Sabrina Pavone

 

Illustration: Gordon Johnson | Pixabay

 

De l’importance du lien (pas celui qu’on clique…)

Près d’un an déjà, triste anniversaire, que notre vie quotidienne a été mise sens dessus-dessous par les mesures sanitaires et autres contraintes ou limitations. Nous avons tous été amenés à prendre le virage numérique bien plus rapidement qu’attendu, et nous sommes familiarisés, tant bien que mal, avec un mode de vie plus « virtuel »…

Une des caractéristiques de l’Internet est la multiplicité des liens et des mises en relation qu’il permet, sur toutes sortes de sujets ; reconnaissons-le, il s’agit d’une fantastique avancée, d’un formidable accès à une bibliothèque de savoirs (malheureusement parfois publiés par des « croient-savoir », mais c’est un autre thème…)

Pourtant, au-delà de nos compétences récemment acquises à se « zoom-er », se « LinkedIn-er » ou de se « Teams-er », rappelons-nous que l’humain est un animal tactile. Le toucher, est l’un des sens extéroceptifs de l’animal (dont l’humain), essentiel pour la survie et le développement des êtres vivants, l’exploration, la reconnaissance, la découverte de l’environnement, …

 

 

Le toucher, chez le fœtus humain, est même le premier des cinq sens à se développer. Et un bébé humain ne peut se développer correctement si ses besoins du toucher et de l’affection ne sont pas remplis. Ce sont ses premiers liens.

J’observe ces derniers temps, chez mes clients et mon entourage, un phénomène qui s’installe, une sorte de lassitude, un mélange de fatigue et découragement. Un peu comme un fleuve de lave qui se déverserait petit-à-petit et envahirait les esprits, lentement mais sûrement.

« Loin des yeux, loin du cœur », disait l’adage, et on constate que les liens s’estompent, avec le temps, imperceptiblement, même ceux d’avec nos familles, nos amis proches, les personnes avec qui on a partagé tant d’expériences, d’apprentissage ou encore nos collègues. Il semblerait que cette tendance au « virtuel-only », nous pousse au repli sur soi, à l’oubli, ou à une sorte de laisser-aller affectif et relationnel.

Je comprends et vis moi-même la difficulté de soigner nos liens en ce moment ; il ne nous est pas naturel de ne plus se rencontrer physiquement, de ne plus prendre les autres dans nos bras, de ne plus embrasser et « sentir » les gens avec cette qualité que seul le présentiel permet.

Les vidéoconférences nous deviennent pénibles, à mesure que les sujets de conversation ou les cercles de gens à qui nous parlons régulièrement ne se renouvellent que peu. C’est comme un sentiment de manquer d’un nouvel oxygène, d’étouffement.

La tentation est grande alors de se replier sur soi, de la même manière que lorsqu’une relation est devenue trop douloureuse et qu’il est plus facile de couper les ponts ou s’éloigner pour ne plus ressentir le déchirement, la tristesse.

Ma conviction est pourtant qu’il est important, malgré ce manque de stimulation, de dépasser ces états, de se donner soi-même des « coups d’énergie », comme quand nous nous forçons un peu pour aller nous promener, ou au cinéma (ça reviendra !) ou au sport, tout ceci au lieu de rester confortablement sur notre canapé.

« A quoi bon ? » me direz-vous… Pourtant, c’est précisément en ces temps de manques qu’il devient vital de réinventer notre lien à l’autre, de le tisser encore plus intensément et de continuer à rencontrer les autres.

User de stratagèmes et de créativité peut aider. Raccourcissez vos séances Zooms, mais faites-les quand-même. Etablissez des règles de légèreté, comme par exemple l’interdiction de nommer le Covid pendant les échanges. Adaptez des jeux de société pour qu’ils soient jouables même par visioconférence.

Retournez aux sources, en recommençant à écrire aux gens que vous aimez. Dites-leur combien vous les aimez, combien vous vous réjouissez du moment ou la rencontre sera de nouveau possible physiquement. Surprenez-les avec des livres ou d’autres petites attentions envoyées par la bonne vieille poste.

