Suisse-UE: relançons “la” discussion

La question que tout le monde veut éviter

A Lausanne, ce mardi matin, j’ai assisté au débat sur l’avenir des relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE) organisé par le journal Le Temps dans le cadre de son «Forum des 100» annuel. A ma grande surprise, c’est la conseillère nationale et vice-présidente de l’UDC Céline Amaudruz qui a posé la question que tout le monde préfère ignorer:

Quelle forme de relation institutionnelle voulons-nous entretenir avec notre voisin européen?

Les options en la matière ne sont guère nouvelles:

  1. le simple libre-échange,
  2. l’Espace économique européen (EEE) et
  3. le statut d’Etat membre de l’UE.

Ladite «voie bilatérale» n’est plus une option, encore moins depuis l’abandon des négociations sur l’accord institutionnel le 26 mai 2021.

C’est donc toujours la même rengaine. D’où l’envie, probablement, chez beaucoup, de ne pas (plus) vouloir en parler.

Le noeud du problème

Or c’est ici que se situe justement le nœud du problème. La Suisse fait l’autruche.

Nous n’arrivons pas à mener ce débat de fond si nécessaire pour notre avenir, notamment parmi celles et ceux en faveur de relations solides et étroites avec l’UE. Elles et ils préfèrent l’éviter et «faire comme si», se concentrant sur les «questions institutionnelles» technico-juridiques sans discuter de «relation institutionnelle», en débattant ad aeternam de protection des salaires, de clauses de sauvegarde, d’aides d’Etat, de règlement des différends et de la directive relative au droit des citoyen∙es de l’UE et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres.

Relancer la discussion

Trente ans après la campagne sur l’EEE, et alors que la guerre fait rage en Ukraine, il est temps de boucler la boucle, d’acter la fin de la phase «bilatérale». Il est temps de relancer, sans crainte et sans tabous, la discussion et ouvrir un nouveau chapitre.

D’ailleurs, selon l’étude Sophia 2022 du Temps et de M.I.S. Trend (p. 10), 63% des leaders et 52% de la population considèrent qu’il est temps de reparler de l’adhésion de la Suisse à l’EEE.

Pourquoi donc pas réenvisager une participation de notre pays à l’EEE?

 

Texte publié le 13 octobre 2022 sous forme d’édito dans la Newsletter du Mouvement européen Suisse.

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Suisse-UE: il reste un tabou à briser pour enfin avancer

Où en étais-je? Cela fait des mois que je n’ai plus publié de billet sur ce blog, à mon grand regret – l’année 2021 a été un vrai tourbillon.

Le cap du Nouvel An étant propice aux réflexions, je m’autorise à jeter un regard sur l’année écoulée et partager quelques réflexions sur ce que les mois à venir pourraient nous réserver.

2021, une année noire en matière de politique européenne

L’année 2021 démarre en trombe: de nouveaux mouvements eurosceptiques issus des milieux économiques émergent, investissant des milliers – voire des millions – de francs dans une campagne contre l’accord institutionnel. Ils profitent alors du vide laissé par les partisans de ce dernier, trop peu audibles.

Coup de grâce: le Conseil fédéral décide le 26 mai d’abandonner les négociations sur l’accord institutionnel. Il précipite ainsi la Suisse dans l’inconnu, fâche ses partenaires européens et manque à ses responsabilités au vu de l’absence de propositions alternatives crédibles de sa part. Les réactions outrées face à un tel comportement fusent. Le Conseil fédéral a fait fi de l’avis des cantons, de celui des Chambres fédérales et n’a pas daigné vouloir consulter le peuple. Malgré la gravité de la situation, les titres des grands journaux passent rapidement à autre chose. Aucun débat de fond sur le rôle et la place de la Suisse en Europe s’en suit. En effet, peu de citoyennes et citoyens se sentent concerné∙es par cette tragique décision – l’urgence et leurs préoccupations est ailleurs. Pas étonnant, vu l’absence crasse de tout débat européen ouvert et constructif depuis grand nombre d’années.

