Où en étais-je? Cela fait des mois que je n’ai plus publié de billet sur ce blog, à mon grand regret – l’année 2021 a été un vrai tourbillon.
Le cap du Nouvel An étant propice aux réflexions, je m’autorise à jeter un regard sur l’année écoulée et partager quelques réflexions sur ce que les mois à venir pourraient nous réserver.
2021, une année noire en matière de politique européenne
L’année 2021 démarre en trombe: de nouveaux mouvements eurosceptiques issus des milieux économiques émergent, investissant des milliers – voire des millions – de francs dans une campagne contre l’accord institutionnel. Ils profitent alors du vide laissé par les partisans de ce dernier, trop peu audibles.
Coup de grâce: le Conseil fédéral décide le 26 mai d’abandonner les négociations sur l’accord institutionnel. Il précipite ainsi la Suisse dans l’inconnu, fâche ses partenaires européens et manque à ses responsabilités au vu de l’absence de propositions alternatives crédibles de sa part. Les réactions outrées face à un tel comportement fusent. Le Conseil fédéral a fait fi de l’avis des cantons, de celui des Chambres fédérales et n’a pas daigné vouloir consulter le peuple. Malgré la gravité de la situation, les titres des grands journaux passent rapidement à autre chose. Aucun débat de fond sur le rôle et la place de la Suisse en Europe s’en suit. En effet, peu de citoyennes et citoyens se sentent concerné∙es par cette tragique décision – l’urgence et leurs préoccupations est ailleurs. Pas étonnant, vu l’absence crasse de tout débat européen ouvert et constructif depuis grand nombre d’années.
En septembre, les Chambres fédérales libèrent enfin le deuxième «milliard de cohésion» à la demande express du Conseil fédéral qui se doit de trouver de quoi faire preuve de “bonne volonté”. La Commission européenne et les Etats membres de l’Union européenne restent toutefois de marbre – il s’agit selon eux d’une dette. Leur position ne change guère, la participation de la Suisse aux programmes européens tels qu’Horizon Europe reste ainsi toujours bloquée.
Alors que le Chef du Département fédéral des affaires étrangères obtient un vis-à-vis au sein de la Commission européenne en la personne du Commissaire Maroš Šefčovič (également en charge du suivi du Brexit!), l’année se termine sans que rien n’ait bougé.
L’Union européenne avance et la Suisse ne la regarde même plus – elle l’ignore. Une aberration pour un pays au coeur du continent européen.
Que peut donc nous réserver 2022?
L’on ne peut qu’espérer que l’année 2022 sera meilleure.
Le Conseil fédéral établira peut-être enfin son «dialogue politique» avec l’Union européenne sur la base d’une feuille de route commune. En effet, à quoi bon vouloir initier un tel dialogue sans savoir ce que l’on veut discuter, négocier, conclure? Le partenaire européen attend des autorités suisses qu’elles lui fassent part de leurs intentions. Il est clair que Berne ne pourra échapper à la reprise de discussions sur les “questions institutionnelles” (mécanisme de règlement des différends, paiement régulier de contributions financières, interprétation et application du droit européen) – l’Union européenne souhaite clarifier ces points de façon “horizontale”. La balle est dans le camp de la Suisse.
Les partis politiques, les milieux économiques et aux autres actrices et acteurs engagé∙es? Elles et ils avanceront certainement dans leurs réflexions, élaboreront des propositions (comme la feuille de route du Parti socialiste du 22 décembre 2021 ou les projets d’initiative populaire) et initieront des discussion. Le chemin à parcourir pour enfin arriver à provoquer un vrai débat européen reste cependant bien long. Peut-être que la déterioration des relations entre la Suisse et l’Union européenne réveillera les (ou du moins certaines) consciences. L’espoir fait vivre.
Il reste un tabou à briser pour enfin avancer
Peu d’entre-elles et eux devraient cependant avoir le courage de briser le tabou de l’adhésion à l’Union européenne ou d’une participation à l’Espace économique européen (EEE) qui bloque et pollue «notre» débat européen depuis belle lurette.
Or aujourd’hui, quoi qu’on en pense, il ne reste plus que l’adhésion et l’EEE pour stabiliser, sécuriser et développer les relations entre la Suisse et l’Union. L’option d’un accord institutionnel a été écartée par le Conseil fédéral et les partis gouvernementaux. Quant au statu quo, à un simple accord de libre-échange ou à un accord de commerce et de coopération similaire à celui conclu entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne: tous trois seraient synonyme de régression, des chemins aux conséquences néfastes pour notre pays.
Mais peut-être qu’elles et ils seront plus nombreux à avoir le courage d’enfin briser ce tabou. Car trente ans après le vote du 6 décembre 1992, il est temps de crever l’abcès. Il nous faut avancer, et vite!
Je garde espoir. 2022 sera européenne, tout comme 2021 l’a été. Car c’est là notre avenir commun – l’Europe est notre destin.