Et puis, il y a un lien que même en temps « normal », on a tendance à négliger. C’est celui d’avec soi-même, son dialogue intérieur, ses questionnements, ses réflexions, ses vieux traumatismes ou encore ses plus beaux souvenirs. Ce mode de vie actuel, un peu moins surstimulé, peut aussi être une belle opportunité de se reconnecter… à soi-même.

Cette période exige toutes sortes d’efforts et teste également notre capacité à rester en lien avec les autres, mais n’est-ce justement pas un des éléments essentiels de nos vies ? Alors je vous invite à garder la flamme et vos liens de cœur bien chaud. Cela fait du bien durant cet hiver particulièrement rigoureux…

 

Sabrina Pavone

 

Illustration : Freeda Michaux

« Et maintenant ? » …

…chantait Gilbert Bécaud.

Voyant l’ombre du début de l’orteil du bout du tunnel, c’est le bon moment pour se poser cette question essentielle, vous ne trouvez pas ? Après ces « montagnes russes » émotionnelles, il serait dommage de ne pas prendre deux minutes pour se projeter dans l’après, que ce soit à titre collectif ou individuel. Tentons de résumer les épisodes précédents de ce purgatoire spatio-temporel…

Il y a quelques semaines à peine, nous étions tous plus ou moins « le nez dans le guidon ». Puis la bascule, comme si quelqu’un avait tiré la prise d’un coup sec. Le choc, une certaine stupéfaction et la peur, de tous ordres, pour sa santé et celle de ceux qu’on aime, la peur financière, la peur de l’isolement ou au contraire celle de la promiscuité, la peur de l’avenir, de perdre notre qualité de vie, etc.

 

Chacun aura surmonté comme il ou elle l’a pu cette première période angoissante. Comment réagir à cette peur ? Acheter du papier-toilette ou des stocks de conserve n’est certainement pas l’antidote. Cela peut vous sembler étrange, mais selon moi la première chose à faire, c’est de faire face à la peur, de s’y abandonner, un peu comme si on se laissait dévorer par un serpent sans bouger. Désagréable, certes, mais sans cette première étape, il est difficile d’aller au fond des choses. C’est un peu comme vider une valise et faire le tri de toutes les peurs que vous transportez en vous pour mieux les évacuer, une par une.

Dans la période qui a suivi, on a fait preuve de beaucoup d’agitation, comme pour ne pas trop penser. Télétravail, rangements en tous genres, télé-apéros, fabrication de pain artisanal, tout est bon pour s’occuper les mains et l’esprit. Il s’agit d’embrasser sa nouvelle condition de vie. Embrassades et bisous hélas limités, vu les circonstances. Mais même ce manque tactile de pouvoir serrer dans ses bras ses parents, frères et sœurs, amis proches, tous ceux qui comptent pour nous, a été l’occasion de nous rappeler à quel point les instants avec eux sont précieux. Car oui, après avoir tout rangé, pris 3 kilos et visionné tout Netflix, on en vient naturellement à réfléchir et peut-être à se regarder dans la glace, à pratiquer un peu d’introspection, discipline de plus en plus rare dans notre société de « distraction ».

Le quotidien non-confiné ou moins confiné va reprendre bientôt et avec lui la joie de retrouver ce qui est important pour nous, mais aussi le risque de retomber dans les mêmes schémas sans y songer, par réflexe coutumier. On parle beaucoup dans les médias de l’après, des changements dans la société, dans l’économie, etc. Je reste sceptique quant aux changements d’un système si bien huilé. Il me paraît surtout important que cette situation unique soit vécue à titre personnel, au fond de soi, comme une opportunité historique dans la vie de chacun de se demander : « Et moi, qu’est-ce que je relâche, de quoi n’ai-je plus envie ? » Notre rythme trop effréné, une fatigue chronique, le digital à outrance, l’ego et ses fiertés mal placées, certaines certitudes douteuses, des relations stériles ou carrément toxiques, chacun a la chance de faire son propre tri pour se (re-)créer son propre équilibre.

Quant à moi, je suis convaincue que le confinement se passe surtout dans la tête et que la vraie liberté c’est celle qui se passe par l’esprit et le cœur. Pour autant, je me réjouis déjà de revivre, en réel et dans le monde physique, la relation avec les autres, probablement la seule chose qui compte vraiment.

Maintenant, bientôt.