En septembre, les Chambres fédérales libèrent enfin le deuxième «milliard de cohésion» à la demande express du Conseil fédéral qui se doit de trouver de quoi faire preuve de “bonne volonté”. La Commission européenne et les Etats membres de l’Union européenne restent toutefois de marbre – il s’agit selon eux d’une dette. Leur position ne change guère, la participation de la Suisse aux programmes européens tels qu’Horizon Europe reste ainsi toujours bloquée.

Alors que le Chef du Département fédéral des affaires étrangères obtient un vis-à-vis au sein de la Commission européenne en la personne du Commissaire Maroš Šefčovič (également en charge du suivi du Brexit!), l’année se termine sans que rien n’ait bougé.

L’Union européenne avance et la Suisse ne la regarde même plus – elle l’ignore. Une aberration pour un pays au coeur du continent européen.

Que peut donc nous réserver 2022?

L’on ne peut qu’espérer que l’année 2022 sera meilleure.

Le Conseil fédéral établira peut-être enfin son «dialogue politique» avec l’Union européenne sur la base d’une feuille de route commune. En effet, à quoi bon vouloir initier un tel dialogue sans savoir ce que l’on veut discuter, négocier, conclure? Le partenaire européen attend des autorités suisses qu’elles lui fassent part de leurs intentions. Il est clair que Berne ne pourra échapper à la reprise de discussions sur les “questions institutionnelles” (mécanisme de règlement des différends, paiement régulier de contributions financières, interprétation et application du droit européen) – l’Union européenne souhaite clarifier ces points de façon “horizontale”. La balle est dans le camp de la Suisse.

Les partis politiques, les milieux économiques et aux autres actrices et acteurs engagé∙es? Elles et ils avanceront certainement dans leurs réflexions, élaboreront des propositions (comme la feuille de route du Parti socialiste du 22 décembre 2021 ou les projets d’initiative populaire) et initieront des discussion. Le chemin à parcourir pour enfin arriver à provoquer un vrai débat européen reste cependant bien long. Peut-être que la déterioration des relations entre la Suisse et l’Union européenne réveillera les (ou du moins certaines) consciences. L’espoir fait vivre.

Il reste un tabou à briser pour enfin avancer

Peu d’entre-elles et eux devraient cependant avoir le courage de briser le tabou de l’adhésion à l’Union européenne ou d’une participation à l’Espace économique européen (EEE) qui bloque et pollue «notre» débat européen depuis belle lurette.

Or aujourd’hui, quoi qu’on en pense, il ne reste plus que l’adhésion et l’EEE pour stabiliser, sécuriser et développer les relations entre la Suisse et l’Union. L’option d’un accord institutionnel a été écartée par le Conseil fédéral et les partis gouvernementaux. Quant au statu quo, à un simple accord de libre-échange ou à un accord de commerce et de coopération similaire à celui conclu entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne: tous trois seraient synonyme de régression, des chemins aux conséquences néfastes pour notre pays.

Mais peut-être qu’elles et ils seront plus nombreux à avoir le courage d’enfin briser ce tabou. Car trente ans après le vote du 6 décembre 1992, il est temps de crever l’abcès. Il nous faut avancer, et vite!

Je garde espoir. 2022 sera européenne, tout comme 2021 l’a été. Car c’est là notre avenir commun – l’Europe est notre destin.

Notre réponse au Covid-19? Commune, européenne!

Nous vivons une période bien particulière. Beaucoup ont dû basculer du jour au lendemain vers le télétravail, découvrant à cette occasion une technologie et des outils informatiques bienvenus. Notre quotidien à toutes et à tous a été chamboulé. Certaines familles ont été touchées de plein fouet par les terribles conséquences du virus. Chaque jour un peu plus, le fonctionnement de nos sociétés est mis à rude épreuve.

Toutes et tous dans le même bateau

Que ce soit en Lombardie, en région parisienne, à Vienne ou à Lausanne, personne n’en ressortira indemne. Nous sommes toutes et tous dans le même bateau. L’Europe, de la Norvège à Chypre, du Portugal à la Bulgarie, en passant par la Suisse, a été prise de court. De manière impromptue, nous voilà face à des questionnements et à une réalité que nous n’aurions jamais imaginés il y a peu, alors que nous entamions l’année 2020 avec confiance.

