28 février 2016, quoi de neuf en Suisse ?

Après une campagne très émotionnelle, sur des sujets touchant particulièrement à la vie quotidienne et clivants, tout semblait en place pour un résultat accentuant les divisions du pays. Entre Suisses et étrangers. Entre alimentation et spéculation. Entre protection des Alpes et facilités pour les automobilistes. Entre partisans de la famille traditionnelle et diversité des formes de vie… On s’attendait à un dimanche qui ferait bouger les lignes.

 

Mais il n’en a rien été. Après la tempête, le calme. La stabilité domine. Les rapports de force établis voici 5 mois au moment des élections fédérales se retrouvent parfaitement confirmés. S'agissant de la lutte contre la spéculation sur les denrées alimentaires, le résultat est un peu mieux que la force électorale du camp gauche-vert. Concernant le 2e tunnel routier au Gothard, certains secteurs du centre-droit avaient rejoint ce camp, et le résultat le reflète égalemement. Quant à l’expulsion automatique des étrangers condamnés, l’UDC s’est retrouvée relativement seule. Et contrairement aux surprises précédentes – interdiction des minarets ou contingentement de la main d’œuvre étrangère – cette fois-ci les forces du centre-droit ont décidé de passer à l’offensive et ont remporté la mise. Seule l’initiative du PDC sur la famille fait bande à part, suivant ici d’autres clivages. Pour tout le reste, le rôle central du centre-droit apparaît à l’évidence. C’est lui qui a fait ou défait les majorités. L’élément nouveau ?

 

Oui, il y en a un. C’est le rôle actif, précisément, qu’a joué le pôle du centre-droit. Avec la gauche et les verts, il s’est décidé à combattre la surenchère de l’UDC, de prendre – il était temps – la mesure du facteur de tension, d’exacerbation et d'affaiblissement de la cohésion nationale qu’apportent le style de communication et les contenus de ce parti. Quand les pyromanes sont en train de mettre le feu à la maison, plus moyen d’être complice de l’œuvre de destruction, de minimiser leur action, même de regarder passivement. C’est certainement cela, le moment historique de ce dimanche. Et contre la gauche et les verts, le centre-droit a décidé de soutenir le doublement du tunnel routier du Gothard. Si la détermination de ce camp était nouvelle s’agissant de renvoyer l’UDC dans les cordes, son positionnement en matière de transports était des plus traditionnels et sans surprise.

 

En se situant activement comme l'axe des décisions, le centre-droit a du coup aussi pris sur lui une importante responsabilité. Celle de continuer de contrer les excès de l’UDC et de ramener cette formation à un comportement compatible avec son statut de parti gouvernemental. Celle de rappeler le gouvernement à ses promesses de ne pas faire de la 2e galerie routière du Gothard une concurrence au tunnel ferroviaire qui sera inauguré dans quelques mois pour prendre en charge le ferroutage européen. Et pour tenir ces deux promesses, le centre-droit aura besoin de manière évidente du concours de la gauche et des verts. Un début de recomposition politique ? En tous cas, un besoin de dialogue au-delà des camps préétablis, en vue du bien commun. Et si le 28 février était le début de la fin d’une fuite en avant dans la radicalisation des positions, et le commencement d’une responsabilité partagée?

René Longet

Licencié en lettres à l’Université de Genève, René Longet a mené en parallèle d’importants engagements, dans le domaine des ONG et du monde institutionnel, pour le vivre-ensemble ainsi qu'un développement durable. Passionné d’histoire et de géographie, il s’interroge sur l’étrange trajectoire de cette Humanité qui, capable du meilleur comme du pire, n’arrive pas encore bien à imaginer son destin commun.