 

Sabrina Pavone

Coach en développement professionnel & personnel | Praticienne en Constellations familiales

[email protected]

www.inspiringevolution.ch

 

Photo: Carlos ZGZ

Où sont les Femmes ?

Allez, on va encore me taxer de nostalgie pour les années 70 et les titres disco à la Patrick Juvet. Ok, j’assume ! Mais la vraie question que je me pose est la place qu’il est encore possible de donner aujourd’hui à la Féminité, avec un grand « F ».  Et là, pour le coup, on serait plutôt dans « la bonne du curé » d’Annie Cordy qui chante, je cite : « je voudrais bien, mais j’peux point ! »

Tous les livres parlant « new age » ont beau dire que nous entrons dans une ère du « tout féminin », tant d’articles ont beau dire que les hommes peinent à trouver leur place face à une féminisation galopante de la société, j’ai malgré tout l’impression d’un malaise, d’un mal-être lorsqu’il s’agit pour la femme en tant qu’individu de laisser s’exprimer ses qualités féminines, de vivre sa féminité, pour elle-même, sans raison, sans enjeu.

Dans les cercles de femmes et ateliers que j’anime, nous travaillons sur les divers rôles qu’une femme assume à l’heure actuelle. J’ai pu observer que c’est souvent le rôle de la Femme au sens romantique du terme, cette partie qui mêle émotions, sentiments, posture de désirante comme de désirée, qui souffre le plus.

Les participantes à ces cercles m’avouent parfois qu’elles ne savent pas ou plus comment être une femme. Elles comprennent et assurent très bien leurs rôles de mère, d’épouse ou de compagne ; elles sont indépendantes et professionnellement actives, mais quand il s’agit de faire place à la femme dans sa féminité pure, elles se retrouvent dans l’insécurité, manquent de ressources et de courage. Bref, c’est un peu le désert en termes de rêve, de fantaisie, de créativité, mais aussi de sensualité et de sexualité épanouies.

Pourquoi ? On le sait, la femme est amenée à jouer plusieurs rôles en même temps. Sans aucun doute, devoir faire tenir debout toute « l’usine » du système familial avec une certaine rigueur, ne rien lâcher dans le monde du travail (à forte dominance masculine), le tout avec une pression certaine de perfection, favorise la mobilisation de ses qualités masculines. Les qualités féminines, elles, s’en trouvent souvent reléguées, voire oubliées, par peur de l’effondrement du système auquel nous avons été formatées.

Oui, la crainte d’écouter cette petite voix en nous qui dit que nous avons besoin d’espace, de douceur, de lâcher prise sur certains combats et même parfois de pouvoir nous appuyer, ou pire encore, pleurer sur une épaule bienveillante. Tant de faiblesses coupables, qui pourraient nous affaiblir dans ce monde de plus en plus intransigeant et radical, de toutes parts. Or, ces femmes sur le qui-vive permanent, ces guerrières du quotidien, je les vois souvent fatiguées d’être en mode combat et je constate que tout le système autour d’elles en souffre aussi. Ainsi, l’homme se languira de l’amoureuse qui n’est plus que mère, épouse et femme en carrière, tandis que les enfants regretteront la douceur du féminin qui sait prendre dans les bras et consoler.

Si le combat du féminisme tel qu’on l’entendait à ses débuts est toujours aussi valide, si la parole doit absolument et légitimement se libérer, il y a aussi une bataille, tout aussi révolutionnaire mais plus intime, en soi, à mener. Il s’agira de savoir « baisser les armes » et se reconnecter avec sa part de Féminité, cette capacité à faire preuve de douceur, de compassion, à rêver ou à faire les folles, tout en continuant de nous affirmant par une attitude parfaitement alignée, parfaitement assumée.

Nous n’en perdrons pas notre force face au masculin, au contraire, nous saurons les habiliter et les inspirer, j’en suis convaincue.

Alors, petite fille, adulte en devenir, amoureuse, femme, épouse, mère, sœur, maîtresse, grand-mère et tant d’autres, nous toutes, dansons et « reféminisons » notre quotidien !

Sabrina Pavone

La « connard-attitude », nécessaire pour faire carrière ?