Une chance à saisir

Dans l’urgence, les réponses apportées ont pu paraître désordonnées, individualistes, non concertées. Elles l’ont été, en partie. Notre défi est dorénavant celui de la sortie de crise. C’est aussi une chance: œuvrer ensemble à des solutions, procéder aux réformes nécessaires afin de tirer les leçons d’un épisode dont on ne peut exclure qu’il se répète.

Notre réponse au Covid-19

Le virus ne connaît pas de frontières. Son combat doit faire pareil: surmonter les clivages et dépasser les barrières. Si nous ne pouvons décider du passeport du Covid-19, nous pouvons cependant choisir sous quelle bannière la réponse qu’il convient d’apporter doit s’inscrire: celle aux douze étoiles, commune à nous Européen∙nes!

2019: quel bilan pour les relations Suisse-UE?

Voilà l’année 2019 qui touche à sa fin: quel bilan tirer de ces douze derniers mois en matière de politique européenne?

Six mois de perdus

En décembre 2018, le Conseil fédéral – indécis quant au soutien à apporter ou non à l’accord institutionnel négocié avec l’Union européenne (UE) – décidait de lancer une phase de consultation pour «sonder le terrain»

Après six mois de silence de sa part et la récolte d’un grand nombre de réactions, il reconnaît en juin les qualités du texte sur la table tout en souhaitant en clarifier trois points. Le dialogue avec les partenaires sociaux – rompu après le malheureux couac de communication du conseiller fédéral Cassis en été 2018 – peine cependant à reprendre. Résultat: l’été se termine et aucune proposition concrète n’est faite à Bruxelles pour sortir de l’impasse.

Silence durant les élections fédérales

La campagne des élections fédérales ne fait que renforcer la paralysie – le sujet des relations Suisse-UE étant absent des débats, malgré son importance fondamentale. Depuis, un nouveau Parlement est entré en fonction: plus vert, plus jeune, plus progressiste et plus féminin. Difficile toutefois de savoir si cette configuration influencera positivement le dossier européen

Au niveau du gouvernement, statu quo: ce n’est donc probablement pas demain, ni en 2020, que nous retrouverons un Conseil fédéral assumant pleinement ses responsabilités et faisant preuve de leadership dans le dossier européen. Raison donc de plus de bien garder les yeux rivés sur les parlementaires et le positionnement des partis politiques.

Rien ne bouge à Bruxelles

Du côté européen? Le Parlement de Strasbourg tout comme la Commission européenne ont été renouvelés. La position des partenaires européen∙nes sur l’accord institutionnel n’a toutefois pas changé (l’interlocuteur de M. Cassis non plus). Elles et ils patientent – toujours et encore!

De nouveaux visages pour un nouvel élan?

Sur le fond, rien n’a donc changé depuis une année – nous sommes là où nous étions il y a douze mois. Le texte négocié est toujours là, inchangé. Les points contestés sont connus – ce sont les mêmes qu’en décembre 2018.

2019 a toutefois apporté un léger renouveau au niveau du personnel politique, surtout au sein des parlements. Dès lors, qu’attendre de 2020? L’accord institutionnel restera relégué au second plan encore pour quelques mois, le temps de la campagne sur l’initiative de résiliation de l’UDC. Le 17 mai prochain, jour de votation, le camp du non devra s’assurer d’un résultat clair en faveur de la libre circulation des personnes et de l’intégration européenne pour permettre, dès le lendemain, de relancer la discussion sur l’accord institutionnel et en garantir une conclusion rapide.

Souhaitons aux nouvelles et nouveaux élu∙es d’apporter l’énergie et les idées nécessaires pour un réveil européen.  Si nous ne voulons pas courir le risque d’un isolement croissant, nous devons approfondir – maintenant! – l’intégration européenne de notre pays.

