Des poêles…à l’Himalaya

La semaine passée, l’émission Temps Présent à diffusé un reportage sur le scandale de la pollution au téflon dans la région de Parkersburg aux Etats-Unis. Dans les années 80 et 90, l’entreprise DuPont a ainsi déversé quelques 7000 tonnes de substances toxiques dans les eaux de la région, impactant de manière durable la santé des habitants.

Cet exemple dramatique de pollution industrielle concernait un composé utilisé dans le téflon et portant le doux nom d’acide perluorooctanoïque, “PFOA” pour les intimes. Ce composé fait partie de la famille des Polluants Organiques Persistants (POPs) dont je vous ai déjà parlé dans d’autres articles.

Les POPs sont des substances chimiques, souvent inventées entre le début et le milieu du XXème siècle, et utilisées pour leurs propriétés de stabilité. En effet, que ce soit sous l’effet de la chaleur ou du temps, elles gardent cette stabilité.

Et c’est bien là le problème, une fois dans l’environnement, ces composés sont aussi très stables. On estime leur persistance à plusieurs dizaines, voir plusieurs centaines d’années. Autant dire qu’ils nous survivront.

Pourquoi sont-ils persistants? Parce que ce sont des molécules complexes, contenant des éléments toxiques comme le chlore, le brome, ou encore le fluor dans le cas du PFOA. Les bactéries ne sont pas bêtes, et avant de s’attaquer à des molécules qui, d’une part, leur demanderont beaucoup d’énergie à dégrader et qui, d’autre part, pourraient être toxiques, elles vont chercher d’autres sources de nourriture.

Ce qui m’amène à mon deuxième point, ces molécules sont toxiques voir très toxiques. Elles sont souvent cancérigènes et ont des effets sur la reproduction (malformation du foetus, stérilité, etc.). Ainsi le reportage de Temps Présent présente le cas dramatique d’un enfant né avec la moitié du nez et ayant subi de multiples opérations dans son enfance. Sa mère a travaillé dans une usine produisant du téflon (et du PFOA) et il a été exposé à cette substance pendant toute la période in utero.

Enfin, de part leurs caractéristiques physico-chimiques, les POPs ont tendance à s’accumuler dans les graisses et leurs effets peuvent être amplifiés le long de la chaîne alimentaire. C’est le cas bien connu du DDT que j’ai traité dans l’article “Les douze salopards”.

Une partie de ces composés sont donc réglementé au niveau mondial par la Convention de Stockholm (pour la Suisse). Les pays signataires d’engager à ne pas produire, vendre, acheter ou utiliser de tels substances.

En 2009, s’est ajouté à la liste des 12 salopards, l’acide perfluorooctanesulfonique ou PFOS, un cousin du PFOA.

Ces deux substances font partie de la grande famille des perfluorés. Ce sont des substances chimiques dont les atomes de carbones sont saturés en fluor. Parmi la vingtaine de composés perfluorés, le PFOS et le PFOA sont actuellement ceux dont la toxicité est la plus importante. Pour ce qui est connu…

Le PFOS est inclu dans la Convention de Stockholm, donc réglementé, mais pas le PFOA. Cependant des pays comme la Norvège appellent à sa réglementation car sa grande toxicité ne semble plus faire de doutes.

Mais n’est-ce pas un peu tard? En 2015, Greenpeace a ainsi montré qu’on trouvait des composés perfluorés même sur le toit du monde.

Alors quelles sont les sources et que peut-on faire?

On a déjà parlé des poêles en téflon. On peut en trouver sans PFOA, mais se pose alors la question de la substances utilisée à sa place et de sa dangerosité? Sinon il est possible d’utiliser des poêles en fonte par exemple.

Cependant, les poêles ne sont de loin la source principale de composés perfluorés. Ils sont en effet utilisés largement dans les textiles pour leurs effets “repellents”. Vous savez, quand l’eau que vous versez sur votre canapé ne pénètre pas le tissu, mais coule dessus…

Ainsi, dans une autre campagne, Greenpeace a montré en 2013 que ces composés étaient présents dans la majorité des vestes de montagne…celles dont on veut qu’elles résistent à la pluie et à la neige. Par association, on peut se douter qu’on les trouvent aussi dans les vestes et les chaussures résistants à la pluie…que l’on utilise tout l’hiver.

Certes, ces vêtements et textiles high tech sont intéressants. Plus besoin de se préoccuper de prendre un parapluie ou de frotter pour détacher des salissures sur le tapis, le liquide coule sur le tissu et ne l’imprègne pas. Mais ce confort a peut-être un prix que nous ne connaissons pas encore au vu de la toxicité des composés perfluorés.

A mon sens, les composés perflorés devraient être réservés pour des utilisations spécifiques. Par exemple en médecine, il est important d’avoir des habits qui n’absorbent pas les liquides au contact du sang ou des vomissures des malades.

Mais nous n’en avons pas vraiment besoin dans nos habits de tous les jours.

 

Nathalie Chèvre

Nathalie Chèvre est maître d'enseignement et de recherche à l'Université de Lausanne. Ecotoxicologue, elle travaille depuis plus de 15 ans sur le risque que présentent les substances chimiques (pesticides, médicaments,...) pour l'environnement.

4 réponses à “Des poêles…à l’Himalaya

  1. Oui, c’est assez rigolo, redescendre de l’Himalaya le cul sur une poêle, vous l’avez déjà fait?

    P.S. je blague et bravo pour vos posts, on parle de CO2 pour masquer le désastre futur…
    Bien à vous

    1. Bonjour,
      On parle des changements climatiques, qui sont pour moi effectivement une urgence, mais on ne parle pas assez de pollution. Et surtout des conséquences conjointes pollution et changements climatiques. Ce sera peut-être l’occasion d’un porchain post.

  2. Bonjour
    Bravo pour votre article. On se demande quels sont les types de poêles qu’il faudrait acquérir. Difficile de savoir ce qui est vraiment recommandable dans la jungle du commerce. Auriez-vous un conseil à donner ?
    Merci et cordiales salutations

    1. Bonjour,

      Pour ma part, j’ai choisi des poêles en fonte. Les poêles en acier pourraient aussi être bien, mais il faut les avant de mettre les ingrédients dedans.
      Mais je suis d’accord avec vous, c’est toujours difficile de faire un choix car la solution idéale n’existe pas. C’est un choix du moindre risque.

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