D’accord, le libellé est un brin provocateur, mais ce coup de gueule s’appuie sur une observation récurrente : Dans le cadre de l’entreprise, lorsqu’il s’agit d’avancement, ce sont uniquement les qualités de pure performance qui priment sur toutes les autres, dites plus « humaines », pour ne pas dire plus « faibles » …

D’où ma question : pourquoi la performance et uniquement la performance, à l’heure de « l’humanisation » de l’entreprise ? La faute au « court-termisme » favorisé par le mode de comptabilité des grandes entreprises, qui ne voient pas au-delà du bout de leurs objectifs et chiffres trimestriels ? Mais ce ne peut être l’unique réponse, toutes nos entreprises n’étant pas cotées en bourse…

J’ai visionné en ce dimanche soir pluvieux une vidéo de l’excellent entrepreneur conférencier Simon Sinek, auteur de « Start with why ». (Votre moteur de recherche favori le trouvera pour vous en deux clics…).

Il y est question de la notion de performance vs. celle de loyauté ou de confiance. Dans la plupart des organisations, on a mis en place des systèmes de mesure qui tiennent uniquement compte de la performance, logiquement mesurée à l’aune d’indicateurs très factuels, chiffrables, par essence plus quantitatifs que qualitatifs. Exit, la loyauté vis-à-vis de l’entreprise, au revoir la confiance dont on bénéficie auprès de ses collègues ou même de ses clients, de ses fournisseurs… Données non mesurables, passez votre chemin !

La collaboratrice ou le collaborateur idéal/e, cadre ou pas, devrait conjuguer une excellente performance à une loyauté absolue envers l’entreprise, tout en bénéficiant de toute la confiance de ses collègues. La perle !

Mais force est de constater que dans le fonctionnement actuel, on aurait tendance à ne promouvoir que le plus « performant », quitte à fatiguer ou pire, démotiver le reste des employés et donc, au final, à affaiblir l’organisation entière.

Car oui, dans la vraie vie, si on demande aux collaborateurs d’une équipe dans une entreprise de désigner le « connard » du groupe, la majorité va généralement pointer la même personne. Or, il se trouve que cette personne est souvent celle qui grimpe le plus vite dans la chaîne alimentaire. Ses caractéristiques ? Plus ou moins compétent selon les cas ; performant, certes, mais aussi un peu arriviste, sans trop de scrupules, modéré en termes d’empathie voire égoïste ou imbu de sa personne. Attention, je n’ai rien contre une saine et même une forte ambition ou l’envie d’avancer et de réussir, mais si cela passe par « marcher » sur tous ceux qui sont sur votre passage, la vraie valeur ajoutée pour l’organisation risque de n’être qu’éphémère.

L’inverse est vrai également, si vous demandez à la même équipe quelle est la personne en qui ils/elles ont le plus confiance et considèrent comme le/la plus compétent(e) dans un groupe, les votes vont immanquablement se porter sur une personne, parfois plus modeste, ou ayant choisi de ne pas gravir les échelons, mais qui présente, sans avoir besoin de faire campagne, les qualités réelles du leader, à savoir crédibilité, respect, confiance. Vous savez, cette personne avec qui on a l’envie de travailler.

Là où le bât blesse ? Des méthodes et des processus inadaptés. Depuis la sélection des dossiers des candidats pour un poste à pourvoir, dont le premier tri se fait par mots clés, passant ainsi à côté de candidats au profil peut-être atypique, mais qui pourrait être plus pertinent, jusqu’aux entretiens d’embauche trop souvent stériles, soutenus par des tests standardisés visant au « stéréotypage » et qui ne mettront pas en valeur les compétences humaines du candidat, qui doit impérativement entrer dans une des cases à disposition.

Une fois engagé/e, on aura affaire à d’autres « cases », des formulaires de qualification avec des échelles, par exemple de A à D. Et comme interlocuteur le supérieur hiérarchique, parfois un de ces parfaits petits chefs évoqués plus haut. On ne tient que trop rarement compte des qualités « uniques » d’un collaborateur, de ses compétences dans le cadre d’une équipe, des retours de ses collègues ou de ses clients.

Il m’est arrivé par le passé, en tant que responsable des ventes, d’être amenée à choisir, parmi les apprentis sortants, celui à engager pour les équipes que je dirigeais. Souvent, je ne choisissais pas forcément ceux qui avaient les meilleures notes ou l’ambition la plus visible, mais plutôt ceux qui avaient fait preuve d’une bonne attitude et qui étaient très appréciés par leurs collègues. Ces choix atypiques, que j’ai dû défendre le plus âprement face à mes responsables RH, se sont au final révélés les plus pertinents sur le long terme.