Nous, Européen∙nes, avons du pain (d’épices, en ces jours de Noël) sur la planche!

Une Suissesse ou un Suisse dans la #vdLcommission?

La présidente élue de la Commission européen Ursula von der Leyen a dévoilé la composition de son équipe – pour la première fois paritaire! – mardi matin en conférence de presse. Un exercice périlleux tant l’équilibre à trouver entre les diverses sensibilités politiques, régionales, nationales et idéologiques est ardu. Avec la désignation de trois Executive Vice-Presidents, l’ancienne ministre allemande de la Défense a confirmé l’importance qu’elle souhaite accorder aux thématiques que sont le changement climatique, la digitalisation et la migration.

Et si une Suissesse ou un Suisse avait fait partie de cette nouvelle équipe? Aurait-on reçu le portefeuille du Budget et de l’Administration, à l’image de l’Autrichien Johannes Hahn? Ou celui de la Justice, comme le Belge Didier Reynders, voire de l’Emploi, tel le Luxembourgeois Nicolas Schmit? La Danoise Margrethe Vestager démontre que même une représentante d’un Etat membre de taille modeste, avec 6 millions d’habitant∙es, peut obtenir un des postes les plus influents à Bruxelles. N’oublions pas non plus que le Luxembourg a obtenu à trois reprises la présidence de la Commission européenne.

Qu’attendons-nous dès lors?

Une fois encore, l’Europe avance et s’attèle à répondre aux défis de demain. Et malgré cela, certain∙es souhaitent sauter du train en marche – tels les Britanniques – alors les Suissesses et des Suisses hésitent entre courir après, investir dans la construction d’une voie de chemin de fer parallèle ou s’arrimer au dernier wagon du TGV européen. Certes, le processus d’intégration européenne est fragile, imparfait et parfois même chancelant. Toutefois, il est plus que nécessaire.

Jamais, dans le contexte globalisé qu’est le nôtre, un «Switzerland First» ou un «Global Britain» ne pourra être la solution.

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Tic. Tac. Le temps va finir par manquer!

A force de jouer avec le feu, on finit par se brûler. Il en va de même pour le temps: à force de tergiverser, on finit par en manquer. La Suisse en fait l’expérience ces jours, dans le cadre du dossier européen.

Tic. Tac. Tic. Tac.

Vendredi dernier, après une phase de consultation initiée en janvier et alors que l’accord institutionnel avait été négocié durant cinq années déjà, le Conseil fédéral se prononce enfin en faveur du texte sur la table, sous réserve de clarifications en matière de mesures d’accompagnement, d’aides d’Etat et de citoyenneté européenne. Tout ça pour ça? Cette phase de consultation 2.0 aura eu un (seul) mérite: permettre au gouvernement, dans sa nouvelle composition, de se réapproprier le dossier des relations Suisse-Union européenne et gagner en assurance. Ce n’est pas rien.

Tic. Tac. Tic. Tac.

Le calendrier du partenaire européen est bien connu et n’a quant à lui pas changé. L’Union européenne avait depuis plusieurs mois fait savoir qu’une renégociation était exclue mais que des précisions pouvaient être rapidement fournies, si la Suisse devait en souhaiter. Par ailleurs, Juncker et la Commission européenne dans sa composition actuelle n’ont jamais caché leur volonté de finir leur mandat sur un succès avec la Suisse. Ainsi, sans surprise, la réaction de Bruxelles à la communication du gouvernement suisse du 7 juin dernier a été rapide et limpide: les clarifications au texte négocié doivent être apportées d’ici au 18 juin et l’accord institutionnel signé avant le départ de Juncker, c’est-à-dire jusqu’au 31 octobre. La Suisse n’aime pas être mise sous pression. Mais à force de jouer avec le feu…

Tic. Tac. Tic. Tac.

La Suisse a tout intérêt à saisir la balle au bond et conclure cet accord institutionnel tant que Juncker est encore là. En effet, les candidat∙es à la présidence de la Commission européenne semblent ne pas vouloir faire plus de concessions. Aux actrices et acteurs suisses impliqué∙e∙s de prendre leurs responsabilités, laisser leurs calculs électoraux de côté pour un bref moment et écouter le bruit des aiguilles de la montre. Il leur reste encore un peu plus de quatre mois. Au pays de l’horlogerie, nous devrions le savoir: le temps ne s’arrête pas.

Un renouveau du Conseil fédéral bénéfique pour les relations Suisse-UE?

Les semaines passent, l’attente se prolonge: y aura-t-il un accord institutionnel? Le nouveau délai fixé par l’Union européenne (UE) arrive à échéance lundi prochain. Les négociateurs suisses semblent ne pas avoir perdu l’espoir d’en finaliser un – nous sommes à bout touchant nous dit-on (depuis bien des mois). Encore un peu de patience…

Nous traversons une période cruciale pour l’avenir de la place de la Suisse en Europe avec les votations qui nous font face, les négociations en cours sur un accord institutionnel avec l’UE, les élections européennes et fédérales de 2019 mais aussi, et surtout, le renouvellement partiel du Conseil fédéral.

La course à la succession de Mme Leuthard et de M. Schneider-Ammann a été lancée et son résultat aura certainement un impact sur la conduite de la politique européenne de la Suisse. En effet, M. Schneider-Ammann, ensemble avec sa collègue socialiste Mme Sommaruga et le chef de la diplomatie suisse M. Cassis, est l’un des sept Sages à porter le dossier européen au sein du Conseil fédéral. Mme Leuthard, de par son ancienneté, ses relations avec la démocratie chrétienne européenne – famille politique de l’actuel Président de la Commission européenne M. Juncker – et la taille du département qu’elle pilote, a aussi été une actrice clef du dossier, notamment durant sa présidence de la Confédération l’an dernier.

Les deux sièges laissés vacants ne sont donc pas sans importance. Face aux membres socialistes du Collège – dont le parti est tiraillé à l’interne lorsqu’il en va de la concrétisation de sa politique européenne – et de l’Union démocratique du centre – tenus de maintenir la ligne anti-européenne blochérienne –, les profils des successeurs de Mme Leuthard et de M. Schneider-Ammann, tout comme leurs connaissances préalables des enjeux européens, décideront de la tournure que prendront les relations entre la Suisse et l’UE dans les mois et années à venir. Les défis sont tels que nous ne pouvons nous permettre une paralysie complète du gouvernement en raison d’une méconnaissance technique et politique du dossier par ses membres.

Il est donc réjouissant de voir Mme Keller-Sutter se lancer dans la course: présidente en exercice du Conseil des Etats et à la tête de la Délégation AELE/UE du Parlement, elle connaît parfaitement le dossier européen. Pas de risque donc, après sa probable élection, que nous nous retrouvions avec une novice en la matière (comme ce fut le cas avec M. Cassis). Souhaitons au Parti démocrate-chrétien de pouvoir trouver des candidat∙e∙s au bagage tout aussi solide.

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Relations Suisse-UE: une absence de regards externes

Hasard du calendrier, la journée de mercredi a été marquée par deux événements importants.

D’une part, la Constitution fédérale a fêté son 170e anniversaire. Adoptée le 12 septembre 1848, elle a jeté les bases de notre Etat fédéral actuel. Sa dernière révision date de 1999. Si nous célébrons chaque 1er août un mythe – celui du Serment du Grütli –, nous devrions aussi être en mesure de commémorer chaque 12 septembre un fait historique dont la véracité et la portée ne peuvent, elles, être contestées.

D’autre part, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a délivré son dernier discours « sur l’état de l’Union » à Strasbourg devant le Parlement européen. Selon lui, « l’heure de la souveraineté européenne a sonné ». Fort d’un bilan économique positif, l’Union européenne (UE) se doit de renforcer ses capacités de gestion des frontières, établir un partenariat solide avec le continent africain et œuvrer à offrir à ses citoyen∙ne∙s des perspectives d’avenir, particulièrement en matière d’emplois. Ce discours marque le début d’une période de neuf mois incertaine et à haut risque pour l’Europe : la Commission Juncker se prépare à passer le flambeau, les élections européennes des 23-26 mai 2019 se profilent, le Brexit n’est pas encore réglé, les tensions géopolitiques ne faiblissent pas.