Aujourd’hui, j’accompagne différentes personnes -pourtant actives et compétentes- qui ont fait un ou plusieurs burn-outs, qui en sortent ou sont en train de tomber malades à cause des (dys-)fonctionnements que je dénonce ici.

Vous me direz que si on veut appliquer cette vision-là de manière conséquente, il faudrait alors changer aussi les membres des comités de direction, des conseils d’administration, voire même les actionnaires ? Bien entendu, oui, la qualité d’une gouvernance se décide généralement déjà à la tête d’une entreprise. Faire le choix d’une politique différente en matière de promotion et d’avancement peut se refléter négativement sur les résultats à court terme. Mais si on regarde les dégâts humains et financiers qui sont engendrés à moyen et long termes lorsque seule la performance fait office d’alpha et d’oméga, l’investissement sur l’humain et la prise en compte de l’ensemble des qualités d’un/e collaborateur/trice s’avère bien plus rentable, même si on n’a pas encore inventé la façon de le mesurer.

Et c’est peut-être mieux ainsi, d’ailleurs…

Sabrina Pavone

 

PS: Ici le lien sur la vidéo de Simon Sinek évoquée plus haut. En anglais toutefois 😉

De ces certitudes « débaticides »…

Je suivais récemment un débat télévisé lorsque j’ai soudain senti monter en moi un certain désarroi quant à la capacité de l’humain à échanger des idées dans notre société des médias et du divertissement.  Plusieurs invités, a priori des personnes intelligentes, cultivées et saines d’esprit (en tout cas officiellement) débattaient de de la responsabilité écologique de chacun. Un thème actuel, riche d’enjeux et intéressant, mais qui a donné lieu à un discours de sourds, une cacophonie, une empoignade stérile.

Au-delà du sujet lui-même, c’est le déroulement de l’émission qui m’a interpelée. Mal cadrés (à dessein ?) par l’animateur peut-être en quête de sensationnel donc d’audimat, des contradicteurs exaltés se sont exprimé dans cette agora qui n’en était pas une, notamment une fervente féministe-écologiste qui prônait, avec une agressivité certaine, le fait d’avoir choisi consciemment de ne plus faire d’enfants afin ne pas polluer la planète. Ou encore une antispéciste, émule contemporaine de Brigitte Bardot qui défend la cause, tout à fait noble et respectable, des droits des animaux, mais qui pousse ce principe si loin qu’il en devient extrémiste, voire « inhumain » vis-à-vis de l’homme lui-même.

Ce qui m’a frappé, c’est qu’au lieu de participer à l’échange de points de vue auquel ils étaient invités et d’écouter avec un minimum d’ouverture ce que chacun des contradicteurs avait à dire, chacun des participants s’est muré derrière sa propre certitude, se montrant parfaitement incapable de considérer que plusieurs opinions puissent être légitimes voire enrichissantes.

Les jeunes générations répliquant bien naturellement sur les réseaux sociaux les comportements qu’ils observent chez leurs aînés ou dans les médias, pas étonnant que soit apparue la terrifiante notion de point «Godwin»*, désignant le moment où, dans un débat se déroulant sur les réseaux sociaux, l’invective prend le pas sur la discussion et où fatalement on en arrive à traiter l’autre de nazi. On est bien loin de Voltaire et de son « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire ».

Vous me direz peut-être : mais voilà qui est excellent du point de vue du développement personnel, avoir des opinions et la possibilité de les affirmer, de les défendre en tout temps et même d’avoir raison contre le plus grand nombre, etc.

Eh bien que nenni, car la clé de la réalisation de soi n’est certainement pas de réduire le monde aux gentils et aux méchants, aux riches et aux pauvres, à j’ai raison et tu as tort. S’il est important d’avoir un avis, c’est de la pure arrogance ou au moins un manque de jugement et d’humilité que de prétendre détenir la vérité et de vouloir l’imposer aux autres, en les jugeant sans connaître leur ressenti, leur vision, leur histoire.