En Suisse, nous ne réalisons pas ou très peu à quel point nous évoluons dans une bulle, croyant que nos relations avec notre voisin européen sont d’une telle importance que toutes les capitales et l’entier de « Bruxelles » s’en préoccupent. L’absence de regards externes est criante. Mon séjour à  Bruxelles, la semaine dernière, n’a fait que renforcer ce constat en moi. Rencontrer et échanger, sur place, avec les actrices et acteurs impliqué∙e∙s dans le dossier des relations Suisse-UE et ainsi aborder ce dossier sous un autre angle, depuis l’étranger, m’a obligé de le remettre en perspective. J’en profite pour saluer ici le travail des correspondant∙e∙s des médias suisses installé∙e∙s dans la capitale belge. Hormis celles et ceux de la Radio Télévision Suisse, ils se font toutefois rares, notamment du côté de la presse romande. Nous devons pourtant cultiver ces ponts avec l’externe et informer, expliquer, débattre à l’interne.

Dès lors, lorsque nous parlons d’Europe en Suisse, ne négligeons pas cette actualité européenne – qui n’est pas sans importance pour le développement futur des relations Suisse-UE – ni cette date du 12 septembre. La Suisse est européenne et cela n’est pas un mythe. C’est un fait.

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Accord-cadre, populisme, Europe, Suisse: stop – faisons la part des choses!

La pause estivale est bel et bien terminée, en tous les cas en politique: personne n’échappe ces jours aux innombrables émissions, articles, commentaires et discussions sur le fameux accord-cadre que voudraient conclure la Suisse et l’Union européenne (UE). A bientôt une année des élections fédérales de l’automne 2019, certain∙e∙s diront que nous sommes déjà entré∙e∙s dans la campagne électorale: les coups pleuvent, chacun∙e accuse l’autre, les émotions sont à vif. Difficile dès lors de garder son calme et faire la place nécessaire dans son esprit pour raisonner de façon objective. Pourtant, à mon sens, il est essentiel de faire la part des choses dans le débat actuel.

D’une part, nous discutons de nos relations bilatérales avec notre voisin européen et – surtout – de la question de l’accès au marché unique, primordial pour notre économie d’exportation. Cette voie bilatérale – telle que mise en œuvre comme mesure transitoire après l’échec de l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen en 1992 – s’essouffle. Un renouvellement en est nécessaire si nous souhaitons continuer à bénéficier d’un accès facilité au marché de l’UE et à ses 500 millions de consommatrices et consommateurs. De nouveaux accords sectoriels, qui offriraient des perspectives de développement économique supplémentaires, en dépendent aussi. La conclusion d’un accord-cadre semble dès lors inévitable si la Suisse veut garantir sa prospérité, sa sécurité juridique et maintenir une relation privilégiée avec son principal partenaire économique. Bien sûr, cet accord-cadre a un coût: il est impossible de vouloir s’insérer dans une équipe de football en s’obstinant à ne vouloir appliquer que les règles du volleyball.

D’autre part, il est question de la direction que prend politiquement le continent européen – Suisse y compris – avec la montée en puissance des mouvements nationalistes, conservateurs et antisystèmes. Ne mâchons pas nos mots, l’Union démocratique du centre (UDC) joue ici un jeu similaire à ceux de la Ligue du Nord, du FPÖ autrichien, du Rassemblement national (ex-Front national), de l’Alternative pour l’Allemagne et de bien d’autres encore. Tous remettent en cause les progrès réalisés en matière de droits humains, de démocratie, de libertés et d’Etat de droit. Pourtant, aucun de ces partis ne propose une alternative réellement viable. Face à cette vague populiste et anti-démocratique, les citoyennes et citoyens européen∙ne∙s attaché∙e∙s à un monde ouvert et libre – issus ou non d’Etats membres de l’UE – doivent se réveiller.