Au final, cette attitude de repli sur nos certitudes sert généralement à cacher nos insécurités et nos revendications personnelles qui, la plupart du temps, ont bien plus à voir avec nos propres manques qu’avec le sujet discuté. En creusant un peu le pourquoi d’une position intransigeante ou excessive, on peut identifier les faiblesses qui y sont liées. L’auteur québécoise Lise Bourbeau décrypte très bien les plus importantes blessures, qui engendrent autant de « masques » que l’on porte pour les compenser. Ainsi le rejet, l’abandon, l’humiliation, la trahison et l’injustice peuvent se traduire par autant de comportements fuyants, dépendants, masochistes, contrôlants ou rigides. Il est souvent intéressant de se demander, face à un interlocuteur dont on ne comprend pas le comportement, ou face à notre propre réaction à un argument, quelle motivation plus intime peut être subtilement en jeu.

Cela demande beaucoup de force de caractère que de continuer, une fois que nous nous sommes forgé une conviction, de se donner la chance d’écouter et de tenter de s’ouvrir à d’autres avis. Cette écoute réelle, cette ouverture peut être des plus enrichissantes, sur tous les plans. Nous faisons tous partie d’un seul et même écosystème, en perpétuelle évolution et sujet à débat, c’est la beauté du « vivre-ensemble ». Il y est possible, j’en suis convaincue, d’y démontrer sa pleine personnalité tout en respectant l’autre, en l’écoutant et sans annoncer chaque minute la fin du monde ou avoir besoin de revendiquer l’imposition de mesures extrêmes ou pire d’abattre le supposé ennemi, souvent juste pour se faire mousser ou pour compenser ses propres faiblesses de l’ego.

Sur un ton un peu plus léger, j’ai vu sur Facebook (vous savez, le trombinoscope interplanétaire qui compte plus de 2 milliards d’utilisateurs) une publication qui m’a fait sourire et qui disait en substance « Astuce: peu de gens le savent, mais il est possible de lire un avis différent du sien et de simplement passer à autre chose… »

Qu’on se le dise, mais avec bienveillance…et dans l’écoute !

 

Sabrina Pavone

 

*https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Godwin

Des morts et des placards

Aujourd’hui se déroule, à l’échelle planétaire, la commémoration des morts, sous différents formats. Il y a bien sûr la Toussaint pour les catholiques, ainsi que le jour des morts, qui est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO; il y a aussi au Mexique  sa version plus colorée, « El dia de los Muertos », qui  se distingue des autres fêtes des morts par son caractère festif et par la réalisation d’autels privés dédiés aux morts et couverts d’offrandes d’objets, de fleurs et de nourriture. C’est aussi l’occasion d’une parade, extravertie et joyeuse, lors de laquelle la plupart sont déguisés avec des masques de têtes de mort.

Et puis, dans nos contrées occidentales et fortement influencées par les anglo-saxons, on vit ces jours les manifestations d’Halloween, qui dans la pratique me semble surtout être la fête des bonbons (et je n’ai rien contre les bonbons!) et du « jouons à nous faire peur ». Force est de constater qu’on n’amène guère à nos enfants à considérer la dimension de la mort, qu’on aura plutôt tendance à cacher, à taire ou à procrastiner le plus longtemps possible. Il me semble qu’on honore et qu’on thématise relativement peu nos défunts, ou si discrètement; par pudeur peut-être, ou alors par tendance à « refouler » tout ce qui relève du funeste?

Pourtant les morts conservent souvent une énorme influence sur la vie des gens. Si nous descendons tous d’une longue lignée de générations, la plupart d’entre nous ne la connaît que bien partiellement. Or le legs familial se perpétue sur plusieurs générations, aussi bien dans le mental que dans l’ADN, ce qui a été prouvé récemment (les traumatismes s’ancrent dans l’ADN et deviennent donc transmissibles par hérédité). C’est le domaine de la psychogénéalogie, conceptualisée par la psychologue française Anne Ancelin Schützenberger, et qui dit notamment que chaque famille a son « cadavre dans le placard », une mort ou un traumatisme inavouable et de ce fait passé sous silence.

Ainsi, à leur insu, beaucoup d’individus sont prisonniers de deuils non résolus, gardés secrets mais malgré tout ressentis et exprimés en mal-être, à travers des maladies ou de schémas de vie répétitifs, de dépressions, de difficultés récurrentes dans les relations.

Les exemples, plus ou moins graves, pullulent: dans le cadre d’une démarche de « constellations familiales », cette femme de 43 ans qui tente désespérément d’avoir une fille, après avoir eu trois garçons, réalise qu’elle porte, de manière inconsciente, la tristesse de sa grand-mère, qui avait perdu son bébé, une petite fille de 14 mois. Après avoir fait un travail symbolique, elle a pu rendre à sa grand-mère cette blessure qui ne lui appartenait pas et mettre un terme à ce deuil qui ne la concernait pas.

Ce sont les morts particulièrement cruelles, des accidents, des enfants morts en bas-âge ou de fausses couches, qu’on aura tendance à vouloir oublier encore plus vite, qui sont les moins reconnues. Pourtant, chacune de ces âmes devrait faire l’objet d’un vrai rituel de deuil, pour permettre à ses proches de poser toute la culpabilité confusément éprouvée, de mettre des noms sur des personnes et des mots sur des faits.

Il faut éviter également que les morts prennent plus d’importance que les vivants, car mis sur un piédestal, ils risquent de devenir « intouchables ». Or, un vrai travail de deuil consiste aussi à regarder quelqu’un dans les yeux et lui dire son ressenti, en assumant toutes les complexités ou les contradictions qui peuvent apparaître.

Ainsi, paradoxalement, ce sont parfois les morts qui continuent à avoir un impact (trop) important sur la vie d’un proche, tandis que les vivants stagnent « dans les limbes », car ils n’ont pas fait ce travail de deuil nécessaire et restent bloqués, à ne vivre qu’à moitié.

Pour avoir pratiqué des dizaines de constellations familiales en groupe et en cabinet, ma conviction est qu’il est important et parfois nécessaire d’honorer ses morts, quels que soient les rituels qu’on utilise pour ce faire. Au-delà de l’aspect thérapeutique, je pense que c’est une vraie force et une ressource que d’être lié à ceux qui sont dans l’au-delà, ou du moins être « au clair » et en paix avec eux.

Je souhaite à chacune et chacun une « bonne fête des morts. »

 

Sabrina Pavone

PS: Sur ce thème, je recommande ce film d’animation des studios Pixar, intitulé « Coco » et qui traite de beaucoup de questions relatives à la famille et au transgénérationnel, comme l’amour filial, l’importance des aïeux et la réalisation de soi. C’est un film à la fois très rafraîchissant et très profond, pour tout public et toutes générations…

A la caisse!

Le passage à la caisse du supermarché, une étape quasi-quotidienne pour nombre d’entre nous, au point que nous ne remarquons plus la complexe équation tripartite qui s’y déroule entre 1) le ou la représentante du magasin, communément appelé(e) caissier ou caissière,  2) vous-même, citoyen bipède tenu d’organiser sa subsistance, et 3) le reste du monde, à savoir les clients qui vous précèdent, vous succèdent, vous stressent, vous indiffèrent, vous piétinent ou vous jugent.

Tour d’horizon de la réalité vue par chacun…

La caissière (eh oui, au féminin, car il faut bien l’avouer, la tendance n’a guère évolué vers une parité en la matière, fût-elle approximative). J’ai connu une petite fille qui voulait devenir caissière, car à ses yeux c’est celle à qui tout le monde donne son argent… Néanmoins, relever que cette profession ne figure pas au palmarès des carrières qui font rêver les foules tient de l’euphémisme…

J’éprouve un grand respect pour elles, et j’ai souvent envie d’injecter une dose d’humanité dans cette relation strictement comptable en entamant une conversation sur le sens de la vie et le poulet basquaise, mais voilà, nous sommes minuté(e)s, le cadre est strict et gare à celui/celle qui aurait l’outrecuidance de ralentir la cadence de la machine infernale. Immanquablement, il/elle serait silencieusement mais cependant fermement conspué/e par ses congénères consommateurs.