Ce sont là deux problématiques qui ne devraient être confondues dans le débat actuel, car un élément central les distingue l’une de l’autre: la non-participation de la Suisse à l’UE. Cet état de fait est à l’origine du débat sur l’accord-cadre. Il n’a cependant rien à faire avec la seconde problématique.

Ce ne sera que le jour où nous serons assis à la table des Etats membres de l’UE, avec le droit de codécision, que nous pourrons pleinement défendre nos intérêts. Nous n’avons toutefois pas besoin d’attendre une adhésion de la Suisse à l’UE pour nous engager à lutter contre les forces politiques dont l’unique objectif est de détruire nos acquis et de nous conduire vers un passé qui n’a jamais existé.

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Absence de courage politique? Mobilisons-nous!

Chères lectrices, chers lecteurs,

Il y a quelques jours, nous avons eu l’occasion d’entendre le président du Parti démocrate-chrétien (PDC) présenter à Lausanne sa position en matière de relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE). La presse dominicale des derniers mois a permis à ses collègues présidents de faire de même. L’émission Arena de la télévision suisse-alémanique de vendredi dernier, consacrée à la politique européenne de la Suisse, leur a donné une nouvelle occasion de nous faire part de leurs avis en la matière.

Un manque criant de courage politique

Une même conclusion s’impose, celle d’un manque criant de courage politique! A l’exception des partisans d’une Suisse barricadée et coupée du reste du monde, où sont celles et ceux qui osent porter et défendre leur vision de la Suisse en Europe? D’importantes échéances électorales concernant les relations Suisse-UE approchent – pour la plupart dictée par l’Union démocratique du centre (UDC), ce qui ne semble pas déranger certains partis – sans oublier les élections fédérales de 2019 qui pointent doucement leur nez. Ce devrait être là l’occasion rêvée de mobiliser électrices, électeurs et sympathisant-e-s avec un discours ambitieux, visionnaire et positif quant à la place de la Confédération sur notre continent! Que nenni! Rien ne bouge; chacune et chacun semble se limiter à ses calculs stratégiques à court terme, espérant ne pas se retrouver dans le camp des perdants, priant pour sauver ses sièges.

Mouvement vs. parti politique?

Pourtant le président Macron l’a démontré (tout comme, dans une certaine mesure, la chancelière allemande Merkel voire aussi le chancelier autrichien Kurz): un discours honnête et positif sur l’Europe peut s’avérer gagnant. Pourquoi donc hésiter? Est-ce la logique des partis politiques qui empêche qu’une nouvelle vision de la Suisse dans l’Europe ne prenne forme? Si Macron et Kurz semblent confirmer cette hypothèse – tous deux s’étant émancipés de la logique des partis pour lancer leurs «mouvements» – l’UDC nous amène au constat inverse, puisqu’elle a réussi, en tant que parti, à diffuser largement dans la population son projet politique et à s’assurer de nombreux succès électoraux depuis les années nonante. Que pouvons-nous donc faire?

A l’évidence et compte tenu des propos de leurs présidents, nous ne pouvons pas compter sur les partis gouvernementaux « proeuropéens » – entendons par là ceux opposés à la résiliation des accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’UE. Le Conseil fédéral, trop divisé sur les relations Suisse-UE, ne nous sera pas non plus d’une grande aide. Les milieux économiques ne se mobilisent, quant à eux, que de façon bien timide pour le moment.

Mobilisons-nous pour une Suisse démocratique, prospère et qui a voix au chapitre dans une Europe qui garantit nos libertés et nous protège

C’est donc à la société civile et aux citoyennes et citoyens de porter un projet d’avenir radicalement autre que celui prôné par les tacticiens de l’UDC: celui d’une Suisse démocratique, prospère et qui a voix au chapitre dans une Europe qui garantit nos libertés et nous protège. Il semble que nous ayons encore passablement « de pain sur la planche »: retroussons donc nos manches et profitons  des échéances électorales à venir et des élections fédérales de l’an prochain pour partager notre vision européenne ambitieuse, courageuse et tournée vers l’avenir!