Sont-elles chronométrées avec, à la clé, un bonus pour avoir scanné 350 articles à la minute ? La marchandise s’amoncelle en bout de caisse, le long de cette planche en bois dont aucun croissant n’est jamais sorti indemne (et je ne vous parle pas des yoghourts, sélectionnés pourtant avec tant d’amour!). S’ensuit alors le gymkhana qui consiste à remplir ses sacs à la vitesse grand V afin de ne pas subir la désapprobation générale, et ce tout en introduisant simultanément sa carte de crédit dont le code ne fonctionne qu’à la 3ème et ultime tentative, et sans omettre la carte de fidélité qui permettra, au bout de 1’000 francs d’achats, de pouvoir acquérir à prix réduit un superbe cache-pot en rotin bio…

Le client, mû par son besoin basique de satisfaire le premier échelon de la pyramide de Maslow, l’alimentaire. (Le sociologue Maslow a réparti les besoins de l’homme en fonction de leur degré de nécessité, du plus strictement essentiel jusqu’au plus superflu, voire jusqu’au dernier smartphone de la marque à la pomme).

On parle parfois de client lambda, mais cette appellation est trompeuse, car à ses propres yeux, le client est toujours l’alpha et l’oméga; ben oui, on n’a pas toujours l’occasion de se considérer comme le roi, fût-ce le temps de quelques courses.

Particulièrement admirable, la maman accompagnée d’enfants en bas âge et qui fait ses courses donne une bonne idée de ce qu’est jongler en ayant huit bras. Un autre modèle intéressant est le client qui prolonge le processus relevé plus haut : Très attaché aux principes et à la Justice avec un grand J (celle qui n’a été créée que pour veiller sur son porte-monnaie), il ne range pas ses achats au fur et à mesure, trop occupé à vérifier que la caissière ne commet pas d’erreur de scanner, avant de passer au décompte des différents coupons et bons de réduction…

Et puis les autres, donc parfois l’enfer. Ceux dont le regard agacé et l’impatience vous mettent une pression infernale, ceux qui monopolisent la caisse pendant une heure, comme si la sortie au supermarché était le point d’orgue de leur journée, et qu’il leur fallait faire durer ce délectable moment de promiscuité. Mais aussi des vieilles dames aimables et promptes à vous aider et vous conseiller sur le choix de vos confitures (cela dit, sans vouloir être méchante, Madame, vous êtes à la retraite, avez-vous l’absolue nécessité de faire systématiquement vos courses aux heures de pointe?).

Le passage à la caisse est une bonne occasion de s’observer soi-même. Suis-je stressé/e, égoïste, dédaigneux/se, aimable avec mes frères et sœurs humain(e)s ? Comme toujours, se mettre dans les baskets de l’autre permet de prendre un recul salutaire. Bref, il s’agit d’une simple et belle opportunité de faire preuve de respect simplement humain et d’intérêt pour l’autre, d’apporter sa contribution à plus de civilité en ce bas monde.

Bien sûr, sous d’autres latitudes, il y a de bonnes idées pour améliorer ce qu’on appelle désormais « l’expérience consommateur ». Aux États-Unis par exemple, les magasins emploient des jeunes qui rangent vos produits dans des sacs, les mettent dans votre caddy et au besoin vous accompagnent jusqu’à votre véhicule. Voilà qui créerait des petits emplois pour nos étudiants et représenterait un confort non négligeable pour les clients. Pour ma part, je serais immédiatement fan de la chaîne de magasins qui introduirait ça en Suisse !

Mentionnons encore, en guest-star : Le Progrès, aka la transformation digitale. Qui en l’espèce se matérialise sous la forme du self-scanning. Effectivement, cela fonctionne plutôt bien, surtout quand il y a peu d’achats, mais déjà pointe à l’horizon un nouveau personnage avec lequel il faudra composer, celui de la caissière promue au poste de « surveillante ès exhaustivité du scannage ». Avec tout ce que ça peut impliquer comme dimension de suspicion, voire de délit de sale gueule.

Et en termes d’interactions humaines (sans parler suppression d’emplois), on admettra que c’est pauvre, si pauvre…

Bref, moi qui pensais me mettre à faire les courses en ligne et les faire livrer, je me dis que le contact avec mes pairs me manquerait sans doute trop. Et puis, je dois prendre des nouvelles de la petite dame sympa qui est souvent à la caisse 3.

Sabrina

Illustration : Supermarkets Story / PR Prêt à porter https://prpretaporter.wordpress.com/2011/08/03/supermarkets-story/